Portrait

Allain Leprest

Musique

Allain Leprest à Paris, date inconnue CC BY-SA 3.0

Le 15 août 2011, Allain Leprest se donnait la mort à Antraigues-sur-Volane, patrie de Jean Ferrat.
Poète, compositeur, interprète, le Rimbaud du  vingtième siècle comme l’appelait Jean d’Ormesson, a eu une carrière chaotique. Méconnu du grand public, il mériterait au moins une reconnaissance posthume.
 

Allain, avec deux « l »

Né à Lestre dans le Cotentin le 3 juin 1954, il passera une partie de sa vie en Normandie dans la banlieue de Rouen. Issu d’un milieu modeste, il s’essaie à l’écriture dés l’âge de 17 ans alors qu’il entre en CAP de peintre en bâtiment. Il dessine aussi.  De dessins en galères, il se retrouve à faire son service militaire dans les parachutistes. Insoumis et provocateur, il passera une bonne partie de son service aux arrêts de rigueur.  L’armée c’est aussi sa première chanson « Vingt ans ». Il continue d’écrire, et vit de petits boulots. Ne trouvant pas d’interprète pour ses chansons, il décide de les chanter lui-même. Il se produit dans des salles de Rouen comme le Bateau ivre, et dans la région rouennaise. C’est là qu’il est remarqué par Henri Tachan. Encouragé par ce dernier, il décide de  monter à Paris. Il attendra  longtemps l’édition de ses premiers textes, un recueil de poésie « Tralahurlette »en 1981. Pour vivre, il fait la tournée de différents cabarets, cachetonnant pour survivre.

Le triomphe à Bourges

Il lui faudra attendre 1985 et le printemps de Bourges pour être reconnu comme un poète, parolier et interprète de talent. Accompagné à l’accordéon par Bertrand Lemarchand, programmé entre Juliette Gréco et les Stranglers pour 2 chansons, il restera sur scène près d’une demi-heure.  L’année suivante, il signe dans la maison de disque de Jean Ferrat, écrit entre autre pour Juliette Gréco et Isabelle Aubret, dont il fera la première partie à  l’Olympia. Il sort la même année son premier album « Mec » sur des musiques de Romain Didier avec qui il aura une grande complicité tout au long de sa vie. Les années passent, la reconnaissance par ses pairs est unanime, même Claude Nougaro, avare de compliments l’avait encensé en déclarant : « C’est simple, je considère Allain Leprest  comme L’un des plus foudroyants auteurs au ciel de la langue française. » Malgré ces louanges, il reste méconnu du grand public et des grands médias à l’exception de quelques professionnels comme  Pascal Sevran, Jean-Louis Foulquier ou Isabelle Dhordain. Il faut dire qu’Allain Leprest se complait à chanter dans des petites salles de banlieue, comme à Ivry sur Seine où il habitait, ou à la fête de l’Huma, privilégiant le contact auprès de son public. A la Courneuve, il s’y sent bien, le cœur bien rouge, il fréquente ce lieu depuis de nombreuses années. C’est là qu’il a rencontré sa future femme Sally avec laquelle il aura 2 enfants.
Un différent avec Alain Meys, son ami et éditeur, sera à l’origine de leur rupture. S’en suivront deux années de doute et de vaches maigres.

L’épopée Saravah

Il rencontre Pierre Barouh, directeur du label Saravah et grand découvreur de talents. Il tient en Leprest la voix qu’il recherche pour l’associer à l’accordéon  de  Richard Galliano. Les deux compères vont enregistrer l’album « Voce a mano ». Ils  recevront le prix de l’académie Charles – Cros en 1993. Ce disque débouche sur une tournée qui débute au théâtre Dejazet à Paris, et dans de nombreux festivals dont celui des Francofolies. En 1994, il  collabore avec Francesca Solleville pour qui il écrit les textes de son  album « Al dente ». Parallèlement, il sort aussi un nouvel album. L’année suivante, en février 95, il donne un unique récital à l’Olympia, c’est la consécration. Avec son extrême fragilité, sa force d’interprétation, et sa forte présence sur scène, on le compare à un Jacques Brel ou à un Léo Ferré. Allain Leprest chante les bistrots, la Normandie et le genre humain avec ses SDF, ses putes, ceux qui souffrent et les mal nantis. Il chante aussi l’alcool et la cigarette qui le nourrissent  en permanence.

En scène, j’aime bien vaciller en chantant, c’est une manière de mettre ma fragilité dans le spectacle, mais j’ai jamais rien écrit de valable quand j’ai bu, confie-t-il, sur scène ça n’aide pas. C’est une partie de ma vie, ma maîtresse, c’est un goût, un plaisir. 

