Sélection

Appartient au dossier : Jardins

Créateurs de jardins
Du jardin français d’André Le Nôtre au jardin planétaire de Gilles Clément

Une floraison d’expositions sur la thématique des jardins ces derniers temps invite aux balades buissonnières : de Jardins au Grand Palais au Jardin infini au Centre Pompidou-Metz en passant par les Incroyables jardins proposés par le réseau des bibliothèques de la ville de Paris cet été et le Jardin monde  du plasticien et paysagiste Bernard Lassus installé sur les terrasses du Centre Pompidou. À cette occasion, nous vous proposons une sélection d’ouvrages pour découvrir le travail des grands noms du jardinage. 

Peinture de jardin de la Villa Livia
Peinture de jardin de la Villa Livia – Rome – Ie siècle avant J.-C

Le jardin est dans sa définition originelle un enclos, l’hortus conclusus médiéval, une entité découpée dans le territoire rural ou urbain. Il est opposé au paysage ouvert, à une nature qui peut paraître menaçante ou envahissante pour l’homme. Dans un jardin, la nature est maîtrisée et ordonnée par l’homme : le jardin est forcément artificiel. Différent du paysage qui s’inscrit dans le temps long et dans l’espace, le jardin est dans le temps court, soumis aux saisons et à un espace délimité : on peut en faire le tour du propriétaire. Pourtant aujourd’hui le jardinier et le paysagiste tendent à se confondre.

« Il faut cultiver notre jardin »,  ainsi se termine le Candide de Voltaire, nous invitant à nous emparer de sa richesse polysémique : l’image du jardin pour signifier qu’il faut cultiver non seulement notre richesse intérieure mais aussi celle de la planète. Sous la plume de Voltaire, l’adjectif possessif « notre » désigne le monde que nous partageons. Un monde pluriel prenant les formes que lui donne l’action humaine. En somme, « notre jardin » n’est pas le lieu d’intérêts privés où chacun pourrait s’échapper du réel ; « notre jardin », c’est ce lopin de terre inscrit dans un sol, en soi ou dans le collectif, où l’on cultive les vertus culturelles, éthiques et civiques qui sauvent la réalité de ses pires pulsions.

La rêverie d’Italo Calvino dans Palomar nous rappelle que si l’on peut contempler la totalité du monde dans un jardin, c’est justement parce qu’il est une parcelle du monde, non pas une image abstraite mais une réalité concrète et tangible, ancrée dans la matière et dans le temps, un temps spécifique : celui du vivant, de ses fragilités et de ses métamorphoses.

C’est le message repris par le philosophe Michel Foucault « Le jardin, c’est la plus petite parcelle du monde et puis c’est la totalité du monde » ou plus récemment dans « le jardin planétaire » du jardinier-paysagiste Gilles Clément. Ce dernier nous rappelle que jardiner est une manière responsable d’être au monde. Notre époque doit réinventer une relation au lieu, lui retrouver un sens. C’est ce qu’il appelle aussi « le jardin en mouvement » qui redonne sa place à la friche et au sauvage, bien loin du jardin français ordonné d’André Le Nôtre.

Jardiniers, paysagistes, artistes d’aujourd’hui imaginent la terre comme un jardin planétaire qui a ses limites, un enclos au sein duquel l’homme doit agir en jardinier responsable.

Publié le 06/06/2017 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

André Le Nôtre (1613-1700)

Issu d’une famille de jardiniers, André Le Nôtre est architecte et dessinateur. Admis à l’atelier de Simon Vouet, il est très tôt initié à la peinture, à l’architecture et la perspective. Il se consacre à l’aménagement des jardins, père du jardin « à la française », symbole de l’absolutisme monarchique. Il fait des grandes perspectives du Versailles de Louis XIV l’image de l’ordre imposé à la société : « l’orgueilleux plaisir de forcer la nature » (Saint-Simon).

André le Nôtre en perspectives

Patricia Bouchenot-Déchin et Georges Farhat
Hazan, Château de Versailles, 2013

André Le Nôtre fut tout à la fois jardinier et dessinateur de Louis XIV, mais aussi contrôleur général des Bâtiments. Sa manière d’œuvrer en tant qu’architecte de l’espace, son rôle d’ingénieur, sa passion de collectionneur et l’héritage de ses conceptions, du XVIIe siècle jusqu’à nos jours, sont détaillés. Avec la reproduction grand format de nombreux dessins.

À la Bpi, niveau 3, 721.8(44) LEN 

Portrait d'un homme heureux : André Le Nôtre, 1613-1700

Erik Orsenna
Fayard, 2013

Présentation de l’univers d’André Le Nôtre (1613-1700), contrôleur général des jardins du Roi, et créateur des jardins de Chantilly, Vaux-le-Vicomte, Versailles ou des Tuileries. Disciple et ami des peintres et architectes de son temps, son caractère heureux a su attirer sur lui la faveur des grands seigneurs et de Louis XIV.

À la Bpi, niveau 3, 721.8(44) LEN

Roberto Burle Marx (1909-1994)

Né à São Paulo au Brésil, il est l’un des paysagistes du 20e siècle qui a le plus influencé ses contemporains. Il a travaillé avec Le Corbusier et Oscar Niemeyer, notamment à Brasilia. On assiste aujourd’hui à un renouvellement des pratiques paysagères dont Roberto Burle Marx fut le pionnier, notamment de fait des inquiétudes sur la préservation des espèces végétales et les menaces écologiques globales.

Roberto Burle Marx : la modernité du paysage

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Actar, Cité de l'architecture et du patrimoine, 2011

Figure du paysage moderne, Roberto Burle Marx s’est imposé comme un précurseur dans une conception de la ville nature et son apport dans la conception des espaces publics est reconnu. Cet ouvrage, qui accompagne une rétrospective à la Cité de l’architecture et du patrimoine, présente le fruit d’une campagne photographique commandée à L. Finotti pour montrer comment ses créations ont traversé le temps.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 BUR 

Dans les jardins de Roberto Burle Marx

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Actes Sud, 2011

Issue d’un séminaire du Crestet Centre d’art organisé en 1992, une présentation de l’oeuvre de Roberto Burle Marx (1909-1994), peintre et paysagiste brésilien. Il réalisa des jardins, mena des recherches sur la ville et constitua une serre de plus de deux mille espèces, à la fois conservatoire botanique et réserve de plantes pour les jardins qu’il réalisa.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 BUR

Bernard Lassus (1929 - )

Plasticien, coloriste, paysagiste, Bernard Lassus conduit, depuis plus de 60 ans, une réflexion et un travail sur les transformations des territoires urbains : la lumière, la couleur et le mouvement sont les premiers matériaux de ses projets artistiques et paysagers. Il est formé à la peinture dans l’atelier de Fernand Léger. Il défend une conception qui se porte au-delà de la seule création de jardins et parle de “paysage démocratique”, “d’habitant paysagiste”, pour lesquels les cinq sens et les couleurs sont sans cesse mobilisés. Dans un article de 1976, il anticipe la création des murs végétalisés de Patrick Blanc : “Les façades végétales serviraient de support à des végétaux envahissants ; ce qui impliqueraient la présence de jardinières profondes et de surfaces de treillis. avant que les végétaux aient eu le temps de les envahir, il faudrait que ces façades puissent être identifiées comme végétales”. “Jardin contre nature”, in Traverses, 1976

Jardins imaginaires

Jardins imaginaires : Les habitants paysagistes

Bernard Lassus
Les Presses de la Connaissance, 1977

Entre clôtures et façades, c’est en 1961, au cours d’une enquête sur la couleur des villages et des paysages corses que Bernard Lassus découvre dans un jardin, un animal fantastique peint. Dans la lignée du Facteur Cheval ou de Picassiette, il se met en quête du phénomène des “habitants paysagistes”, ceux qui consacrent à leur jardin privé ou à un espace public une créativité débordante et une poésie personnelle.

À la Bpi, niveau 3, 70”19” LASS 2

Le Destin paysager de Bernard Lassus, de 1947 à 1981

Stephen Bann
HYX, 2014

Une analyse de la démarche artistique et intellectuelle du plasticien, coloriste, paysagiste et urbaniste. L’auteur retrace la carrière de Bernard Lassus, marquée par trois phases successives, de ses premières peintures à son projet paysager pour le parc de la Villette, tout en illustrant son appropriation des territoires urbains. Ce texte pourrait se lire comme une synthèse, bien que son argument ne soit justement pas monographique. Son propos vise plutôt à définir une théorie du paysage. Celle-ci repose sur l’analyse de la démarche artistique et intellectuelle de Lassus dans la perspective de construire une théorie critique qui conjugue art, architecture et urbanisme.

