Son

Appartient au dossier : Plongée littéraire dans le réel

L’écriture apocalyptique aujourd’hui

Lors de la rencontre « Écrire l’effondrement » organisée pendant le festival Effractions en 2020, l’écrivaine Antoinette Rychner et le professeur de littérature comparée Jean-Paul Engélibert reviennent sur les premières fictions d’apocalypse et sur les formes littéraires dans lesquelles elles s’incarnent aujourd’hui.
En prolongement du festival littéraire Effractions organisé à la Bpi en février 2020, Balises vous propose pendant l’été une sélection de cinq rencontres autour de l’effondrement, du roman hybride ou de l’écriture du réel.

Dans Fabuler la fin du monde : la puissance critique des fictions d’apocalypse (2019), Jean-Paul Engélibert, professeur de littérature comparée à l’université Bordeaux-Montaigne, se demande comment la fin du monde est imaginée depuis deux cents ans. Il prend comme point de départ la révolution industrielle des pays occidentaux au 19e siècle. Avec les changements de mode vie et le developpement du matérialisme, la fin du monde n’est plus pensée au travers du récit biblique. Le capitalisme devient le « fil rouge » des nouveaux récits de l’apocalypse.

L’idée de progrès technique est critiquée dans les premières fictions apocalyptiques du début du 19e siècle. Selon Jean-Paul Engélibert, il existe deux types de fiction : les fictions qui « vaccinent », dans lesquelles l’homme s’est habitué à vivre dans un univers dévasté, et les fictions d’avertissement où une catastrophe est sur le point de se produire. « Les fictions permettent de trouver des récits pour nous convaincre que ce que nous savons est vrai », affirme-t-il.

Antoinette Rychner, écrivaine et dramaturge, s’intéresse à la notion d’effondrement à partir de l’essai Comment tout peut s’effondrer ? de Pablo Servigne et Raphaël Stevens. Dans son roman Après le monde (2020), l’écrivaine et dramaturge Antoinette Rychner s’inspire de la théorie développée par Dmitry Orlov en 2013 dans Les Cinq Stades de l’effondrement. L’effondrement est d’abord financier, il s’étend ensuite vers la sphère commerciale, puis politique, avant d’atteindre les institutions sociales et l’humain.

Antoinette Rychner emprunte au philosophe Jean-Pierre Dupuy l’expression « catastrophisme éclairé ». « L’homme est surinformé mais n’est pas prêt au changement », explique-t-elle. Face à la menace de l’effondrement, il y a un retour de la « sacralité ». Cette notion apparaît dans Malevil de Robert Merle (1972). La petite communauté qui se crée suite à une explosion d’origine inconnue se considère comme sacrée et elle tente de reconstruire un monde commun. Antoinette Rychner fait référence à la notion d’« inestimable », qu’elle emprunte au philosophe Jean-Luc Nancy et qui permet de penser l’organisation de mondes post-apocalyptique en dehors du calcul et de la rationalité économique.

Publié le 06/07/2020 - CC BY-NC-SA 4.0

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet