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Appartient au dossier : Cultures populaires : histoire d’une légitimation

Qu’est-ce que la culture ?
Définir la culture est une entreprise ambitieuse... et forcément incomplète.

Le mot culture renvoie à des notions et des pratiques hétérogènes. Quels rapports la culture entretient-elle avec l’art et la politique ? Comment les cultures populaires sont-elles entrées dans le champ de la culture officielle ? Ces questions ne sont pas aussi simples qu’elles en ont l’air.

Art et culture ?

Jean-Claude Wallach rappelle dans son livre La culture, pour qui ? que « dans l’usage qui en est fait ici, le mot culture vise à rendre compte de la relation que les individus entretiennent avec l’art, les œuvres et les artistes ».

Il s’agit bien ici de la relation que le public entretient avec l’art, et non pas de la simple mise en avant de l’art lui-même, en tant que tel. Depuis les débuts de la politique culturelle en 1959, avec la création du ministère de la Culture sous De Gaulle, c’est en effet souvent l’art qui a été au centre des préoccupations.

Le premier à avoir occupé les fonctions de ministre de la Culture, l’écrivain et homme politique André Malraux, considérait que le spectateur placé devant une œuvre d’art devait éprouver un choc, une émotion telle qu’il se transformerait ensuite en individu capable d’appréhender directement le langage artistique sans besoin d’explications. Les faits démentent aujourd’hui cette conception même si quelques-uns ont pu être frappés du syndrome de Stendhal, c’est-à-dire saisis d’une émotion forte et physique en face de certaines œuvres d’art, qu’on pourrait qualifier de vertige esthétique.

Pour Jean-Claude Wallach, cela est logique car, « à force de parler culture quand on fait art, on finit par tomber dans la plus grande confusion. »

L’accès aux œuvres d’art et de l’esprit exigeant de la médiation, les institutions se doivent de proposer des politiques culturelles axées sur la démocratisation et l’accès du plus grand nombre à la création.


Culture et politique ?

Le mot culture est associé fréquemment à la notion de démocratisation mais, entre les intentions et les actes, il peut y avoir une différence importante. Plusieurs auteurs dressent ainsi un constat mitigé de 60 ans de politique culturelle.

C’est le cas de Jean-Michel Djian qui explique dans Politique culturelle : la fin d’un mythe que plusieurs opportunités ont été ratées. Si le ministère de la Culture avait su s’emparer du secteur de la télévision, peut-être aurait-il été possible de diffuser largement plus de programmes culturels de qualité ?

Pour autant, même si les œuvres peinent à rencontrer de nouveaux publics et que l’on retrouve plutôt des publics déjà initiés au monde de l’art dans les lieux culturels, des initiatives différentes ont vu le jour. Les Nouveaux territoires de l’art en sont une bonne illustration.

Les habitudes culturelles ayant évolué avec le temps, Jack Lang, ancien ministre de la Culture, a notamment ouvert le champ de la culturelle officielle aux rock, jazz, haute couture, bande dessinée et gastronomie dès les années 70. Cette entrée des cultures dites populaires dans le champ de la culture officielle a permis de valoriser des pratiques jusqu’alors présentes uniquement sur le terrain, et pas dans les intitutions culturelles. Cette ouverture n’a jamais été remise en cause depuis. L’entrée du street art et de la photographie dans les musées, l’essor du « rompol » (roman policier), des mangas, des jeux vidéos et autres genres considérés au départ comme mineurs, illustrent le fait que les frontières sont poreuses. Ce qui était dénigré hier peut devenir demain un genre honorable.

