Série

Appartient au dossier : L’art de lutter

L’art de lutter 4/4 : Nelson Mandela

En 1984, paraît le 45 tours Nelson Mandela du groupe de ska The Special A.K.A. Produite par le guitariste Elvis Costello, la chanson traite de l’emprisonnement de Nelson Mandela par le gouvernement sud-africain pendant la période de l’apartheid. Composé après un concert anti-apartheid à Londres en 1983, le titre n’a pu être diffusé à la radio en Afrique du Sud en raison de son caractère politique.
Au-delà de ce qu’elles en racontent, les œuvres d’art peuvent-elles avoir une influence sur le déroulement des soulèvements populaires ? Alors que la programmation Fronts populaires du Cinéma du Réel 2019 s’interroge sur la manière dont les images de luttes participent aux luttes, Balises pose la question en peinture, en poésie et en chanson.

Cliquez sur l’image pour l’agrandir.

« Twenty-one years in captivity
His shoes too small to fit his feet 
His body abused but his mind is still free 
Are you so blind that you cannot see
 »

« Vingt et une années de captivité
Ses chaussures trop étroites pour convenir à ses pieds
Son corps est maltraité mais son esprit est encore libre
Vous êtes si aveugle que vous ne voyez pas »  

Nelson Mandela est considérée comme une protest song pour son message ouvertement contestataire et humanitaire. Dans les paroles, le chanteur Jerry Dammers revient sur le combat de Nelson Mandela pour la cause noire en Afrique du Sud. Le leader politique est présenté comme un résistant solitaire et « hors du commun » dont l’esprit et le corps n’ont pas été altérés par ses vingt et une années de captivité. Son plaidoyer pour le parti du Congrès national africain est rappelé en une phrase : « He pleaded the causes of the ANC » (Il a défendu les causes du Congrès national africain). C’est une référence aux différentes déclarations données par Nelson Mandela, comme celle du procès de Rivonia qui s’est déroulée entre 1963 et 1964. Le texte aborde également les actions de sabotage menées clandestinement par le « fer de lance de la nation », l’aile militaire du parti fondée par Nelson Mandela.

La chanson est volontairement incisive et joue sur l’économie de mots. Jerry Dammers l’a composée comme un appel à la liberté. Le refrain est chanté à la manière d’un chœur de gospel de Soweto (quartier noir de Johannesburg et symbole de la résistance à l’apartheid). À la fois répétitif et insistant, il fonctionne comme une supplication. Les couplets s’adressent de manière directe au gouvernement de l’apartheid avec un champ lexical qui fait état de leur indifférence à agir (« deaf », « dumb », « blind »). L’absence de ponctuation donne au morceau l’aspect d’un slogan humanitaire.

Grâce notamment à sa large diffusion à la radio, Nelson Mandela devient un hymne-tube en 1986. Le méga-concert donné à Wembley en 1988 par l’association Artists against apartheid contribue également à son succès. Elvis Costello affirme en 1989 dans le magazine musical Spin que la chanson a accru l’ampleur du mouvement anti-apartheid en Angleterre. Au-delà de son succès dans les charts anglais – Nelson Mandela y atteint la 9e place – le morceau a fait « prendre conscience de manière unique du calvaire de Nelson Mandela et a aidé à faire de la lutte contre l’apartheid une des causes qui a défini les années quatre-vingt », selon le journaliste Dorian Lynskey.

Les paroles de Nelson Mandela ont contribué à réhabiliter la réputation politique du leader sud-africain entachée par les membres du parti conservateur anglais et la première ministre Margaret Thatcher. Les sanctions économiques imposées à l’Afrique du Sud seront également assouplies après sa libération.

Extrait de Nelson Mandela, The Special A.K.A., 1984

Publié le 27/03/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet