Appartient au dossier : Le génocide rwandais, vingt ans de publications
Comprendre le génocide
Alors que les crimes de masse commis à l’encontre des populations tutsi rwandaises ont été officiellement reconnus comme génocide par la communauté internationale, de nombreux chercheurs s’interrogent encore sur l’origine de cette violence.
Sommaire
Un génocide du 20e siècle / Mille collines au coeur des Grands lacs / Une construction ethno-raciale héritée de la colonisation / Un contexte de guerre civile / Médias et propagande / Une économie désastreuse / Focus sur… des ressources multimédias
Un génocide du 20e siècle
Purifier et détruire. Usages politiques des massacres et génocides.
Jacques Semelin.
Points Seuil, Paris, 2012.
Rétrospective critique et analytique sur les grands crimes de masse qui ont jalonné l’histoire contemporaine. Jacques Semelin tente de savoir comment ces massacres ont été rendus possibles et pourquoi ils se répètent.
À la Bpi, niveau 2. 328 SEM
Guerres et génocides au XXe siècle.
Yves Ternon.
Odile Jacob, Paris, 2007
Yves Ternon relit les trois grands génocides qui ont marqué le siècle écoulé et qui ont concerné Arméniens, Juifs et Rwandais. Il tente d’identifier les divers éléments de genèse du massacre (conquêtes, défaites, révolutions, mutations culturelles élaborant des passions nationalistes, etc) et s’interroge sur le lien entre guerre et génocide.
A la Bpi, niveau 3. 930.71 TER
Les génocides dans l’Histoire.
Manière de voir n°76 – Le Monde diplomatique. Août – septembre 2004.
Mémoire, négation et oubli : de la Shoah au génocide arménien, du passé colonial à la folie des Khmers rouges ou au Rwanda, un point sur les génocides dans l’histoire.
A la Bpi, niveau 2. 328(0) MON 10
Loin d’être un massacre spontané et improvisé, le génocide rwandais fut méticuleusement organisé par les éléments extrémistes du gouvernement Habyarimana. Outre son intention politique, il fut aussi la conséquence de plusieurs facteurs historiques, économiques et sociaux enchevêtrés.
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Mille collines au coeur des Grands lacs
État essentiellement agricole dominé jusqu’en 1962 par les allemands puis par les belges, le Rwanda, souvent nommé le « Pays des mille collines », est au coeur de l’Afrique des Grands lacs. En 1994, trois catégories de populations, les hutu (qui représentent 85 % des rwandais), les tutsi et les twa, cohabitent de plus en plus violemment. Au Rwanda, dirigé par les hutu depuis la “révolution sociale” de 1959, les conflits ethniques et les massacres successifs de tutsi façonnent la vie politique, en miroir avec le Burundi voisin, alors dirigé par les tutsi.
L’Afrique des Grands Lacs, deux mille ans d’histoire.
Jean-Pierre Chrétien.
Aubier, Paris, 2000.
Des premiers récits mythiques jusqu’à nos jours, l’auteur retrace l’histoire de cette région, victime du partage colonial effectué par les britanniques, les allemands et les belges. Il revient sur le débat concernant les clivages héréditaires entre Tutsi et Hutu et montre que l’idéologie a investi la crise des Grands Lacs.
Un compte-rendu très complet du livre est disponible sur Persée.
À la Bpi, niveau 3. 967 CHR
L’invention de l’Afrique des Grands Lacs : une histoire du XXe siècle.
Jean-Pierre Chrétien.
Karthala, Paris, 2010.
Somme de travaux effectués depuis une cinquantaine d’années, Jean-Pierre Chrétien revient ici sur l’histoire multiséculaire de la région des lacs de l’Afrique orientale, évoquant les massacres au Burundi et le génocide du Rwanda.
À la Bpi, niveau 3. 967 CHR
Les crises politiques au Burundi et au Rwanda, 1993-1994 : analyses, faits et documents.
Sous la direction de André Guichaoua.
Karthala, Lille, 1995.
Un large éventail d’analyses sur ces crises et affrontements politico-ethniques qui ont ensanglanté le Burundi et le Rwanda au début des années 1990. Un compte-rendu très complet du livre est sur Persée.
À la Bpi, niveau 2. 328 (674) CRI
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Une construction ethno-raciale héritée de la colonisation
Cette structure sociale basée sur la notion d’ethnie, elle même sujette à débats en ce qui concerne le Rwanda, a été instrumentalisée par les colons européens, eux-mêmes appuyés dans cette démarche différentialiste par l’Église et ses « pères blancs ». Leur idéologie, héritée des théories racialistes européennes du XIXème siècle, imprègne les structures du Rwanda colonial puis post-colonial.
