Chronique

Appartient au dossier : Survivre au NaNoWriMo 2015

Survivre au NaNoWriMo : Seul, mais à plusieurs

Chaque année, des milliers d’aspirants écrivains se lancent un défi : écrire un roman de 50 000 mots en l’espace de trente jours, du 1er au 30 novembre. Véritable marathon d’écriture, le NaNoWriMo nécessite une bonne préparation et une grande endurance. Parmi les conseils les plus souvent donnés aux « nanoteurs » : prévenir leurs proches qu’ils ne seront pas disponibles au mois de novembre et se forcer à écrire, même un tout petit peu, chaque jour. Même si elle est émaillée de rencontres conviviales entre auteurs et de moments d’intense satisfaction, cette aventure peut être un vrai parcours du combattant. Julien Morgan, pour sa huitième participation, vous donne tout au long du mois les clés d’un NaNo réussi. 

NaNoWriMo à la Bpi
« Pendant la nuit de lancement du NaNoWriMo 2015 à la Bpi, une candidate fait une pause » © Emilie Barbier – https://www.facebook.com/transluceo/

C’est novembre à nouveau, et si ce n’est certes pas le plus glamour des mois de l’année, c’est malgré tout celui du dépassement de soi, du goût du défi et aussi un peu du sadisme auto-infligé. Bienvenue dans le NaNoWriMo : trente jours durant lesquels, depuis 1999 (retenez cette date, elle est importante), des auteurs – certains en herbe, d’autres confirmés – se donnent pour défi d’écrire 50 000 mots, soit l’équivalent d’un roman court.

Tous ceux qui se sont un jour frottés à l’écriture le savent : il n’y a rien de plus solitaire comme activité, sauf peut-être la lecture – et ce n’est pas un hasard. Être seul, c’est se regarder sans l’aide d’un miroir et découvrir qu’on y voit bien mieux comme ça (l’angoisse). Ce qui pose un premier paradoxe : comment ce processus d’introspection très personnel, presque intime, peut-il être compatible avec une communauté ? Comment peut-on être seul, mais à plusieurs ?

L’une des clés pour comprendre le phénomène Nanowrimo est sa date de création. Si l’histoire d’Internet ne vous est pas familière, sachez que Google avait été fondée tout juste un an auparavant, en 1998. Autrement dit, le Nano a grandi conjointement avec l’Internet du 21e siècle et l’explosion des cyber-communautés, en un temps que les moins de vingt ans ne peuvent pas connaître (littéralement). Un temps où des personnes avec des centres d’intérêts marginaux (pas au sens péjoratif, mais au sens premier d’en marge) pouvaient se réunir, dialoguer, échanger comme jamais auparavant. Suivant la voie empruntée de longue date par les rôlistes, les écrivains ont commencé à prétendre eux aussi à une vie sociale propulsée par Internet – pour des raisons sur lesquelles on ne s’étendra pas ici, depuis l’élitisme montant des clubs d’écriture jusqu’aux pressions sociétales sur la communauté artistique en général. Une démarche qui peut se résumer à « entre nous, on se comprend » (ce n’est pas de moi, mais d’un nanoteur qui me l’a glissé pas plus tard que lors de la kick-off de cette édition).

Le Nanowrimo consiste à s’octroyer une zone de sécurité. Qu’il soit débutant ou non, un écrivain, par essence, sort du cadre : il pense différemment, agit différemment, réagit différemment. Son historique Internet pourrait l’envoyer en prison parce qu’il a cherché à savoir absolument comment on découpait un corps humain pour le consommer pour les besoins d’un roman (parfois seulement d’un paragraphe). En tant que communauté, il est plus facile d’absorber les questionnements insensés et parfois (souvent) les doutes qui font notre quotidien – et qui, soyons-en sûrs, ne sont partagés par personne d’autre.

En outre, beaucoup d’entre nous trouvent un épanouissement unique dans cette communauté pas seulement parce qu’elle est constituée de personnes qui nous comprennent, mais aussi et surtout parce que l’opinion de ces mêmes personnes est pertinente. Écrire, même pour le plaisir, est un travail. Nous y consacrons énormément de temps, sacrifions beaucoup d’autres aspects de notre vie à cette fin et dépendons à plusieurs niveaux de ce travail dans notre édification personnelle. Il est normal de vouloir grandir auprès de gens dont l’avis, les conseils ou les critiques sont d’une part cohérents avec nos attentes, d’autre part respectueux de l’investissement que représente l’écriture. (Et quand je dis grandir, ça veut dire se prendre quelques coups de pied aux fesses parfois. Ou souvent. Mais on aime ça.)

Si le Nanowrimo est volontiers présenté comme un challenge, c’est avant tout un challenge contre soi-même. Après tout, il n’y a rien à gagner. Rien d’autre que la satisfaction d’avoir accompli en un mois ce que peu de gens peuvent se targuer d’avoir fait dans une vie. Un bout d’ego ? Soit : l’ego n’a jamais fait de mal à personne quand il n’est pas cultivé au détriment des autres. Écrire nous rend heureux. Or, vous ne l’avez peut-être jamais remarqué, mais quand on est heureux, on contribue à rendre les autres heureux. (Oui, je suis en train de dire que le Nanowrimo contribue à la paix dans le monde : je n’ai même pas honte.) Or encore, quand on est heureux, on rentre dans une dynamique positive.

Avec mes élèves, j’accorde beaucoup d’importance au renforcement positif, à savoir la valorisation de leurs succès plutôt que la mise en évidence de leurs échecs ; croyez-le ou non, la carotte est toujours plus efficace que le bâton.

Publié le 05/11/2015 - CC BY-SA 4.0

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