L’Ostalgie 3/5 : Les affiches staliniennes

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Du constructivisme au réalisme socialiste soviétique

Pendant la période de la révolution d’Octobre 1917, les affiches font partie de l’arsenal de propagande du régime soviétique. Elles utilisent principalement les symboles du monde agricole et ouvrier. Le dessin métaphorique évoque l’élan révolutionnaire du peuple. Leur genre artistique se rapproche du courant avant-gardiste russe qui fait la synthèse des courants futuriste, cubiste, avenirien et constructiviste. Le message porte sur « l’anéantissement du monde ancien, de son système politique, de son art, de ses valeurs et de sa sensibilité », explique Jean-Michel Palmier, enseignant-chercheur et auteur de Utopies et Réalités en URSS, 1917-1934.

Les affiches conçues entre 1946 et 1953 sont radicalement différentes. La société soviétique est idéalisée, l’harmonie et l’abondance constituent l’essence du nouvel ordre impérial de Staline. Les marqueurs traditionnels de classe ont disparu. Le citoyen est devenu une sorte d’homo sovieticus.

Entre 1924 et 1953, Staline met en place une « dictature de l’image » dans la presse, la radio, la télévision et le cinéma. Il déclare que l’art moderniste est nocif pour le peuple et prône le réalisme socialiste comme la nouvelle idéologie culturelle du pays. Des photomontages l’exposent en meneur d’hommes sur fonds de collectivisation des terres. Staline est souvent représenté en uniforme gris décoré de l’étoile d’or du héros de l’Union soviétique. Il s’affiche en héritier de Lénine et instigateur principal des transformations économiques et industrielles de l’Union soviétique lancées en 1928. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, il arbore l’uniforme blanc de maréchal de l’URSS. Il incarne le « Petit père des peuples » bienveillant, aux côtés de bébés et d’enfants de la jeunesse communiste. Le champ lexical des slogans évoque un « avenir radieux ». Les peintres officiels du régime communiste, comme Alexandre Guerassimov et Arkadi Plastov, mettent leur talent au service de la cause et le portraitisent dans la tradition du réalisme socialiste soviétique. Leur art devient utilitaire.

Un culte renaissant

À partir de 1995, Boris Eltsine lance un processus de réintégration de la mémoire officielle de la Russie post-communiste. Dans ce contexte, l’image de Joseph Staline est restaurée et ses crimes « acquittés ». L’opinion publique est également à l’origine de sa réhabilitation. Dans son livre Le Phénomène Staline (2020), l’écrivain Vladimir Fédorovski explique que « le leader communiste exerce une fascination sur la jeunesse russe. Pour une frange de la population, il incarne le sauveur de la nation et le vainqueur de la barbarie nazie. Il personnifie la lutte contre la corruption et toute forme d’oligarchie. Sa gestion économique du pays et ses décisions géopolitiques le placent aux antithèses de Boris Eltsine et de Michaël Gorbatchev. Dans l’imaginaire collectif, il représente toujours un dirigeant intègre ». Actuellement, ses différentes représentations artistiques (affiches, bustes, peintures…) attirent de nombreux collectionneurs et brocanteurs.