Les Ethnies ont une histoire.
Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien et Gérard Prunier.
Karthala, Paris, 2003.
Analyse les dynamiques historiques ayant forgé les consciences ethniques comme les autres « communautés imaginées ». En Afrique, les lectures et pratiques coloniales ont souvent été intériorisées par les colonisés eux-mêmes.
À la Bpi, niveau 2. 39(630) ETH
Rwanda, racisme et génocide. L’idéologie hamitique.
Jean-Pierre Chrétien et Marcel Kabanda.
Belin, Paris, 2013.
Analyse le schéma racial mis en place par les colonisateurs européens comme arme de contrôle du pouvoir. Influencés par l’idéologique « hamitique » qui oppose les « vrais africains » aux « faux nègres », ils discriminent les hutu au profit des tutsi, jugés « d’intelligence supérieure ».
A la Bpi, niveau 2. 328(673) CHR
À lire dans la revue Esprit – octobre 1995
Pour compléter l’analyse de la notion d’ethnie, vous pouvez lire le débat entre Jean-Pierre Chrétien et Filip Reyntjens qui a animé la revue Esprit en 1995. Dans son ouvrage L’Afrique des grands lacs en crise (Rwanda, Burundi: 1988 – 1994), ce dernier relativise le fait colonial dans la construction ethnique au Rwanda et au Burundi, où différentes catégories de populations vivent ensemble depuis des siècles. Voir aussi le compte rendu du livre sur Persée.
La revue Esprit est disponible au niveau 2. O ESP.
L’Afrique des grands lacs en crise (Rwanda, Burundi : 1988 – 1994).
Filip Reyntjens, Karthala, 1994.
À la Bpi, niveau 2. 328 (630) REY.
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Un contexte de guerre civile
En octobre 1990, la tentative avortée du FPR de pénétrer sur le territoire rwandais à partir de l’Ouganda fait basculer la situation dans la violence institutionnelle. Deux armées, celle, hutu, de Juvénal Habyarimana et celle, tutsi, de Paul Kagame, s’affrontent régulièrement. L’échec des accords d’Arusha, signés en 1993, met fin à tout espoir de paix.
Chez les extrémistes hutu, la théorie de l’élimination totale de « l’ennemi intérieur » s’impose.
Rwanda : de la guerre au génocide : les politiques criminelles au Rwanda (1990-1994).
André Guichaoua.
La Découverte, Paris, 2012
André Guichaoua évoque ici les genèses du génocide en analysant la trajectoire sociopolitique du Rwanda et l’éclatement, dès 1990, du conflit politico-militaire qui oppose le parti présidentiel MRND au FPR.
À la Bpi, niveau 2. 328 (673) GUI
André Guichaoua propose sur un site internet dédié hébergé par l’Université de Paris 1, de nombreuses annexes à son livre. Avec des traductions en kinyarwanda.
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Médias et propagande
S’appuyant sur ces conflits structurels et militaires, la propagande fait son oeuvre.
Dans le sillon creusé par le premier président de la République Grégoire Kayibanda, qui, déjà, prophétisait “la fin totale et précipitée de la race tutsi”, des voix d’intellectuels hutu comme Ferdinand Nahimana ou Léon Mugesera se font entendre. Les médias gouvernementaux portent leurs discours de haine: le journal Kangura lance des campagnes de délation contre les tutsi, et la tristement célèbre Radio -Télévision Mille Collines appelle clairement au meurtre des “inyenzi”, les “cancrelats”. En 1993, suite à la tentative avortée du FPR de pénétrer sur le territoire rwandais, la création du hutu power, pendant para-militaire de cette dérive idéologique, achève de préparer le climat pré-génocidaire.
Sur la réception de ces idées dans la population rwandaise, notons aussi l’intéressante remarque de l’anthropologue belge Danielle de Lame dans son article “Anthropology and Genocide”, disponible sur l’Encyclopédie en ligne des violences de masse. Sans vouloir sous-estimer le rôle de la propagande anti-tutsi, elle souligne la nécessité d’en relativiser sa réception directe, puisque seuls 25% des rwandais possèdent alors une radio.
Rwanda : les médias du génocide.
Sous la direction de Jean-Pierre Chrétien, avec la collaboration de Reporters sans frontières.
Karthala, Paris, 1995.
Description des médias proches du régime au tournant des années 90. Fait apparaître les grandes orientations de la propagande qui a rendu possible le génocide : dénonciation d’un péril tutsi, division de la société rwandaise en races antagonistes, fascination pour la violence.
À la Bpi, niveau 2. 076 RWA
Un idéologue dans le génocide rwandais : enquête sur Ferdinand Nahimana.
