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Appartient au dossier : Les galeristes, découvreurs d’artistes

La galerie Pierre, de Pierre Loeb

Pierre Loeb fonde en 1924 la galerie Pierre, lieu d’exposition et de vente majeur pour les artistes surréalistes jusqu’à sa fermeture en 1963.
Notre série estivale consacrée aux galeristes qui ont façonné le marché de l’art depuis la fin du 19e siècle accompagne le parcours Galeries du 20e siècle proposé au sein des collections modernes du Centre Pompidou jusqu’en 2020.

Pierre Loeb est d’abord voyageur de commerce pour l’entreprise familiale de dentelle. Après la Première Guerre mondiale, il fréquente un ami de la famille collectionneur de tableaux, le docteur Tsang (ou Tsanck), et commence lui-même à faire commerce de l’art. Le 10 octobre 1924, il ouvre la galerie Pierre au 13 rue Bonaparte, dans le 6e arrondissement de Paris, en collaboration avec Henriette Gomès, modèle du peintre Jules Pascin.

Il organise en 1925 une exposition consacrée à Joan Miró, puis en novembre de la même année, la première exposition de peinture surréaliste, avec des œuvres de Man Ray, Max Ernst ou encore de Chirico. Dans les années qui suivent, Pierre Loeb expose d’autres artistes rattachés au mouvement, tels que Marc Chagall et Jean Arp, ainsi que des cubistes — Georges Braque, Pablo Picasso.

En 1941, Pierre Loeb doit céder sa galerie à Georges Aubry suite aux lois vichystes édictées contre les Juifs ; la famille Loeb s’exile ensuite à Cuba jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale. Pierre Loeb reprend son activité à la Libération, non sans lutter pour récupérer sa galerie, et usé par la guerre. Il expose Giacometti, Artaud ou Dora Maar, ainsi que plusieurs artistes se réclamant de l’abstraction lyrique. Durant ces dernières années d’activité, sa sœur Denise Colomb photographie des artistes dans la galerie, laissant entrevoir un espace chaleureux encombré de toiles, de livres, de masques africains et de tapis. La galerie Pierre ferme ses portes en 1963, un an avant la mort de Pierre Loeb.

Une tablée de marchands d'arts
Henri Manuel, Syndicat des Éditeurs d’Art et Négociants en Tableaux Modernes, 1938, domaine public. De gauche à droite : Gaston (?) Bernheim-Jeune, Paul Pétrides, Justin Thannhauser, Pierre Loeb, Léonce Rosenberg, André Schoeller, Madame Pierre Loeb, Josse Bernheim, Madame Guillaume-Leray, Paul Rosenberg…

Artistes

Cubisme : Pablo Picasso, Georges Braque, Raoul Dufy…

Surréalisme et assimilés : Paul Klee, Man Ray,  Max Ernst,  André Masson, Giorgio de Chirico, Pierre Roy, Georges Malkine, Marc Chagall, Jean Arp, Alberto Giacometti, Antonin Artaud, Dora Maar…

Abstraction et abstraction lyrique : Joan Miró, Vassily Kandinsky, Vieira da Silva, Zao Wou-Ki, Jean-Paul Riopelle, Georges Mathieu, André Lanskoy, Sergio de Castro, Constantin Macris, Paul Kallos, Jacques Germain, Georges Feher, Georges Romathier…

Quelques dates

1924 : ouverture de la galerie Pierre au 13 rue Bonaparte, Paris 6e
1925 : en novembre, première exposition consacrée à la peinture surréaliste
1926 : déménagement au 2 rue des Beaux-Arts, Paris 6e
1963 : fermeture de la galerie Pierre

Publié le 16/07/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

L'aventure de Pierre Loeb, la Galerie Pierre, Paris

L'Aventure de Pierre Loeb, la galerie Pierre, Paris

Musée d'art moderne de la Ville de Paris
Musée d'Ixelles, 1979

Le catalogue de l’exposition que le Musée d’Art moderne de la Ville de Paris consacre à la galerie Pierre du 7 juin au 16 septembre 1979 est une source inestimable pour comprendre la démarche de Pierre Loeb en tant que collectionneur et galeriste. André Berne-Joffroy, tout en évoquant avec précision les premières expositions proposées par la galerie Pierre, raconte la manière dont il a tenté de rassembler un maximum d’œuvres exposées par Pierre Loeb, aujourd’hui disséminées dans les musées du monde entier. Il détaille également la manière dont l’accrochage de l’exposition a été pensé.

