Sélection

David Prudhomme en 5 BD

Balises vous présente quelques albums de David Prudhomme, dans le cadre des « Jeudis de la BD » organisés à la Bpi.

Auteur formé à l’École européenne supérieure de l’image, à Angoulême, David Prudhomme a publié une vingtaine d’albums de bande dessinée, seul ou en collaboration avec Pascal Rabaté, Emmanuel Guibert ou Étienne Davodeau. Il a également illustré plusieurs textes littéraires, comme La Farce de maître Pathelin et J’entr’oubliay de François Villon. Toujours attaché à ses personnages, il rend compte, d’un trait expressif de leurs vies communes ou singulières.

Publié le 17/03/2020 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Sumographie

David Prudhomme, Sonia Déchamps
Soleil, 2019

Sport mêlé de rituels ancestraux, lutte de corps hors normes, le sumo a tout pour dérouter le spectateur occidental. David Prudhomme explique avoir éprouvé une véritable fascination pour ce sport dès le premier tournoi auquel il a assisté au Japon en 2012. Ses premiers croquis, d’abord destinés à une exposition, se sont depuis multipliés, développés et enrichis. Dans cet ouvrage, selon les termes du préambule,  « le sumo devient un sujet plastique », que David Prudhomme illustre à l’encre, aux pastels, au feutre ou à l’aquarelle. Il s’attache à tous les aspects de son sujet, en variant les styles : portraits fidèlement dessinés, dessins sur le vif des combats, mais aussi rêveries graphiques où corps et paysages s’entremêlent, parfois jusqu’à l’abstraction.

Pénétrer dans l’univers du sumo nécessite quelques explications. Elles sont fournies par la journaliste Sonia Déchamps qui retrace l’histoire  de ce sport et décrypte pour nous l’entraînement des rikishi et les combats sur le dohyô.

À la Bpi, niveau 1, UR ART P

L'Oisiveraie

David Prudhomme
L'Association, 2019

Christian envoie son fils de dix ans chez Roland pour lui demander sa tronçonneuse pour dimanche. Mais Roland n’est disponible que dans l’après-midi. Le matin, il a un rituel immuable : se lever avant le soleil, prendre le petit-déjeuner, ramasser des œufs dans le poulailler, accompagner sa sœur Angèle sous le porche de la grange, où elle passe ses journées.. Puis il enfourche sa bicyclette pour un tour au bistrot, un tour au marché puis à nouveau le bistrot avec les copains. L’après-midi, le programme est ouvert, mais toujours en bonne compagnie. Aujourd’hui, c’est tapissage de la cuisine chez Roland.

L’arrivée du garçonnet met tout le monde en joie et Roland lui fait faire le tour de son domaine si particulier. Chez Roland, la buvette est gratuite et cela ressemble au dernier îlot d’un ancien monde plein de surprises mais voué à disparaître.

La gouaille de ces vieux copains est contagieuse et leur conception du bonheur tranquille est touchante. Dans cette chronique sociale, David Prudhomme prend le temps de décrire minutieusement chaque moment, les visages et les expressions. Il insuffle de la poésie et beaucoup de tendresse dans ce petit cercle d’oisifs qui profitent de la vie en partageant les ripailles et les beuveries mais aussi les corvées, les histoires, le temps qui passe…

À la Bpi, niveau 1, RG PRU 0

Mort & vif

Jean-François Hautot, David Prudhomme
Futuropolis, 2017

L’entreprise Deleter & Fils délocalise sa production d’ouvre-boîtes et de clés à sardines en Pologne. Un plan de licenciement massif touche tous les salariés et plonge l’employé Philippe Moline dans la dépression. Il prend les traits d’une ombre aux yeux rouges, rappelant ainsi le poids de son mal-être au quotidien. Pour échapper à sa maladie et redonner du sens à sa vie, il part sur les routes d’Ardèche.

