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Appartient au dossier : Effractions 2021

Thomas Flahaut : « L’usine est une langue étrangère »

Thomas Flahaut, auteur du roman d’apprentissage contemporain, Les Nuits d’été (2021) est l’invité d’une soirée littéraire autour de la jeunesse, à l’occasion de la journée mondiale des sourds. Balises revient sur sa participation à une rencontre lors du festival Effractions 2021, au cours de laquelle il partage son expérience à l’usine et ses interrogations autour de l’héritage social dans le monde ouvrier.

Les Nuits d’été se déroule en Franche-Comté, dans les environs de Montbéliard. Thomas vient d’échouer à ses examens universitaires d’histoire mais n’en parle pas à ses parents. Pour l’été, son père, ancien ouvrier, lui trouve un emploi de nuit en Suisse dans l’usine Lacombe qui fabrique des pièces détachées à destination de l’industrie automobile. Il y retrouve son ami d’enfance Mehdi qui travaille là depuis sept étés. Ensemble, ils vont reproduire sur les machines les mêmes gestes que leurs pères et leurs grands-pères. Parallèlement, Louise, la sœur de Thomas, est étudiante en sociologie et prépare une thèse sur les travailleurs frontaliers. Les trois personnages se retrouvent au centre d’un moment charnière pour l’usine qui annonce un plan de licenciement et une délocalisation.

Pour écrire Les Nuits d’été, Thomas Flahaut s’inspire de sa propre expérience sur une chaîne d’assemblage. De l’usine, l’auteur ne connaît que « la cicatrice sur le dos de la main de son père, l’annulaire coupé d’un de ses grands-pères et le corps brisé de l’autre ». Durant cette période, il crée un « herbier d’usine » et recueille par écrit les sensations, les bruits, les odeurs de fer et de plastique qui émanent du lieu.

Son roman s’interroge sur le déterminisme social de la classe ouvrière. Pour Thomas Flahaut, les jeunes ouvriers sont « assignés à leurs origines ». La jeunesse issue de ce milieu doit se conformer aux attentes et au cadre du monde professionnel. Il explique que leurs corps sont « empêchés socialement » : ils se privent de penser et de s’exprimer par honte de leur héritage social. La question de l’aliénation au travail est également au centre du roman. L’auteur se demande comment les générations de leurs parents et de leurs grands-parents ont pu s’enfermer dans le silence et le mutisme sans perdre la raison. 

Les Nuits d’été fait référence à des auteurs qui ont écrit sur le monde ouvrier comme Simone Weil, Leslie Kaplan ou Robert Linhart dont il reprend une citation en exergue : « Nous, une nuit invisible nous enveloppe ».

Publié le 14/09/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

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