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Thelonious Monk, sphère d’influence

Thelonious Sphere Monk aura été une source d’inspiration pour de nombreux artistes, dans les domaines littéraires, musicaux et cinématographiques. Le centenaire de sa naissance et les reprises de ses standards par les élèves du Conservatoire national supérieur de musique et de danse de Paris à la Bpi nous donnent l’occasion de revenir sur quelques œuvres qu’il a directement influencées. 

Echenoz, les Beatniks et Monk

Jean Echenoz a une grande admiration pour Thelonious Monk et son phrasé jazz qui « détruit pour embellir », formule appliquée par l’auteur dans l’écriture de tous ses textes. L’écriture échenozienne trouve d’ailleurs un point d’appui sur les rythmes et les sonorités employées dans le jazz (syncopes, dissonances, ruptures…). Avec Thelonious Monk, Jean Echenoz questionne dans toute son œuvre la tournure et la musicalité de ses phrases. Certains passages syncopés dans les romans Lac et Envoyée spéciale peuvent d’ailleurs être lus sur des partitions du pianiste. Extraits :

« Il les admonestait, qui se taisaient, miteux. » (Lac, 1989)

« On n’a pas de femmes, se sont-ils débinés, qui commençaient à fatiguer. » (Envoyée spéciale, 2016)

Les écrivains de la Beat Generation se sont revendiqués de Thelonious Monk et du be-bop dans les années 1950, décrivant leur style d’écriture comme de la « bop prosody ». Jack Kerouac, surnommé le « jazz writer », a employé dans Sur la route un tempo d’écriture rapide et une prose spontanée. Son tapuscrit est rédigé en trois semaines de manière frénétique sur un rouleau de papier de 36 mètres. L’écrivain aimait d’ailleurs se rendre à Harlem au Minton’s Playhouse pour écouter Thelonious Monk dans les années 1940. Allen Ginsberg place quant à lui Thelonious Monk dans ses « secret heroes » et avoue s’être inspiré de sa musique pour le poème anti-guerre Wichita vortex sutra #3.

It’s not a God that bore us that forbid                   
our Being, like a sunny rose                                   
all red with naked joy                                               
between our eyes & bellies, yes 
                           

Ce n’est pas Dieu qui nous a supportés qui a interdit 
notre manière d’être, comme une rose ensoleillée
toute rouge d’une joie pure
entre nos yeux et nos ventres, oui

(Wichita vortex sutra #3, 1966)

Les Liaisons dangereuses, la bande originale oubliée

Thelonious Monk compose en 1959 la bande originale du film Les Liaisons dangereuses de Roger Vadim, adaptation du roman de Pierre Choderlos de Laclos. Les enregistrements au Nola studio’s de New-York se déroulent après que le pianiste a visualisé le film. Les six morceaux composés sont des réinterprétations d’anciens thèmes qui concordent difficilement avec les timings des scènes, provoquant un décalage entre la musique et l’image. Avec Les Liaisons dangereuses, Monk compose une bande-son dont la Nouvelle Vague s’approprie le style pour ses autres productions (À bout de souffle de Jean-Luc Godard notamment). Roger Vadim rejoint les cinéastes tels que Louis Malle et Jean Painlevé qui ont fait appel à des musiciens de jazz américain pour la composition de leur bande originale.

Monk samplé et ressuscité

Thelonious Monk reste également une influence forte dans le rock avec Tom Waits qui apprécie l’album Solo Monk et dans le hip-hop où le Wu-Tang Clan utilise des samples de Monk sur les titres Shame on a Nigga ou Clan in Da Front
Plus récemment le pianiste belge Laurent De Wilde, auteur de l’essai Monk, assure la relève avec son trio New Monk’s Trio.

Extrait de Round midnight, Thelonious Monk
Extrait de Straight, No Chaser, Thelonious Monk, 1964

Publié le 15/01/2018 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Envoyée spéciale

Jean Echenoz
Minuit, 2016

Une bande de barbouzes quelque peu désorganisés, un général sur le retour qui rêve d’un dernier grand coup, une jeune ingénue qui n’a rien demandé, et certainement pas qu’on l’envoie jouer les mouchardes en Corée du Nord… Tous les ingrédients sont là pour renouer avec la veine du roman d’espionnage rocambolesque, premier amour de Jean Echenoz.

Plus de vingt ans après Lac ou Cherokee, Echenoz démontre à nouveau sa virtuosité narrative : dans la folle machine qu’est Envoyée spéciale, tout – et, à l’occasion, n’importe quoi – peut alimenter le moteur de l’action. Interventions furtives du narrateur, deus ex-machina insensés, clins d’œil auto-référentiels insistants… Pastiche goguenard et retors, Envoyée Spéciale conjugue la malice pince-sans-rire du jeune Echenoz à l’impeccable maîtrise stylistique de l’œuvre de maturité.

À la Bpi, niveau 3, 840″19″ ECHE 4 EN

Lac

Jean Echenoz
Minuit, 1989

Franck Chopin est une taupe, un agent de renseignement français dormant, réactivé ponctuellement par son agent de liaison, le Colonel Seck. Officiellement, il est entomologiste au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Cette spécialité lui a permis de développer un système d’écoute particulier en équipant des mouches avec des micros. Ce drôle d’espion voit sa vie basculer le jour où il croise Suzy. Cette rencontre va l’entraîner dans une série d’aventures rocambolesques.

À la Bpi, niveau 3, 840″19″ ECHE 4 LA

Sur la route : le rouleau original

Jack Kerouac
Gallimard, 2010

Sur la route a été composé en trois semaines, en 1951, sur un long rouleau de papier télétype, sans ponctuation. Le roman décrit la route avec Dean, mais aussi le jazz, l’alcool, les filles, la drogue, la liberté. Refusé par les éditeurs, le manuscrit est retravaillé par son auteur et publié plusieurs années après. En complément, des explications sur la genèse du texte.

À la Bpi, niveau 3, 821 KERO 4 ON

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