Interview

Punk Fiction
Entretien avec Philippe Puicouyoul

Cinéma

La Brune et moi © Michel Urtado, 1979 - P. Puiyoucoul

1977 : le Centre Pompidou ouvre ses portes, le punk explose. En France, les groupes Marquis de Sade, Dogs et Taxi Girl liquident toutes les illusions, perdues et à venir. Ces groupes alors émergents sont à l’affiche de La Brune et moi (1979), que Philippe Puicouyoul a tourné dans le quartier des Halles.

Comment avez-vous réalisé ce film de fiction?

En 1977, je vois Les Privés en concert près de chez moi. Au beau milieu, ils jouent du New York Dolls1 ! Ils viennent de la banlieue profonde et ils jouent du New York Dolls ! [ndr : groupe de rock américain, fondé en 1971 à New York et dissous en 1977, considéré comme un des précurseurs du punk] Ils aiment ce que j’aime. C’est une toute petite salle, je monte sur scène, chante le chorus avec eux. Amitié. D’où le film. J’étais un grand fan de La Blonde et moi (The Girl Can’t Help It) de Frank Tashlin. J’ai repris le scénario : la blonde, les années 1950 ; la brune, le punk. J’ai tourné La Brune en quinze jours. Le jour, j’étais assistant pour un film et la nuit, je tournais, sans budget, mais avec au total une centaine de personnes qui ont travaillé quasi bénévolement. Ça m’a coûté très cher : la pellicule, les développements, la bouffe. Des conditions de dingue.

La Brune et moi connaît une nouvelle vie. Sa sortie en 1980 fut pourtant confidentielle, malgré la présence de groupes devenus célèbres.

Le Studio Cujas, petit ciné indépendant en haut du Boul’Mich’, le passait le vendredi soir à minuit. Le deuxième point de distribution a été aussi punk que le film, sinon plus ! J’étais devenu très ami avec Les Privés. On a trouvé un cinéma porno, rue Saint-Denis, qui nous prêtait sa salle pour un concert et une projection entre midi et deux. Puis, quelqu’un de la Cinémathèque a acheté une copie du film, celle-ci a permis la redécouverte de La Brune en 2005 par David Duez.

Qu’est-ce qui vous intéressait chez ces groupes parisiens, quasi inconnus et différents de leurs homologues britanniques ? Comment les avez-vous filmés ?

Les trois groupes les plus intéressants représentaient à eux trois tous les mouvements qui comptaient à ce moment-là. Les Lou’s (les Questions dans le film), c’est punk à mort, donc la batterie sur le bureau, l’image trash. Les Dogs, c’est LE groupe rock’n’roll en France, le truc qui swingue, donc la caméra leur tourne autour non-stop. Enfin, Marquis de Sade, c’est la new wave toute noire et rigide, donc travellings latéraux et zooms coup-de-poing. Vous avez vécu de l’intérieur cette scène des Halles et fait votre carrière de réalisateur juste à côté, au Centre Pompidou. Y a-t-il en 2017, quelque chose de l’air de 1977? Il y a toujours quelques hurluberlus qui rôdent autour du Centre, mais évidemment l’atmosphère a changé. Pour nous, la musique c’était TOUT. Maintenant, elle fait partie pour les jeunes d’une consommation banalisée.

Propos recueillis par Aymeric Bôle-Richard et Claude-Marin Herbert, Bpi

Publié le 12/06/2017 - CC BY-SA 3.0 FR

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