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Des mots à voir et à écouter

Depuis un siècle, Paris est une place majeure des hybridations entre littérature et arts audiovisuels. De nouvelles formes y naissent et se développent, comme la poésie sonore ou des performances basées sur l’improvisation.
À l’occasion du festival Bruits blancs, Balises vous présente ces formes poétiques et musicales

Quand l’écrit devient recherche sonore

Le Paris des deux guerres mondiales est l’un des berceaux des mouvements Dada et lettriste, qui cherchent à faire éclater la musicalité et la rythmique de la langue au contact d’artistes sonores : ils utilisent notamment le cri et l’onomatopée. 

Les années soixante intensifient ces expérimentations, notamment avec la poésie sonore : les écrivains de la Beat Generation tels que William S. Burroughs, Brion Gysin ou Allen Ginsberg découpent textes, images et bandes magnétiques qu’ils réagencent sur la page ou sur scène. En 1965, le poète Henri Chopin fonde Où ? Cinquième saison, qu’il définit comme une « revue-objet-sonore-visuelle et manipulable à la fois ». En 1979, rassemblant les artistes de Où ?, le poète Jean-Jacques Lebel crée le festival itinérant « Polyphonix ». En 1977, l’homme de médias Blaise Gautier lance La Revue parlée au Centre Pompidou, vaste laboratoire du langage. 

Aujourd’hui, les lectures d’écrivain accompagnées de musique sont la face grand public de cette filiation. Des institutions comme la Maison de la poésie en proposent fréquemment. Parallèlement, les avancées numériques telles que le sample ou échantillonnage sonore, le glitch (parasitage du code) ou la dématérialisation permettent de poursuivre les expérimentations d’un Tristan Tzara ou d’un William S. Burroughs.

Le musicien Franck Vigroux règle des platines, à côté d'Eric Da Silva qui lit un texte sur scène.
Eric Da Silva et Franck Vigroux © Philippe Malone

Bruits blancs, sur le fil des mots

Le festival Bruits blancs, fondé en 2009 par le musicien contemporain Franck Vigroux et l’écrivain pour la scène Michel Simonot, permet à des écrivains, musiciens et créateurs vidéo de croiser leurs écritures sur scène.

Les artistes invités ne répètent pas au préalable. C’est une prise de risque : les auteurs scandent des textes en travail et les musiciens ou les artistes vidéo doivent s’ouvrir pleinement à eux pour improviser. Cette mise en danger commune permet au public d’assister à la rencontre spontanée de langages différents, à une forme en train de s’inventer.

Cette intense écoute mutuelle nécessite des espaces intimistes. L’Anis gras, espace de création contemporaine à Arcueil, accompagne ainsi Bruits blancs depuis ses débuts. D’autres initiatives comme le festival La voix est libre à Paris, des lieux alternatifs ou des scènes historiques de la création expérimentale (Instants chavirés à Montreuil, par exemple) contribuent aussi à leur manière au croisement des écritures. 

D’après les propos de Michel Simonot et Franck Vigroux

Publié le 18/01/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

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