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Appartient au dossier : David Goldblatt, une histoire ordinaire

David Goldblatt, une histoire ordinaire 5/5 : Angle des rues Commissioner et Eloff, Boksburg

Photographe sud-africain né en 1930, David Goldblatt parcourt inlassablement son pays depuis les années soixante pour en raconter l’histoire par le quotidien. Il circonscrit chaque série d’images à un lieu particulier, dont il photographie à la fois les espaces et les occupants. Il raconte ainsi comment l’occupation des territoires façonne l’histoire politique complexe d’une Afrique du Sud traversée par l’apartheid. Il ajoute à ses photographies des légendes détaillées, l’engageant dans une démarche documentaire unique.
Le Centre Pompidou lui consacre une rétrospective du 21 février au 7 mai 2018, et Balises partage avec vous quelques extraits de son œuvre.

Une femme noire à un coin de rue
Angle des rues Commissioner et Eloff, Boksburg, 1979 © David Goldblatt

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« Une petite ville de la classe moyenne blanche, en 1979-1980. J’avais l’impression de connaître Boksburg depuis longtemps et, pourtant, de la découvrir pour la première fois. Je suis resté planté à des coins de rues, totalement fasciné par ce que j’essayais de saisir du cours ordonné de la vie. Les espaces, les rues, les lignes peintes sur la chaussée, les bâtiments peu élevés, le ciel, le veld* ; les gens, blancs et noirs, dont les déplacements, bien que séparés, s’enchevêtraient ; tout cela dans la lumière crue du haut plateau du Highveld.

Boksburg avait été façonnée par les rêves et les convenances des Blancs. La plupart de ses habitants se préoccupaient des questions familiales, sociales et civiques des citoyens respectables de n’importe quelle autre ville du monde, certains avec compassion, mais tous absorbés par la rigidité de leur statut de Blancs s’élisant mutuellement et faisant leurs propres lois. Les Noirs ne faisaient pas partie de la ville. Ils la servaient, commerçaient avec elle, en recevaient l’aumône ; elle les régissait, les récompensait, les châtiait selon ses préceptes. À l’occasion certains d’entre eux en étaient les hôtes privilégiés. Mais tous ceux qui s’y rendaient y entraient sur autorisation ou sur invitation, jamais de droit.

Blancs et Noirs : enfermés dans un système de contrôle délirant et d’une immoralité profonde. Respirer suffisait à se rendre complice. C’était ainsi. Cela n’est plus. »

* Le veld est un mot néerlandais qui désigne les grands espaces de savane herbeuse en Afrique du Sud.

David Goldblatt

Publié le 04/04/2018 - CC BY-NC-ND 3.0 FR

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