Sélection

François Boucq en 5 BD

Balises vous propose de découvrir quelques-uns des albums de François Boucq, à l’occasion de son passage à la Bpi en novembre 2020 dans le cadre des Jeudis de la BD.

Grand prix au festival international de la bande dessinée d’Angoulême en 1998, François Boucq a publié plus de cinquante albums en quarante ans. Seul ou en collaboration avec – entre autres – Jerome Charyn ou Alejandro Jodorowsky, il met son talent au service de récits humoristiques et d’histoires réalistes. Sa virtuosité lui permet de mêler expressivité et précision pour mettre en scène ses personnages baroques dans des décors grandioses.

Publié le 02/11/2020 - CC BY-NC-SA 4.0

Le Procès Carlton

Pascale Robert-Diard, François Boucq
Le Lombard, 2016

En 2015 s’est déroulé à Lille le procès dit « du Carlton », pour des faits remontant à 2011. Cette affaire, qui opposait des prostituées à leurs clients, mêlait proxénétisme et affairisme. La plupart des accusés ont été relaxés, les faits ayant été jugés comme relevant pour l’essentiel de la sphère privée. Néanmoins, le procès a attiré l’attention des médias à cause d’un accusé célèbre, Dominique Strauss-Kahn, et a révélé les dessous peu reluisants d’un milieu où les services sexuels s’échangent contre des faveurs pécuniaires ou politiques.

François Boucq, présent au tribunal pendant les trois semaines du procès, s’est livré à l’art du croquis d’audience.  Son trait, où réalisme et caricature se confondent, fait merveille pour dépeindre, sur le vif, les attitudes et les expressions. Son pinceau rend compte en quelques traits de la gouaille et de l’arrogance de certains protagonistes, mais aussi des drames et des angoisses révélés par le procès.

New York Cannibals

François Boucq, Jerome Charyn
Le Lombard, 2020

La petite Azami, recueillie par Pavel dans Little Tulip, est devenue une jeune femme passionnée de culturisme. Elle est aussi agent de police et découvre, en poursuivant des criminels, un bébé abandonné dans une poubelle. Choisissant d’adopter cet enfant, elle se retrouve aux prises avec un gang de femmes cannibales venues d’un goulag russe : celui où a été emprisonné son ami Pavel. Azami découvre vite que, derrière Hanna-la-hyène et ses complices, se cache une agence gouvernementale au service des plus riches citoyens de la ville, en attente de sang neuf… 

Au scénario, Jerome Charyn poursuit son exploration des bas-fonds new-yorkais.  New York est pour lui la ville de la démesure, où des sans-abris côtoient les limousines et les gratte-ciels. Françoiçs Boucq s’attache à dessiner cette histoire qui se déroule à la limite du fantastique, avec ses personnages excessifs et féroces, évoluant dans une ville dont il dépeint avec brio les arrière-cours et la monstruosité trop mal dissimulée.  

Bientôt à la Bpi

 

Une quête intérieure tout en extérieur, histoire de pas salir chez soi

François Boucq
Le Lombard, 2019

L’agent d’assurance Jérôme Moucherot, alias « Tigre du Bengale » comme le surnomme sa femme, revient pour une nouvelle aventure à la croisée de la métaphysique, de la psychanalyse et de l’histoire de l’art.

Lorsqu’il se réveille un matin, Jérôme Moucherot se rend compte, en se regardant dans le miroir, que son visage a été effacé. S’en suit un échange surréaliste avec son reflet au terme duquel on ne sait plus qui est qui, du vrai Jérôme Moucherot ou de son double. Il décide alors d’entamer une quête intérieure pour découvrir qui il est. Seulement Jérôme Moucherot n’est pas un homme d’intérieur. Lui, son « truc, c’est les grands espaces, les horizons infinis ». C’est donc vers les horizons infinis et vêtu de son costume en peau de tigre qu’il part en quête de son intérieur. Passés le ça et le surmoi (crocodiles, serpents venimeux et autres secrétaires de direction nymphomanes), il se dirige vers le moi, et bien plus loin encore.

Jonglant avec brio entre humour et absurde sans jamais perdre le fil sa quête, François Boucq met au service de son aventure un dessin virtuose dans une alternance de décors de jungle luxuriante et de cases abstraites en noir et blanc qui ne sont pas sans rappeler Marc-Antoine Matthieu. L’auteur convoque de fait de nombreuses références à la bande dessinée et à l’histoire de l’art, comme Magritte dont s’inspire la couverture de l’album, transformant cette quête de soi en exploration d’autres mondes.

Bientôt à la Bpi

Superdupont : renaissance

François Boucq, Marcel Gotlib, Belkrouf
Dargaud, 2015

Superdupont vient d’avoir un enfant qui détient également des super-pouvoirs. Il lui fait découvrir les joies de son métier et lui prodigue quelques conseils pour porter secours au peuple français. Après le sauvetage in extremis d’un avion en perdition suite à une collision avec des pommes de terre volantes, le super-bébé se fait kidnapper par le pape des ténèbres, laissant Superdupont dans le désarroi et la colère. 

Superdupont détourne tous les codes scénaristiques du comics à la Marvel en apportant une touche « made in France » et beaucoup de dérision. L’album est fidèle à l’esprit Fluide Glacial, journal qui a vu naître le super-héros français en 1972. Le dessin caricatural rappelle Sœur Marie-Thérèse des Batignolles de Maëster et certaines planches ne sont pas sans évoquer l’humour potache et bon enfant de Litteul Kevin de Coyote. François Boucq s’autorise de nombreuses pleines pages introductives comme ce chapitre hilarant, dessiné à la manière d’une page de publicité, où Superdupont fait une démonstration de changement de couche sale.  

Bouncer

François Boucq, Alejandro Jodorowsky
Les Humanoïdes associés, 2002

Au début de cette saga en onze albums toujours en cours, Bouncer est le videur du saloon L’Infernio, à Barrio City. Manchot ténébreux à l’histoire familiale tragique, Bouncer est un tireur adroit, épris de morale dans un monde violent et sans pitié. Cette soif de justice le pousse à se battre contre les puissants et leurs hommes de mains pour défendre Amérindiens, fermiers et prostituées contre les crimes sanglants dont ils sont victimes.

Bouncer est un western âpre et violent qui se déroule dans une société américaine corrompue et décadente. La majeure partie de la saga a été scénarisée par Alejandro Jodorowsky, dont on retrouve la passion pour la description de la cruauté humaine, voire de la monstruosité. Le trait détaillé de François Boucq amplifie les cicatrices réelles et psychologiques des personnages tourmentés qui peuplent chaque album. Il met également en images un Far West tout en contrastes : sale et lumineux, poisseux et aride, fait de constructions humaines étouffantes et précaires mais aussi d’espaces naturels immenses, éclatants de couleur.

À la Bpi, niveau 1, AL BOU

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