Questions/Réponses

Comment est-on passé des sirènes-oiseaux au sirènes-poissons ?

Alors que les sirènes-oiseaux sont apparues dans la mythologie grecque antique, les sirènes-poissons seraient intervenues, quant à elles, dans la mythologie nordique. On retrouve parfois une cohabitation de ces deux représentations.

Vase antique représentant Ulysse et les sirènes
Ulysse et les sirènes [Public domain], via Wikimedia Commons

Pour répondre à votre demande j’ai consulté un article publié dans le portail Persee.fr qui offre un accès libre et gratuit à des collections complètes de publications scientifiques (revues, livres, actes de colloques, publications en série, sources primaires, etc.) associé à une gamme d’outils de recherche et d’exploitation.
Cet article est particulièrement intéressant car il propose une transition quant à l’évolution de la représentation des sirènes et non une différenciation comme celle qui est communément admise entre la représentation des sirènes-femmes, propre à la mythologie grecque, et celle des sirènes-poissons, liée au folklore des pays nordiques.

De quand date la Sirène-poisson ?
Odette Touchefeu-Meynier, Bulletin de l’Association Guillaume Budé : Lettres d’humanité, n°4, 1962, pp. 452-459

En effet, à partir de l’analyse d’un bol mégarien datant du 2e siècle avant J-C et d’une lampe romaine datant du 1er-2e siècle après J.-C. sur laquelle est figurée une sirène-poisson, l’auteur décrit le passage de la sirène-femme à la sirène-poisson.

Pour remonter à la source, précisons tout d’abord que dans la mythologie grecque les sirènes sont des vierges vouées à l’eau douce puisque filles du dieu-fleuve Achéloos ; elles ont un corps de femme et possèdent un don inné pour la musique. Dotées de voix enchanteresses, habiles à la lyre et à la flûte, les sirènes faisaient partie du cortège de Perséphone, mais n’agirent pas contre Adès quand celui-ci amena la déesse aux Enfers. La colère de la mère de Perséphone leur valu ce corps d’oiseau ne laissant deviner de leur beauté d’antan qu’un visage enfoui dans les plumes. 

Leur nouvelle apparence ne diminua pas leur arrogance car elles osèrent défier les Muses au chant. Ces dernières remportèrent le concours et arrachèrent leurs plumes aux sirènes qui se précipitèrent à la mer, s’éloignant à jamais de leur terre d’origine. Aigries, les sirènes deviennent des êtres maléfiques qui charment les marins de leur chant mélodieux pour les entraîner sur une vaste prairie couverte des ossements des hommes qui les avaient précédés et où les derniers venus ne tardent pas à mourir.

La représentation des sirènes en femmes-oiseaux s’étend du 8e siècle avant J.-C. jusqu’au Moyen Âge. Le premier texte signalant une sirène-poisson, De Monstris, remonte au 6e siècle après J-C. La date précise du passage de la sirène-femme à la sirène-poisson n’est cependant pas connue : en effet, au 2e siècle avant J-C, on trouvait déjà des sirènes aquatiques, comme le prouve le bol mégarien, alors que plus tard, par exemple au 1er siècle avant J.C, des représentations évoquant l’aspect funéraire des sirènes-femmes existent toujours.

Tout d’abord, pour bien comprendre le passage d’une représentation à l’autre, il faut savoir qu’Homère ne donne aucune description des sirènes puisque dans l’Odyssée il est juste expliqué que les sirènes sont statiques et que le danger qu’elles représentent est écarté dès que l’île sur laquelle elles se trouvent, à l’entrée du détroit de Messine, est doublée.

Peu à peu, on se rend compte que l’iconographie traduisant l’épisode du chant XII évolue car les épisodes de l’Odyssée ont des origines diverses et lointaines, leur unité étant donnée par le voyage d’Ulysse. Il faut préciser que toutes les anecdotes où intervient le merveilleux se regroupent autour de la mer. Dans ce contexte, le mythe des sirènes a subi les influences d’autres récits maritimes, et la place de cet épisode juste avant les Pierres Planktes, puis entre Charybde et Scylla facilita l’admission des sirènes dans le folklore de la mer.

D’autres interprétations du mythe se sont ensuite greffées à cette évolution (chant des sirènes, bruit du ressac sur les récifs, les sirènes démons de midi frappant les marins d’insolation), ainsi que d’autres légendes comme La Mort des sirènes, tirée des légendes du Cycle Troyen de Charles Vellay où il est dit que de dépit, les sirènes se jettent à la mer.

Pour continuer à vous documenter sur le sujet, vous pouvez lire :

La Mer mystérieuse : mythes, croyances et récits fabuleux
Jean Merrien, Royer, 2004
Cet ouvrage répertorie les croyances, les légendes et les récits fabuleux portant sur plus de deux cents sujets différents, répartis en trois grands chapitres : la terre, les rivages, les îles, la marée et l’eau salée, ensuite, les êtres fantastiques, les monstres et les animaux marins, enfin, le temps, la pêche, les marins et les navires fabuleux.
À la Bpi, niveau 2, 394 MER

Le Mythe des sirènes
Luigi Spina, Maurizio Bettini, Belin, 2010
L’ouvrage est composé d’une nouvelle introduisant les personnages et mettant en lumière un aspect peu connu du mythe, suivie d’une analyse du mythe antique, de lectures sur son évolution et d’un cahier iconographique commenté.
À la Bpi, niveau 3, 936.1 SPI


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Publié le 03/07/2017 - CC BY-SA 3.0 FR