À la Bpi, niveau 3, 70”19” LASS 2

Nouvelle fenêtre

Bernard Lassus : Un art de la transformation, le paysage

Le Centre Pompidou rend un hommage inédit au plasticien et paysagiste Bernard Lassus. Une salle dans le musée expose son oeuvre du 24 mai au 26 août 2017 et le « Jardin monde » prend place jusqu’en octobre sur 800m2 de la terrasse sud du niveau 5 du Centre Pompidou. Librement accessible, ce jardin artificiel invite le visiteur à s’immerger dans son univers poétique pour aborder les enjeux contemporains de l’art du paysage. Le « Jardin monde » est le manifeste des expérimentations plastiques du paysagiste et propose une synthèse entre art, architecture et environnement dans une expérience sensible.

Gilles Clément (1943 - )

« Confiée au banquiers, la société pétille d’aventures boursières […], réduit l’humain à un maillon temporaire et jetable de la chaîne de la rentabilité, érige le virtuel en seule réalité utile à manipuler le monde asservi. Le jardin propose tout le contraire. Terrain concret, explorable et mystérieux, il invite le jardinier – l’homme- à définir ses formes, ses richesses et son habitat. Il tient l’humanité dans le temps. Chaque graine annonce demain. C’est toujours un projet. Le jardin produit des biens, porte les symboles, accompagne les rêves. » (Gilles Clément, Une écologie humaniste)

Figure clé du monde du jardin et du paysage depuis sa grande exposition à la Villette en 2000 sur « Le jardin planétaire », il développe le concept de la planète en tant que jardin clos et limité, et pour laquelle l’homme, en bon jardinier, doit prendre soin. Créé dès 1995, ce constat de la finitude écologique et du brassage planétaire se révèle aujourd’hui d’une criante actualité. La philosophie qui le dirige emprunte directement au « Jardin en mouvement » : faire le plus possible avec, et le moins possible contre, il laisse une place au sauvage et à l’aléatoire, pour aboutir à son dernier concept, le « tiers-paysage » qui désigne tous les espaces laissés en friche, les délaissées urbains ou ruraux, les landes, marais, tourbières, les bords de route et voies ferrées, qui constituent des espaces privilégiés pour la biodiversité. Pour Gilles Clément, le jardin, pris dans son sens traditionnel et appliqué à la planète, peut aujourd’hui nous aider à imaginer de nouveaux comportements, de nouveaux modes d’habitation de notre monde. Gilles Clément a réalisé de nombreux jardins publics et privés, notamment le jardin du musée des Arts Premiers à Paris quai Branly, les jardins de l’abbaye de Valloires dans la Somme, le domaine du Rayol au bord de la Méditerranée.

Gilles Clément, une écologie humaniste

Louisa Jones et Gilles Clément
Aubanel, 2006

Paysagiste et théoricien du jardin, Gilles Clément raconte l’histoire de chacun de ses jardins les plus célèbres et dévoile la diversité de son oeuvre. Louisa Jones dresse le portrait de cet homme, de sa démarche et de son style mais aussi de ses combats. L’ouvrage prône une écologie humaniste et s’interroge sur la place de l’homme dans des écosystèmes en constante évolution.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 CLE

jardin en mouvement, ouvrage

Le Jardin en mouvement

Gilles Clément
Sens & Tonka, 2017

Le paysagiste développe une observation des cycles d’apparition des organisations structurelles et spatiales du jardin : l’ordre, l’entropie, la reconquête, la friche, le climat ou encore le vagabondage. Il suggère de laisser les plantations dessiner le jardin qui prend ainsi une forme différente à chaque nouvelle floraison. Il illustre chaque étape d’exemples de ses propres créations paysagères.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 CLE

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Film : Le Jardin en mouvement, Gilles Clément

Extrait du film Le Jardin en mouvement, Gilles Clément.
Un film de Olivier Comte.

Pascal Cribier (1953-2015)

« Le jardinier n’est pas un artiste : il ne produit pas quelque chose qui pourrait être côté sur le marché et donner lieu à spéculation – le jardin n’a pas de valeur marchande. Sa tâche consiste à essayer de tirer parti au mieux des contraintes pour les convertir en opportunités, sans oublier qu’on violente inévitablement la nature : on perturbe, on supprime même, sans s’en apercevoir, un écosystème déjà en place ou en train de reconquérir un nouvel équilibre ». (Pascal Cribier)

Pascal Cribier quitte l’école à quatorze ans et sort des Beaux-art en 1978 avec un diplôme d’architecte en poche : «  Je ne sais si je suis paysagiste, architecte ou jardinier.  » Auteur de 180 jardins publics et privés, il est représentatif d’une génération de jardiniers révolutionnaires par les techniques ecopaysagères employées : «  Une génération de jardiniers exprime le génie français  : Patrick Blanc, Louis Benech, Gilles Clément. Et Pascal Cribier, qui était un trublion.  » (Laurent Le Bon)