Est-ce pour autant un gage de conquête de nouveaux publics ? Pas nécessairement, puisque l’on a pu observer l’inverse depuis le début du 20e siècle. L’essor des industries culturelles a eu des impacts importants en termes de baisses de fréquentation du spectacle vivant, sans que de nouveaux publics viennent remplacer ceux qui étaient captés par le disque et le cinéma…

Tout dépend, là encore, de ce que l’on met derrière le mot culture. Y inclue-t-on ces industries culturelles ? Aujourd’hui, cela paraît une évidence… mais pas toujours, y compris pour les principaux intéressés.
Selon l’enquête Les représentations de la culture dans la population française menée par le Département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) du ministère de la Culture, les personnes jouant aux jeux vidéos ne désignent pas cette activité comme une pratique culturelle en tant que telle.

La culture, qu’est-ce donc ? Sans doute à la fois une manière de dialoguer avec les œuvres d’art, de dialoguer avec d’autres à travers elles, mais aussi un bien commun qui reflète l’évolution des pratiques et des formes d’expression humaines.

Publié le 04/04/2017 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Culture de masse ou culture populaire ?

Lasch, Christopher
Climats, 2011

A la Bpi, niveau 2, 301.4 LAS

Dictionnaire des politiques culturelles de la France depuis 1959

avec les conseils de Laurent Le Bon et Philippe Régnier
CNRS Editions ; Larousse, 2001

Présente un bilan critique du modèle français de 1959 à aujourd’hui, autour d’environ 350 articles.
Sont abordés les structures politiques et administratives, les idées, les acteurs, les débats, les événements comme mai 68 ou la Fête de la musique, les grandes politiques culturelles, les symboles et les créations les plus significatifs.

A la Bpi, niveau 2, 321.2 DIC

La culture du pauvre : étude sur le style de vie des classes populaires en Angleterre; The uses of literacy

Hoggart, Richard
les éditions de Minuit, 1970

Etude portant sur le style de vie des classes populaires.

A la Bpi, niveau 2, 301.4 HOG

La culture, pour qui ? : essai sur les limites de la démocratisation culturelle

Wallach, Jean-Claude (1948-2012)
Ed. de l'attribut, 2006

Propose d’étudier les rapports des citoyens avec l’art, l’œuvre et les artistes. Invite les artistes et les professionnels de la culture à repenser leur rapport à la population et à définir le public visé par la culture.

A la Bpi, niveau 2, 301.4 WAL

Nouveaux territoires de l'art

Lextrait, Fabrice ; Kahn, Frédéric
Sujet-Objet, 2005

Synthèses des contributions, des ateliers et des tables rondes d’un colloque international tenu à Marseille en février 2002.
Sur les politiques culturelles publiques, la place de la culture et des pratiques artistiques dans l’espace urbain, les nouveaux territoires de l’art, la coopération internationale à travers le monde dans le domaine de l’art, les rapports de l’art au monde, etc.

A la Bpi, niveau 3, 7.8 LEX

Politique culturelle : la fin d'un mythe

Djian, Jean-Michel
Gallimard, 2005

Ce bilan historique des politiques culturelles en France depuis le ministère d’André Malraux dresse le panorama des outils de ces politiques : outils publics (musées, DRAC, ministères impliqués…) et outils privés (politique du livre…). Il évalue également l’évolution des dotations budgétaires sans lesquelles les outils ne suffisent pas et conclut à la renonciation des grandes ambitions.

A la Bpi, niveau 2, 321.2 DJI

Études et statistiques - Ministère de la Culture et de la Communication

Études et statistiques - Ministère de la Culture et de la Communication

Le Département des études de la prospective et des statistiques (DEPS) est le service d’études et de statistique du ministère de la Culture et de la Communication. Certains travaux sont accessibles directement en texte intégral sur ce site et d’autres le sont via la base de données Cairn (abonnement disponible à la Bpi).

Les publics in situ et en ligne - Ministère de la Culture et de la Communication

Les publics in situ et en ligne - Ministère de la Culture et de la Communication

Numéro 134 de Culture et Recherche, hiver 2016-2017, téléchargeable en texte intégral.
Dossier coordonné par Olivier Donnat (SCPCI/Département des études, de la prospective et des statistiques).

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