Hervé Deguine.
Mille et une nuits, Paris, 2010.
Selon le Tribunal pénal international pour le Rwanda, Ferdinand Nahimana est l’organisateur de la propagande anti-tutsi. La radio-télévision Mille collines qu’il a fondée et dirigée galvanise les auteurs des massacres. Cette biographie retrace son parcours et montre comment il a su se hisser au sommet du pouvoir rwandais.
À la Bpi, niveau 2. 328 (673) DEG
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Une économie désastreuse
À ces violentes tensions ethniques s’ajoute une crise économique sans précédent. Depuis les années 1980, la production agricole rwandaise ne subvient plus aux besoins alimentaires de la population. La courbe démographique est alors en pleine expansion et le pays est le plus dense de tous les états africains (avec près de 250 habitants au kilomètre carré). Des disettes, voire des famines, apparaissent. “Dès 1989« , note Danielle de Lame, « les paysans qualifient leur situation d’apocalyptique. La dernière récolte satisfaisante de café (source principale de leur revenu) datait de 1987 et le cours mondial chutait dans le même temps”. Près de 57 % de la population a moins de 20 ans: ces jeunes ne possèdent pas de terres et ont peu d’espoir d’en acquérir. Sans avenir ni situation stable, ils vivotent et forment une catégorie de population à l’abandon. A cette crise interne s’ajoute l’explosion de la dette extérieure, indéniable facteur d’appauvrissement.
Effondrement : comment les sociétés décident de leur disparition ou de leur survie.
Jared Diamond.
Gallimard, Paris, 2006.
Dans un chapitre intitulé « Malthus en Afrique: le génocide du Rwanda », Jared Diamond évoque le facteur démographique, la crise alimentaire et l’absence de terres comme une des causes majeures du génocide.
À la Bpi, niveau 2. 574.1 DIA
Rwanda, une histoire volée : dette et génocide.
Renaud Duterme.
Tribord, Bruxelles, 2013.
Un panorama de la situation politique et socio-économique avant et après le génocide, toujours replacé dans un contexte mondialisé. Selon l’auteur, les plans d’ajustement structurel imposés par les institutions financières internationales au début des années 1990 ont exacerbé les tensions dans un pays confronté à l’explosion de sa dette.
À la Bpi, niveau 2. 328 (373) DUT
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Focus sur… des ressources multimédias:
Un site internet indispensable :
L’Encyclopédie en ligne des violences de masse :
une base de données d’analyse comparative et pluridisciplinaire spécialisée dans l’étude des génocides, crimes contre l’humanité et massacres civils.
Vous pouvez aussi écouter la conférence organisée par la Bpi en 2008, expliquant les principes intellectuels et graphiques ayant présidé à la création de cette base de données.
Des films documentaires:
Afriques, comment ça va avec la douleur?
Raymond Depardon.
Arte France, 2006.
Seul, un micro sur sa caméra, Raymond Depardon arpente le continent africain: Afrique du Sud, Angola, Rwanda…
À visionner sur les postes multimédias
Le dessous des cartes: Continent Afriques.
Jean-Christophe Victor.
Arte France, 2008.
Une introduction géopolitique au continent africain.
A visionner sur les postes multimédias. Niveau 2, Espace Autoformation
Un enregistrement sonore:
Rwanda, un génocide oublié? Un procès pour mémoire
Laure de Vulpian. réal. Mehdi El Hadj.
MK2 Music, Paris, 2004.
Une analyse des mécanismes du génocide rwandais en 4 cd, à partir d’un procès historique qui s’est tenu devant la cour d’assise de Bruxelles. Avec les voix des plus grands spécialistes.
À écouter sur place
À la Bpi, Niveau 3, Espace Musiques et Documents parlés
Un dossier de presse Bpi :
Un dossier Bpi en plusieurs volumes constitué par Public-Info.
À consulter dans l’Espace Presse : lien vers les articles (uniquement sur place)
Des conférences filmées :
- Une série de conférences données au Mémorial de la Shoah en 2008 et 2009 par des experts de la question rwandaise.
- Une intervention de Jean-Pierre Chrétien (BnF, 2006), « le génocide au Rwanda« , qui propose une lecture des évènements par l’étude du contexte géopolitique, l’influence des médias et le rôle des élites politiques dans la montée du racisme interethnique.
Un article en ligne :
« La langue amère des temps nouveaux : dynamique de la violence au Rwanda rural (1991 – 1994) », par Emmanuel Viret.
Analyse les mécanismes de développement et d’institutionnalisation de la violence dans la paysannerie et les élites rurales plusieurs années avant le génocide.
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Publié le 05/05/2014 - CC BY-SA 4.0