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Pirates des mers du Sud

La piraterie a une longue histoire. Présente dans les récits de Cicéron, elle commence dès l’Antiquité et se poursuit avec les assauts de Barberousse et les luttes de flibustiers entre la France et l’Angleterre à l’époque moderne. Aujourd’hui, les pirates sévissent encore dans de nombreuses mers de la planète, ce qui pose de nouveaux problèmes économiques, sécuritaires, stratégiques, géopolitiques. Quelles sont les caractéristiques de la piraterie maritime en 2016 et quels sont les moyens pour y faire face ?

Un destroyer de la force internationale de lutte contre les pirates
L’USS Farragut, de la Force opérationnelle interarmées 151 en opérations dans le golfe d’Aden, par Cassandra Thompson, U.S. Navy (USN id: 100331-N-8959T-308), [Domaine public] via Wikimedia commons.

La menace pirate, qui a fait son retour dans les années 1990, est protéiforme. Les organismes chargés de lutter contre elle en donnent différentes définitions.
L’ONU ne considère comme actes de piraterie que ceux perpétrés dans les eaux internationales, ceux commis dans les eaux territoriales étant alors considérés comme du brigandage. Le Bureau maritime international (BMI), lui, qualifie de piraterie tout acte d’abordage contre un navire avec l’intention de commettre un vol ou tout autre crime et avec la capacité d’utiliser la force pour l’accomplissement de l’acte.

Cette menace est, dans tous les cas, difficile à appréhender au regard de l’étendue des espaces maritimes, de leurs différentes caractéristiques géographiques, des objectifs variables des pirates, et des cadres géopolitiques (notamment de la capacité des États à y réagir).
La piraterie est, enfin, une menace mouvante, évolutive. Selon les régions, les pirates peuvent être plus ou moins proches de mouvements indépendantistes, politiques, terroristes ou, le plus souvent, du grand banditisme.

La piraterie aujourd’hui

Au début des années 2010, le BMI enregistrait environ 450 attaques par an dans le monde. Les pirates d’aujourd’hui sévissent essentiellement dans les régions d’Asie du Sud et Asie du Sud-Est (en particulier dans la mer de Chine méridionale), le long des côtes de l’Amérique du Sud, du golfe d’Aden, de la mer Rouge, mais aussi de celles de la Somalie. Ils sont également présents dans le golfe de Guinée et dans la mer des Caraïbes.
La piraterie maritime moderne prend indifféremment pour cible des navires de commerce et de pêche ou des bateaux de plaisance, dont des voiliers, particulièrement lents et vulnérables. Les pirates utilisent des embarcations petites et rapides, et profitent de la faiblesse des effectifs des cargos pour les attaquer. Ils savent également maquiller leurs embarcations en bateaux de pêche ou de transport, afin de déjouer les inspections.
Les actions sont généralement violentes : les pirates n’hésitent pas à se servir de fusils d’assaut ou de lance-roquettes et à exercer des pressions sur les équipages pour parvenir à leur fin. Elles se produisent d’abord en pleine mer, mais également dans les ports, aux points de mouillage et le long des côtes. Le but des pirates est de prendre le contrôle du navire attaqué pour ensuite s’approprier tout ou partie des cargaisons et de négocier une rançon pour le navire et son équipage.

D’un golfe à l’autre…

Depuis le pic de 2010-2011, les actes de piraterie, qui ont fait l’objet d’une grande médiatisation et d’une forte réaction internationale, sont en baisse, notamment au large de la Somalie et dans le golfe d’Aden. Dans son dernier rapport trimestriel, pour les trois premiers mois de 2016, le BMI recense « seulement » 37 actes de piraterie en mer dans le monde.
Néanmoins, des zones à risque subsistent, notamment dans le golfe de Guinée. L’augmentation des attaques dans cette région, la diversification et la modification du mode opératoire des pirates rendent d’autant plus difficiles les réponses des autorités et des compagnies maritimes.
L’Asie du Sud-Est connaît des évolutions similaires et les États riverains d’une même zone doivent faire face à une menace transnationale commune. Par exemple, dans le détroit de Malacca, véritable autoroute pour les cargos entre la Chine et l’Europe, la piraterie maritime demeure vivace.

Carte : zones d'opérations des pirates somaliens, 2005-2010
Sémhur / Wikimedia Commons

Opérations multinationales et réponses régionales

La piraterie maritime est un phénomène ancien et récurrent, mais qui prend une nouvelle importance pour deux raisons.
D’une part, le monde occidental y est plus sensible qu’auparavant en raison des fragilités d’une économie mondialisée : la voie maritime est de très loin le premier mode de transport pour le commerce international (environ 9 milliards de tonnes par an, soit 80 % du volume total des marchandises).
D’autre part, la piraterie est un facteur d’importants changements d’ordre géopolitique : face aux menaces qu’elle fait peser sur l’économie mondiale, les acteurs privés (compagnies maritimes, entreprises spécialisées dans le domaine de la sécurité) puis les États ont multiplié les initiatives visant la dissuasion et la répression de la piraterie.
Les deux opérations multinationales Atalante et Ocean Shield, lancées respectivement en 2008 et 2009, ont contribué à mettre en place un corridor maritime international sécurisé dans le golfe d’Aden afin de protéger l’entrée de la mer Rouge et, surtout, l’accès au canal de Suez. Accompagnées de mesures de répression policières et judiciaires contre les pirates, elles ont eu un effet important sur la piraterie.
Parallèlement, une coordination entre les États africains s’est mise en place depuis quelques années. Le Sommet extraordinaire de l’Union africaine sur la sécurité maritime, qui s’est tenu à Lomé (Togo) en octobre dernier, a permis l’adoption d’une charte définissant un cadre légal pour une coopération régionale dans la lutte contre les pirates. Malgré des initiatives de ce type, les réponses concertées face à la piraterie restent cependant très lacunaires dans cette partie du monde.
Quelle que soit la menace considérée, la réponse se trouve, in fine, à terre, en aidant, d’une part, à la mise en place d’un État de droit dans le cas d’un État failli comme la Somalie et, d’autre part, en favorisant la prise en charge de la sécurité par les pays riverains des zones de piraterie, tout en développant, dans la mesure du possible, des réponses régionales communes.

Jérémie Desjardins, Bpi

Article paru initialement dans de ligne en ligne n°22

Publié le 02/01/2017 - CC BY-SA 3.0 FR

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