Pascal Cribier, itinéraires d'un jardinier

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Ed. X. Barral, 2009

Une monographie reproduisant plus de mille photographies panoramiques réalisées par le jardinier paysagiste depuis 1982. D’une terrasse sur les toits de Paris à un lagon de Bora Bora, la genèse de projets, leur mise en oeuvre, le choix des essences, etc.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 CRI

Eric Ossart et Arnaud Maurières

Eric Ossart et Arnaud Maurières vivent et travaillent ensemble depuis 1986. Depuis 2009, ils partagent leur temps et leur passion entre l’Afrique du Nord, où ils ont développé la construction de maisons contemporaines en terre et les jardins d’aridité, l’Europe et le Mexique, où ils conçoivent un projet ambitieux, associant jardin et habitat responsables à l’échelle d’un vaste paysage naturel. En une trentaine d’années, l’agence de paysage Ossart + Maurières a défini à travers des réalisations publiques et privées, un style original toujours soucieux de l’environnement et d’un art de vivre en relation intime avec l’architecture et la nature. Ossart + Maurières ont réalisé notamment le jardin médiéval du musée de Cluny à Paris, les jardins du Muséum à Toulouse, le Jardin des Paradis à Cordes-sur-Ciel (jardin associatif ouvert périodiquement au public).

Éloge de l'aridité : un autre jardin est possible

Arnaud Maurières et Éric Ossart
Plume de carotte, 2016

Face au réchauffement planétaire et à la diminution des ressources en eau, Arnaud Maurières et Eric Ossart ont appris à composer des jardins d’aridité. Pour la première fois, ces paysagistes de renommée internationale livrent l’aboutissement de leur réflexion sur le jardin nature et son impact environnemental, tout en dévoilant leurs secrets de jardiniers. Pour eux, l’aridité est une opportunité pour changer de modèle. Ils n’hésitent pas à conclure que le jardin de demain sera aride ou ne sera pas ! L’aridité est révolutionnaire. Nous sommes de plus en plus nombreux sur une planète dont les zones arides occupent plus de 40 % des terres émergées. Les climats changent, l’eau devient rare, l’eau est déjà chère. À la fois poétique et décharné, le paysage aride démontre qu’il n’a rien à envier aux jardins européens que l’on connaît. Les photographies de cet ouvrage nous offrent des images surprenantes de beauté, aussi minimalistes que grandioses, où l’aridité peut être surprenante, vivante, universelle, subtile, contrastée, qu’elle soit sauvage ou paysagée.

Dans cet ouvrage à la fois beau et surprenant, autant dans son approche engagée que graphique, pas de buissons croulants sous les roses fraîches, ni de gazon brûlé par le soleil repeint en vert dans un souci d’esthétique criant de mondanité et de narcissisme… Des steppes d’agaves aux luxuriants jardins des palais orientaux, en passant par les patios méditerranéens aux murs tapissés de plantes grimpantes, Ossart & Maurières proposent une esthétique nouvelle, très éloignée des modèles classiques, qui réconcilie le plaisir de jardiner avec le respect de l’environnement. Plongez dans un voyage dépaysant au cœur des jardins secs, aux portes du Sahara ou au Mexique. Au-delà des images et des mots vantant leur beauté singulière, les auteurs nous racontent leur démarche, leurs recherches, leurs réflexions, leurs réalisations.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 OSS

Ossart + Maurières, tout est jardin

Arnaud Maurières, Eric Ossart
Ulmer, 2017

Les deux paysagistes livrent ici les clés de la conception et la réalisation de 22 jardins emblématiques de leurs créations en suivant leurs thèmes d’inspiration : éphémères, gabions, Moyen Age, roseraies, paradis, norias, Méditerranée et aridité.

À la Bpi, niveau 3, 721.8 OSS 

Bibliographie complète à télécharger

La démarche des créateurs de jardins aujourd’hui est un signe des temps qui marque un intérêt toujours plus grand pour le jardin, thème repris par de nombreuses expositions ces dernières années. Exposer le jardin relève pourtant de la mission impossible : comment donner à voir ce qui relève d’une expérience physique, concrète, sensorielle? Comment représenter un monument vivant toujours en mouvement ? Que nous donnent à voir et à comprendre toutes ces manifestations ? C’est ce qu’a abordé cette “promenade” documentaire, incitant à “Cultivez votre jardin !”. Téléchargez la bibliographie au format Pdf