 En 1998, pour son nouvel album « Nu », Romain Didier son ami, est toujours présent, ainsi que Jacques Higelin, Gilbert Lafaille ou Yves Duteil. Leprest y signe son quotidien. Cette année là, il se produira aux Francofolies de La Rochelle, et à l’automne pendant 7 jours à l’Européen, une salle parisienne.
C’est dans les petites salles qu’Allain Leprest excelle. A demi voûté, souvent dans la pénombre, accompagné d’un piano, Allain Leprest vit. Il se produira au Limonaire, un bistrot à vin et à chansons parisien chaque mardi de l’an 2000.
Deux ans après, il sort un nouvel album « Je viens vous voir ». Il fête ses 25 ans de carrière en 2004 à l’Européen. L’année suivante un nouvel album voit le jour « Donne moi de mes nouvelles ».

Cantate pour la Culture

Avec son ami Romain Didier, ils  honorent  une commande du ministère de la Culture : une cantate  sur le thème de la Méditerranée. Allain Leprest  lutte déjà  contre la maladie. Il surprend tout le monde en invitant des chanteuses et chanteurs à revisiter son répertoire. Enzo Enzo, Olivia Ruiz, Michel Fugain, Jacques Higelin, et bien d’autres seront de la fête. Il réunira sa grande famille au cours d’un unique concert au Bataclan en mars 2008. Cette année là, verra la sortie de son 7ème album  studio « Quand auront fondu les banquises ». De sa voix fatiguée, il y chante l’écologie, mais aussi sa presque mort avec « Quand j’étais mort ».

Les honneurs

Il reçoit le grand  prix Charles Cros en 2009. La même année il réitère l’expérience de « Chez Leprest » en invitant sur scène de nombreux artistes. Cette soirée mémorable est l’occasion d’un nouvel album « Chez Leprest 2 », accompagné du DVD  du concert « Leprest 1 ». Il reçoit en 2010 le grand prix de poésie de la Sacem. Le président du moment, Claude Lemesle se réjouissait « de distinguer un de ces grands artisans de la musique, un aventurier de la page blanche. »

Une fin préméditée

En juillet 2011, en rémission d’un cancer des poumons, il est l’invité d’honneur du festival Jean Ferrat à Antraigues-sur-Volane. Après quelques semaines de repos, il met fin à ses jours le 15 août  2011. Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture de l’époque rend hommage à « un artiste immense et rare ». 
Avant de se donner la mort, le banlieusard  avait rédigé un message à son ami, le député-maire (PC) de la ville d’Ivry. Pierre Gosnat. Cette missive se terminait par ces mots :

Pourrais-je solliciter de la part de ma ville, lorsque l’heure, sans glas, sans tristesse en sera venue, une petite maison dans le si beau et humble cimetière de Monmousseau ?

Allain Leprest repose au cimetière Monmousseau d’Ivry-sur-Seine.  

Allain Leprest en Cd, à la Bpi :

  • Nu comme la vérité.
  • Voce a mano.
  • Nu.
  • Les amis d’Allain chantent Leprest.
  • En concert, je viens vous voir.
  • Il pleut sur la mer.
  • Donnez-moi de mes nouvelles.
  • Il pleut sur la mer.
  • Pantin – pantine (conte musical).

À la Bpi, niveau 3, Espace Musique, 782.6 LEPR 4

Publié le 17/08/2015 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Allain Leprest - Nu

Nu

Allain Leprest
Hamelle, 1998

Partition des chansons : Nu , Rouen , La Courneuve , S.D.F. , Nos statues , Tu penses à lui , La colère , Le poing de mon pote , Madame , Le dico de grand-mère , Quand j’ai bu, j’bois double , Garde-moi la mer

À la Bpi, Niveau 3, Espace Musique, 782.6 LEPR 3

Allain Leprest : dernier domicile connu

Marc Legras
Archipel, 2014

Biographie d’Allain Leprest, des clubs de la rive gauche à ses derniers concerts et son suicide en 201

À la Bpi, niveau 3, Espace musique, 782.6 LEPR 2

Allain Leprest : je viens vous voir

Allain Leprest : je viens vous voir

Thomas Sandoz
C. Pirot, 2003

À la Bpi, Niveau 3, Espace Musique, 782.6 LEPR 2

Connait-on encore Leprest ? : Allain Leprest Live

Connait-on encore Leprest ? : Allain Leprest Live

Jean-Manuel Vignau
Tacet [éd.] : ; Adav [distrib.], 2012

Enregistrement du concert que donna Leprest le 25 mars 2011 au Scarabée de la Verrière, dans les Yvelines.

Juste accompagné par Léo Nissim au piano, il chante assis sur une chaise, affaibli par la maladie qui le grignotait depuis plusieurs années. L’image est touchante, la vision est dure. Mais à l’instar d’une Piaf décharnée qui électrisait encore de sa voix venant des ténèbres, comme un Reggiani aux derniers concerts balbutiants mais déchirants, Leprest y impose une force douce et semble déposer doucement sur nos cordes sensibles, ses chansons bouleversantes. » (Sud-Ouest blog)

À la Bpi, Espace Musique, Postes multimédia

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