Avec Mort & vif, David Prudhomme signe une œuvre noire sur le destin d’un ouvrier à la chaîne. La bande dessinée questionne l’aliénation liée au monde du travail et la puissance d’un capitalisme toujours plus destructeur humainement. De nombreux symboles font référence à la mort, comme cette tête réduite pendue au rétroviseur de la voiture. Les planches sont structurées en « gaufrier » de quinze cases qui déroulent le récit de manière frénétique. Le dessinateur fait aussi le choix du dessin monochrome, notamment pour représenter le black-out total lorsque Philippe Moline percute la voiture de son patron. Ce roman graphique existentialiste et perturbant nous renvoie à une actualité économique très instable. David Prudhomme maîtrise sans faille les codes de la chronique sociale.

À la Bpi, niveau 1, AL MOR

Vive la marée !

David Prudhomme, Pascal Rabaté
Futuropolis, 2015

En route pour Povolo plage ! Les vacanciers arrivent en 4×4, en décapotable, en train et même en vélo, pour une belle journée à la plage. Les personnages se croisent, s’observent, lient connaissance parfois. Les activités sont diverses : pêche à pied, jeux de plage, bronzage, promenade des chiens… Le temps passe et la marée monte. Il est l’heure de repartir après une journée en bord de mer bien vécue.

Les auteurs dessinent une image très vivante, drôle et légèrement acerbe d’une ville de vacances et de sa plage. Les saynètes et les portraits de vacanciers font écho à nos souvenirs et nous semblent étrangement familiers. La narration est bien constuite : chacun vit sa journée à sa façon, dans sa bulle de pensée et le récit passe d’un personnage à l’autre lorsqu’ils se croisent. L’humour est omniprésent, y compris dans les détails, ce qui nous amène à scruter les images à la recherche d’un jeu de mot sur l’ardoise d’un restaurant, d’une référence grotesque à un album des Beatles…  Le lecteur se laisse aller à la douce nonchalance qui imprègne l’album, bercé par la tendresse et la poésie du récit. L’ouvrage est à l’image de sa couverture : une immersion surprenante et réussie dans une tranche de vie ordinaire.

À la Bpi, niveau 1,  AL VIV

couverture de Rebetiko

Rébétiko, la mauvaise herbe

David Prudhomme
Futuropolis, 2009

En 1936, la Grèce tombe sous le joug du fascisme. À Athènes, Stavros, Artémis ou Markos — petite frappe, vrai caïd ou simple improductif — tiennent les murs l’après-midi et se transforment, à la nuit tombée, en princes du rébétiko. Comme ses lointains cousins jazz ou tango, le rébétiko est le chant des « petits poulpes des bas-fonds à la bile bien noire », imbibé de sensualité, de drogue et de rixes. Le pouvoir martial, qui ne s’y trompe pas, se méfie davantage de sa portée existentielle, de son pouvoir démobilisateur, que de la chanson contestataire. Les défricheurs de l’industrie musicale américaine cherchent à l’exporter au risque de le dénaturer, ce que Markos compare à une éviscération.

La fiction de David Prudhomme emprunte ses traits à quelques figures de légende qui n’ont pratiquement rien enregistré, mais dont le pouvoir de fascination n’en est que plus grand, ouvrant la porte à l’imaginaire. En parcourant les planches de Rébétiko, la mauvaise herbe, on prend les coups, on respire les volutes, mais on entend aussi les accords, on dérive au gré des mots, des appels, des réponses ; on ressent l’amertume des « mots qui sonnent creux aux âmes trop bien nées ».

À la Bpi, niveau 1, AL REB

Entretien avec David Prudhomme | Bpi (2020)

Depuis 1992 et Ninon secrète (Glénat) qu’il illustre pendant sa formation à la section bande dessinée de l’école d’Angoulême, l’œuvre de David Prudhomme a sillonné avec brio les sentiers les plus divers du 9e art, de J’entr’oubliay inspiré par la poésie de François Villon (Alain Beaulet, 2006) à Rupestres ! (Futuropolis, 2011) où il explore en compagnie d’Emmanuel Guibert, Étienne Davodeau, Pascal Rabaté et Marc-Antoine Mathieu les images de l’art rupestre. Auteur d’une œuvre féconde, il a reçu de nombreuses récompenses, comme le Prix Regards sur le monde à Angoulême en 2010 pour Rebetiko (Futuropolis, 2009) ou le prestigieux Prix International de la ville de Genève pour La Traversée du Louvre (Futuropolis, 2012).

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