Arrivée en plein été indien à Paris, la canadienne Andréa Picard est la nouvelle directrice artistique du festival Cinéma du réel de la Bibliothèque publique d’information. Portrait d’une défenseuse de la création indépendante.
Andréa et l’image, sous toutes ses formes, c’est une affaire de longue date. Née à Toronto d’un père d’origine lyonnaise et d’une mère irlandaise, Andréa Picard étudie l’histoire de l’art, d’abord médiéval, puis moderne. Elle s’oriente ensuite vers la théorie du cinéma. Après un passage par la photographie de mode, elle intègre le monde du septième art comme costumière, travaillant notamment pour le réalisateur David Cronenberg. Elle rejoint ensuite la Cinémathèque Ontario où elle programme pendant treize ans, et dirige Wavelengths, la section cinéma expérimental au Toronto International Film Festival (TIFF), l’un des plus importants au monde. Elle y développe par ailleurs le département des expositions pour présenter des artistes contemporains utilisant le cinéma et assure le commissariat des rétrospectives « Robert Bresson » et « Jean-Luc Godard ». Parallèlement, Andréa Picard écrit pour les revues Cinema Scope, Sight & Sound, et a contribué à Trafic et aux Cahiers du cinéma. Anglophone, elle s’exerce au français lors de séjours parisiens où elle collabore avec le distributeur de cinéma d’avant-garde Light Cone et le laboratoire argentique L’Abominable.
Chaque chose en son temps
Une part significative de la vie de la programmatrice consiste à rencontrer les artistes, à fréquenter les salles obscures, les musées et les festivals internationaux. À la tête du Cinéma du réel depuis quelques semaines, elle voit la Bibliothèque publique d’information comme un espace de décélération, un lieu dans lequel on peut s’accorder le temps de la réflexion : « Le calme et le silence des bibliothèques sont très importants face à la vitesse de nos vies et la profusion des images. Ils permettent de réfléchir aux rythmes de nos corps et de nos idées, d’aider les gens à avoir de l’empathie ». Elle envisage le festival comme un espace d’échanges décloisonné entre la Bibliothèque et le Musée. Ainsi, au-delà des traditionnelles projections suivies de débats, le festival pourrait proposer des performances d’art contemporain et des manières différentes de faire vivre les livres.
Au-delà des genres
Qu’une programmatrice de cinéma d’avant-garde férue d’art contemporain arrive sur un festival de cinéma documentaire peut surprendre. Andréa Picard envisage davantage le septième art comme un regard différencié et engagé sur le monde que comme un ensemble de genres figés. « Aujourd’hui, on parle de cinéma tout court ! » assure-t-elle en citant, toutes générations confondues, les artistes qu’elle affectionne particulièrement : Georges Méliès, Apichatpong Weerasethakul, Robert Gardner, Tacita Dean, Lucrecia Martel, ou encore Éric Baudelaire.
Andréa Picard a pleinement conscience de l’urgence à protéger la création. L’emprise des géants du web comme Amazon et Netflix rend difficile le financement et la distribution à l’international de documentaires. Les sorties en salles faisant de moins en moins de bénéfices, les distributeurs se montrent prudents. Les festivals ont donc un rôle capital pour présenter largement, en salles, des films qu’on ne verrait pas ailleurs.
Aymeric Bôle-Richard et Camille Delon
Article paru initialement dans le numéro 25 du magazine de ligne en ligne
En savoir plus :
Consultez le site du Cinéma du réel
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