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Filmer l’absence

Alors que l’édition 2021 du festival de films documentaires Cinéma du réel de la Bibliothèque publique d’information, s’est tenue intégralement en ligne, les spectateurs pourront découvrir trois films de la dernière sélection, projetés au Centre Pompidou, en présence des réalisateurs et réalisatrices.

Courant octobre seront ainsi projetés, en avant-première, L’État des lieux sera dressé à onze heure en présence de la femme du poète, de Martin Verdet, Désir d’une île, de Laetitia Farkas et Foedora, de Judith Abensour. Trois films très différents, dans leur forme comme dans leur sujet, partageant pourtant des caractéristiques communes.

Ces films mettent en relief la sélection française du Cinéma du réel et soulignent la diversité de la création soutenue par le festival : une dimension politique avec Foedora de Judith Abensour, qui interroge l’ouverture sans exposition du premier musée de la culture et de l’histoire palestiniennes à Ramallah ; un témoignage intime et autobiographique avec Désir d’une île, de Laetitia Farkas, qui filme un camp de vacances créé par des Russes Blancs dans les Landes il y a soixante-dix ans, où la réalisatrice a passé toutes ses vacances ; enfin, une dimension littéraire et surréaliste avec L’État de lieux sera dressé à onze en présence de la femme du poète, de Martin Verdet, qui filme le déménagement du bureau du poète Franck Venaille après sa mort.

Ce qui semble rassembler immédiatement ces trois films est leur approche géographique, leur manière singulière d’arpenter, d’explorer un territoire. Que celui-ci soit une entité politique, comme la Palestine abordée par Judith Abensour, le lieu clôt, espace de vie et de création, que représente la chambre d’un poète, ou un lieu utopique comme le camp de vacances filmé par Laetitia Farkas, qui se réfère dans le même temps à la Russie lointaine et fantasmée.

Cette approche géographique se conjugue au désir de filmer l’absence, de ressusciter des fantômes. Ainsi, la Russie dans Désir d’une île ne cesse d’être convoquée, à travers un désir de réanimer la culture du pays d’origine, à la fois idéalisé et diabolisé. Lorsqu’un jeune homme quitte le camp pour se rendre à une compétition de surf en Russie, la réalisatrice filme l’inquiétude des parents qui n’ont accès à ce pays étranger qu’à travers la fenêtre de leur petit écran. Le film de Martin Verdet est lui aussi centré autour de l’absence, celle du poète Franck Venaille, au sujet duquel le réalisateur avait déjà réalisé un film avant son décès. Accompagné de Micha, la femme du poète, il filme le bureau de Franck Venaille progressivement vidé de sa substance et de ses meubles pour être reloué. Le poète reste pourtant omniprésent, sous forme de voix, d’objets ou d’images. Dans Foedora, Judith Abensour convoque les villes invisibles d’Italo Calvino pour interroger le statut des archives manquantes, dans un musée qui naît sans collections.

Enfin, les trois réalisateurs et réalisatrices partagent une démarche de recherche, de quête, de doute, propre au cinéma documentaire, avançant en faisant, jamais certains du résultat et toujours ouverts aux pistes proposées en chemin par le réel.

Publié le 01/10/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

Cinéma du réel 2021 I Discussion avec Laetitia Farkas

Discussion avec la réalisatrice Laetitia Farkas autour de son film Désir d’une île.

Cinéma du réel 2021 I Discussion avec Martin Verdet

Discussion avec le réalisateur Martin Verdet autour de son film L’état des lieux sera dressé à onze heures en présence de la femme du poète.

Cinéma du réel 2021 I Discussion avec Judith Abensour

Discussion avec la réalisatrice Judith Abensour autour de son film Foedora.

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