Dans une deuxième partie, des reproductions de tableaux, des photographies de la galerie (pour la plupart prises par Denise Colomb) et des témoignages d’amis artistes, dont Joan Miró et Wifredo Lam, retracent à la fois l’existence de la galerie Pierre et le parcours dans l’exposition.

Une troisième partie propose une chronologie détaillée des expositions qui eurent lieu à la galerie Pierre et la reproduction de lettres manuscrites.

À la Bpi, niveau 3, 7.9 LOE

Modigliani, Utrillo, Soutine et leurs amis

Modigliani, Utrillo, Soutine et leurs amis

François Daulte, Joachim Pissarro, Marc Restellini
Fondation de l'Hermitage, 1994

L’exposition dont ce catalogue est tiré est sous-titrée « Les peintres de Zborowski ». Grand ami d’Amedeo Modigliani, Leopold Zborowski est un contemporain de Pierre Loeb, puisqu’il devient marchand d’art vers 1915.

Dans sa galerie de la rue de Seine, à Paris, il expose André Derain, Pinchus Krémègne, Chaïm Soutine, Marc Chagall, André-François Breuillaud, René Iché, Eugène Ebiche, Maurice Utrillo, Jean Aujame, mais aussi Henri de Toulouse-Lautrec, Auguste Renoir, Paul Cézanne, et Jean Fautrier…
Il est ruiné par la crise financière de 1929, et meurt en 1932.

À la Bpi, niveau 3, 754.408 ECO

Regards sur la peinture

Pierre Loeb
Pagine Arte, 2014

Cet ouvrage est la retranscription d’une conférence donnée par Pierre Loeb le 13 décembre 1949 à la Société de géographie de Paris. La première édition a été tirée à 20 exemplaires numérotés, plus 10 exemplaires hors-commerce numérotés, accompagnés d’une eau-forte de Giacometti.

Pierre Loeb, dans ce discours aussi érudit qu’émouvant, est un homme profondément marqué par la guerre. Il essaie « de trouver, par l’intermédiaire de la peinture, une explication à [son] angoisse et aussi à la [nôtre] ».
Partant d’une réflexion sur l’histoire de l’art au 20e siècle, il se demande si l’homme mérite, après la guerre, d’être sauvé. En guise de réponse au « drame humain à l’échelle mondiale » que tous viennent de traverser, il affirme : « J’attends un art ingrat, laid, grossier, douloureux », une « création pure » pour dépasser le cauchemar.

À la Bpi, niveau 3, 7.9 LOE

Katia Granoff et la galerie Larock-Granoff

Katia Granoff et la galerie Larock-Granoff

Katia Granoff ouvre sa première galerie en 1924 à Paris, au 166 boulevard Haussmann. Elle expose Georges Bouche, Marc Chagall… La galerie devient célèbre et déménage quai de Conti, puis l’occupation de Paris par les Allemands force Katia Granoff à fuir la capitale.

La guerre finie, elle ouvre deux galeries, à Honfleur et à Cannes, ainsi qu’une nouvelle galerie à Paris, place Beauvau. Elle est l’une des premières à redécouvrir et à exposer, dès 1955, les Nymphéas de Claude Monet, réputés invendables.
Katia Granoff choisit souvent d’exposer des artistes femmes, parmi lesquelles Anne Français ou la sculptrice Chana Orloff. Elle expose également les peintres de la nouvelle génération.

Les galeries du quai de Conti et de Honfleur sont toujours ouvertes, et maintenant dirigées par la famille du neveu de Katia Granoff, Pierre Larock.