Appartient au dossier : Paroles de journalistes
Claude Guibal : travailler sur le sensitif
Claude Guibal a découvert sa vocation très tôt. Dès 16 ans, elle participe à une radio associative et voyage dans les pays de l’Est. À 18 ans, elle part plusieurs mois en stage au Guatemala pour Reuters. En 1997, tout juste diplômée de l’École supérieure de journalisme de Lille, elle suit son compagnon en Égypte. Elle y restera et exercera sa profession depuis Le Caire jusqu’en 2012. Les débuts sont compliqués : pas d’Internet, pas de lignes internationales, des frais à avancer ne serait-ce que pour démarcher les agences de presse… Mais peu importe, « le journalisme n’est pas ce qui vous fait manger, c’est ce qui vous fait vivre », enseigne Claude Guibal aux futurs journalistes.
Pour la journaliste, la principale difficulté vient plutôt de son éloignement géographique et, par conséquent, professionnel.
Néanmoins, c’est une expérience exaltante que d’être sur les lieux d’événements aussi importants que les printemps arabes, en 2011, et de les vivre « à hauteur d’Égyptien ». Contrairement aux envoyés spéciaux, Claude Guibal partage le quotidien des Cairotes, leurs préoccupations élémentaires (recherche de nourriture, etc.) et leurs espoirs.
« Quand je suis aujourd’hui dans la peau d’un envoyé spécial, j’ai bien conscience de la distance qui se crée par le fait qu’on arrive et qu’on repart ».
Mais comment rendre compte de cette expérience et la restituer à l’auditeur, comment lui transmettre du sensitif ? Claude Guibal, seule ou avec l’aide d’un technicien, récupère beaucoup de sons d’ambiance pour donner vie à son propos : les bruits des mitraillettes, le son d’une porte comme un coup de tonnerre.
« Ces ambiances sont aussi porteuses d’informations que les mots qu’on va pouvoir dire, ou elles vont pouvoir venir en appoint d’un mot. Elles permettent aussi parfois aider à fixer une information. »
Claude Guibal réalise souvent de longues interviews pour laisser à son interlocuteur le temps de s’exprimer, même si elle ne garde finalement parfois que quelques secondes de l’entretien. Les silences « parlent » aussi et sont importants, même s’ils sont difficiles à restituer à la radio.
Parfois, la journaliste est tellement affectée par une situation qu’elle ne sait plus comment en parler. Cela lui est arrivé, quand un homme est mort sous ses yeux. Ces moments-là, ces mots qui ne passent pas à l’antenne, Claude Guibal les consigne dans des petits carnets de reportage, dans lesquels elle se sent plus libre.
Sur le terrain, Claude Guibal se dit dans un « état de reportage ». Ce qu’elle capte est de l’ordre du sensible. Difficile de restituer ce qui reste du domaine de l’intuition, du ressenti, qui n’est ni dit, ni prouvé. Éprouver de l’empathie permet de mieux comprendre le point de vue de l’autre, mais il faut rester dans un cadre professionnel. La journaliste garde toujours à l’esprit qui est en face de lui, les raisons pour lesquelles il l’aborde. Sa bonne connaissance du contexte, de la culture l’arme contre la tentation de la belle histoire, par exemple.
Visionnez l’intégralité de l’entretien de Claude Guibal avec le journaliste Ziad Maalouf
Publié le 26/03/2018 - CC BY-SA 3.0 FR
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