Sélection

Appartient au dossier : Dans la bulle des auteurs et autrices de BD

Dans la bulle de David Prudhomme

David Prudhomme présente à Balises quelques-unes des œuvres qui l’inspirent quotidiennement, alors que la Bpi lui consacre un « Jeudi de la BD » en mars 2020.


David Prudhomme publie des bandes dessinées depuis une trentaine d’années. De La Tour des miracles (2003), adapté du roman de Georges Brassens, à Rupestres ! (2011) en passant par Rébétiko (2009), sa production laisse deviner l’étendue de ses influences. 

Publié le 17/03/2020 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Aucune photo ne peut rendre la beauté de ce décor

Taroop & Glabel
Sémiose éditions, 2009

Ce petit livre fluo, réalisé par le duo d’artistes Taroop & Glabel, m’accompagne partout. Il propose un choix judicieusement dosé de photos du journal Dernières nouvelles d’Alsace, accompagnées de leurs légendes. Les photos se succèdent : le coin de la rue, le fait divers devenu poétique, ironique, émouvant, absurde, bref, offrant une palette de sentiments. Le décalage entre l’image et la légende est un sommet d’humour distancié. Tout l’humour tient sur l’intention du rédacteur qui se trouve derrière le commentaire et sur l’effet produit à la lecture. Ça crée des ponts vers Jacques Tati, Sempé, Jérôme Deschamps. C’est une grande référence pour moi.

Here, My Dear

Marvin Gaye
Motown, 1979

La pochette fait mal aux yeux mais ce disque m’a accompagné pendant la réalisation de l’album Vive la marée ! écrit avec Pascal Rabaté. Ce disque en forme de catharsis raconte la séparation acrimonieuse de Marvin Gaye avec sa première femme, fille de son producteur Berry Gordy, mais aussi son nouvelle rencontre avec l’amour. Marvin Gaye nous plonge dans une ambiance intimiste, jazz funk mid-tempo avec quelques titres particulièrement dansants. L’album brosse des sentiments contradictoires alternant des chansons comme I Met a Little Girl, où Gaye raconte l’émotion et la joie de l’amour naissant avec sa dernière compagne, avec des titres comme Anna’s Song, When Did You Stop Loving Me, When Did I Stop Loving You, où il exprime la mélancolie. C’est cette conjonction de sentiments contradictoires dans un moment de vie que je trouve bien développée ici. Mais Rabaté et moi travaillions sur les vacances, alors le titre funk Time to Get it Together était celui qui correspondait le mieux à notre ambiance de travail. Parfois, on dansait ! Nous l’avons écouté des centaines de fois. Il m’arrive souvent d’écouter en boucle une seule chanson pendant une période. Cela me permet de fixer ma pensée et de libérer mon esprit pour dessiner.

J’aime tout Brassens, Brel, Trenet. Récemment, j’ai eu une phase Verlaine par Trenet dans une nouvelle version stéréophonique. Je l’ai écouté sans arrêt pendant plus d’une semaine. J’aime aussi beaucoup la version de Brassens. J’ai mes phases PNL, Yasiin Gaye, Chance the rapper, Mathieu Boogaerts, Thelonious Monk en solo, ou encore In a Sentimental Mood d’Ellington et Coltrane, Quel temps fait-il à Paris ? d’Alain Romans… Mais celui vers qui je reviens régulièrement, mon fil à plomb, c’est Georges Brassens.

 

La Frise noire du Pech-Merle.

La Frise noire du Pech-Merle

La grotte du Pech-Merle est située à Cabrerets dans le Lot. Elle abrite quelques chef-d’œuvres réalisés par des hommes préhistoriques. La Frise noire du Pech-Merle, qui s’étend sur 7 mètres de long et 2 mètres de haut, occupe l’intégralité d’une paroi de la grotte et rassemble 25 figures (mammouths, bisons, chevaux, aurochs).

Toutes les questions plastiques ont été posées dans l’art paléolithique et on les remue encore aujourd’hui. Quand on étudie cet art, on réfléchit sur des lignes : on les suit des yeux, on cherche à savoir dans quel ordre elles ont été tracées, en combien de temps.

Dans cette frise, l’ordre de réalisation des figures est le suivant : d’abord la figure centrale du cheval, puis les bisons, les mammouths, et enfin les vaches. L’ensemble forme une ronde autour du cheval. Cet art nous oblige à simplement suivre des lignes des yeux. Il ne nous laisse ensuite que des questions, sur la représentation du sujet, sur sa fonction, sur le lieu où se situe la pratique, sur le motif… L’anonymat de ces artistes pose question sur l’importance de la signature à notre époque, et sur la place que l’humain s’accorde sur la planète. Le vertige que ça génère est enivrant. Il faut accepter l’idée de n’avoir pas de réponse à tant de questions et l’acceptation de cet état est le plus beau legs de cet art. C’est une source de jouvence.

Le Monde de Sempé

Jean-Jacques Sempé
Denoël, 2002

J’aime tout Sempé, pour la cruauté et la tendresse qui se dégage de son œuvre. Il atteint une ligne de crète, un équilibre fragile du monde tel qu’on l’habite. Il décrit toutes nos passions humaines, avec une gourmandise particulière pour nos vanités. J’aime sa capacité graphique à suggérer les éléments du dessin. Dessiner juste ce qui est nécessaire, en usant d’un vocabulaire graphique réduit, parvenir comme il le fait à tout dessiner, c’est merveilleux et unique.

Entretien avec David Prudhomme | Bpi (2020)

Depuis 1992 et Ninon secrète (Glénat) qu’il illustre pendant sa formation à la section bande dessinée de l’école d’Angoulême, l’œuvre de David Prudhomme a sillonné avec brio les sentiers les plus divers du 9e art, de J’entr’oubliay inspiré par la poésie de François Villon (Alain Beaulet, 2006) à Rupestres ! (Futuropolis, 2011) où il explore en compagnie d’Emmanuel Guibert, Étienne Davodeau, Pascal Rabaté et Marc-Antoine Mathieu les images de l’art rupestre. Auteur d’une œuvre féconde, il a reçu de nombreuses récompenses, comme le Prix Regards sur le monde à Angoulême en 2010 pour Rebetiko (Futuropolis, 2009) ou le prestigieux Prix International de la ville de Genève pour La Traversée du Louvre (Futuropolis, 2012).