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​L’open data, la solution pour la transparence de la vie publique ?

La campagne des présidentielles 2017 a vu surgir de nombreux questionnements autour du patrimoine des candidats et des revenus émanant de leurs mandats et de leur activité professionnelle privée. Pourtant, la France ne cesse de produire de la donnée pour plus de transparence dans le secteur public. Depuis l’affaire Cahuzac, elle a étendu son champ d’action aux élus et s’est dotée d’un arsenal juridique pour encadrer cette transparence. Considérées comme une ingérence dans leur vie privée par certains politiques ou comme un moyen de regagner la confiance du citoyen par d’autres, ces données ouvertes à tous permettent-elles réellement à chaque citoyen de se faire son idée ? Exposer les données n’apporte pas toujours l’éclairage escompté et souvent, ce sont des initiatives citoyennes ou journalistiques qui permettent d’exploiter pleinement ces ressources.

bâtiment transparent avec drapeaux
Transparence, by Bpmm, [CC BY-NC-ND 2.0] via Flickr

La donnée, un outil d’évaluation pour les Etats

Au niveau mondial, la lutte contre la corruption, les détournements d’argent public, la fraude fiscale ou les conflits d’intérêts ne commence que dans les années 1990. L’association Transparency international, fondée en 1993, a aidé à prendre conscience de l’importance du phénomène et de son impact sur la démocratie, en développant et publiant des indices internationaux comme l’indice de perception de la corruption et le baromètre mondial de la corruption. Elle a joué un rôle important dans la création de la Convention des nations unies contre la corruption, ratifiée en 2003.

L’indice mondial de perception de la corruption par pays (source Transparency International), issu de la compilation de sondages, a surtout permis d’établir qu’aucun pays n’est exempt de corruption.

Si ces collectes de données existent et aident à la gouvernance, le citoyen n’y a pas forcément accès. L’OCDE rappelle, dans la boite à outil pour l’intégrité fournie à ses membres, que “la possibilité pour le public de disposer des informations révélées par les principaux décideurs est également importante pour garantir la responsabilité et renforcer la confiance accordée au gouvernement.” Tout en déplorant que dans 90% des pays, on y accède que partiellement (Panorama des administrations publiques de 2011).

Sur le chemin de la transparence par la donnée

En France, la coordination et la publication des données publiques s’organisent sous l’égide de Etalab, une mission créée en 2011, placée sous l’autorité du premier ministre. Dès décembre 2011, Etalab conçoit le portail data.gouv pour recueillir et publier les données émanant des services publics, mais surtout crée une licence libre qui permet leur réutilisation. En 2013, Etalab voit son champ d’action élargi aux données “en matière d’éducation, de risques environnementaux, de transparence du système de santé, de l’offre de transport, de logement, de lisibilité des prestations sociales et des dépenses publiques”. Mais surtout, on lui demande de favoriser l’interopérabilité des données et de mettre à disposition des outils de visualisation.

Après l’affaire Cahuzac, du nom du ministre délégué au Budget condamné en décembre 2016 pour fraude fiscale et blanchiment, le gouvernement français renforce son dispositif pour la transparence de la vie publique. Parmi les mesures phares de cette loi de 2013, on note une obligation de déclarations de patrimoine et d’intérêt en début et en fin de mandat pour les membres du Gouvernement, les parlementaires nationaux et européens, les principaux responsables exécutifs locaux, les membres des autorités administratives indépendantes, les collaborateurs des cabinets ministériels et du président de la République, les titulaires d’emploi à la décision du Gouvernement nommés en Conseil des ministres et les responsables des principales entreprises publiques. Un dispositif pour garantir le respect de ces obligations est créé : un Parquet national financier (PNF) pour lutter contre la délinquance économique et financière complexe et la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP), organisme de contrôle et de publication. Ces efforts de transparence n’ont pas été toujours bien perçus, notamment par les principaux concernés et ont suscité de nombreux débats au sujet de ce qui relève de la vie privée et de la vie publique. 

Des données pas si accessibles 

Ces précieuses données sont censées nous éclairer sur l’action de l’Etat et sur ses serviteurs, mais multiplier les bases de données et les publier ne suffisent pas. En effet, il faut en faciliter l’accès et l’usage, c’est-à-dire pouvoir les trouver, les lire mais aussi les croiser et les mettre en page pour les faire parler.
La plupart des bases de données sont faciles à trouver car hébergées sur des portails de données. Certaines, hébergées sur des sites d’organismes ou associations, ont été fortement médiatisées lors des affaires révélées durant les présidentielles, mais saura-t-on les retrouver ensuite ? Perdureront-elles ?
Souvent ces données sont brutes et donc difficilement interprétables. De plus, elles ne sont pas toutes au même format, certaines sont parfois juste scannées et non exploitables, ou discontinues dans le temps… Il faut donc que d’autres s’en saisissent et les traitent pour les rendre « lisibles ». Certaines n’existent pas, comme par exemple, les revenus des conjoints et enfants des élus, ce qui avait été envisagé un temps puis rejeté car relevant de la vie privée. Ce sont les croisements de plusieurs bases et les efforts de journalistes qui ont permis d’affirmer que de nombreux parlementaires employaient leurs conjoints ou enfants comme assistants.

Il faut donc des moyens humains pour traiter puis analyser les jeux de données et un certain niveau de compétences. C’est pour cela que des associations citoyennes ou militantes se mobilisent pour faire parler ces données, que Etalab organise des événements favorisant la réutilisation de ses jeux de données ou que les rédactions emploient des journalistes formés à l’exploitation des datas. Produire des bases en limitant l’exploitation et la réutilisation de ces dernières revient à opacifier… la transparence.

Publié le 28/04/2017 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

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La moralisation de la vie publique sur gouvernement.fr

L’enjeu de la transparence de la vie publique est de replacer l’intérêt général au premier plan. Deux missions concrètes : lutter contre les conflits d’intérêts et restaurer la confiance des citoyens.

Nouvelle fenêtre vers le site de l'hatvp

Haute Autorité pour la transparence de la vie publique

Le site internet de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique recueille les déclarations rendues obligatoires pour plus de 14 000 responsables publics, qu’ils soient élus ou agents publics ainsi que les informations sur les modalités, les catégories de personnes concernées, les actions et les propositions de la Haute autorité… Les déclarations sont sous licence ouverte et donc réutilisables mais fournies sous format PDF.

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Déontologie à l'Assemblée nationale - Assemblée nationale

En vertu de la décision du Bureau du 6 avril 2011, l’Assemblée nationale s’est dotée d’un dispositif destiné à prévenir les conflits d’intérêts. Outre l’édiction d’un code de déontologie en six points, rappelant les principes que les députés s’engagent à respecter, il est prévu la remise en début de mandat d’une déclaration d’intérêts, ainsi que l’institution d’un déontologue au sein de l’Assemblée nationale. Ce dernier est chargé de recevoir les déclarations d’intérêts, de conseiller les députés sur toute situation délicate et d’alerter le Bureau en cas de manquement. Tous les rapports du Déontologue sont publiés sur ce site.

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Thématique: transparence de la vie publique - Data.gouv.fr

La plate-forme data.gouv.fr héberge des jeux de données sous différents formats (csv, excel, data…) sur la thématique Transparence de la vie publique :

  • les comptes des partis et groupements politiques
  • la liste des déclarations et appréciations sur le patrimoine des ministres
  • les déclarations d’intérêts des parlementaires
  • le classement de la transparence, de la responsabilisation et de la corruption dans le secteur public
  • l’ensemble des avis et conseils rendus par la Commission d’accès aux documents administratifs
  • les amendements déposés au Sénat depuis 2010,
  • l’ensemble des questions écrites et orales posées par les sénateurs au Gouvernement depuis le 2 avril 1978,
  • le listing des auditions réalisées par les députés de 2007 à 2010
  • l’aide publique au développement de la France
  • la liste des filiales par entreprise, par paradis fiscal et judiciaire
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Presidentielles 2017 / Conseil-constitutionnel.fr

Pour plus de transparence, ce site spécial Présidentielles 2017 rappelle les règlements pour les élections présidentielles et publie les parrainages pour chaque candidat. Des données sont mises en graphiques et en cartes pour plus de lisibilité.

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A propos des députés | Députés | Parlement européen

Le Parlement européen est composé de 751 députés élus dans les 28 pays membres de l’Union européenne élargie et tient des fiches très complètes sur les députés européens, leurs actions, leur présence, leurs assistants…

nouvelle fenêtre vers la revue en ligne de Paris Tech

Civic Techs - Quand le numérique renouvelle la démocratie

Un dossier en trois volets pour tout savoir sur les civic techs (ou technologies civiques), ces initiatives qui visent à utiliser les technologies numériques pour améliorer la démocratie en remettant le citoyen « au cœur des processus démocratiques, en l’informant mieux, en lui permettant une plus grande participation et en lui donnant plus de pouvoir, et à œuvrer pour une plus grande transparence dans les affaires publiques. »

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Transparency International France

La section française de Transparency International, principale organisation de la société civile de lutte contre la corruption, publie des indices de perception de la corruption, un baromètre mondial de la corruption, des indices de corruption des pays exportateurs et de nombreux rapports sur la corruption, sur la justice, sur le lobbying ou encore les biens mal acquis… A retrouver dans la rubrique Publications.

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ANTICOR | Contre la corruption, pour l'éthique en politique.

À l’occasion de l’élection présidentielle, Anticor rappelle qu’elle est une association transpartisane et citoyenne qui ne soutient aucun candidat. Anticor ne fournit pas de bases de données mais œuvre pour une moralisation de la vie publique et incite le citoyen à exercer une veille sur la vie publique. Pour l’aider, elle fournit informations et outils.

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Projet Acadie : tableaux thématiques de données sur les parlementaires

Tout savoir sur les députés, les sénateurs et les eurodéputés : Qui sont-ils, comment les contacter, savoir quelle est leur influence locale, leur métier, à quel parti ils appartiennent, quelles sont leurs fonctions politiques, avec qui ils travaillent, à quoi ils s’intéressent… Projet Acadie, c’est avant tout une plateforme sur laquelle toutes les informations publiques sur les parlementaires ont été recensées, rendues exploitables et mises à jour en temps réel. On peut y faire des recherches sur de nombreux critères et croiser les données.
C’est aussi un blog qui héberge cette plateforme et qui « croque et explique la vie parlementaire et politique » et rend accessibles certaines données . A titre d’exemple, dans le cadre des présidentielles, François Fillon avait communiqué sur son site l’organigramme de son équipe de campagne sous format image et avec juste l’initiale du prénom. Le blog a ressaisi les noms complets pour que cette liste puisse être réutilisée.

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Regards Citoyens

Le collectif Regards Citoyens est une association constituée de citoyens de tous âges et régions, tous bénévoles, qui se sont rencontrés sur Internet dans un désir commun de proposer un accès simplifié au fonctionnement des institutions démocratiques à partir des informations publiques. Ce collectif propose des logiciels et des données en téléchargement sous licences libres, notamment sur data.gouv.fr. Il utilise le collaboratif et le bénévolat pour traiter certaines bases non exploitables.
Regards citoyens est à l’origine de nombreuses initiatives, notamment :

Un exemple de leur mobilisation pour la transparence par l’open data : l’article de 01 informatique : 7000 internautes réussissent à numériser les déclarations des parlementaires (29/07/2014)

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Une cartographie collaborative de la corruption

Avec 660 affaires recensées par des bénévoles, la carte publiée par Transparency France reconstitue la France de la corruption. Des bénévoles y travaillent depuis près de deux années. Ils cherchent l’information, dans la presse essentiellement, la vérifie et la rentre dans la base.
Plus d’informations dans cet article du Monde (11/02/2017) : Une carte collaborative de la corruption en France

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