Interview

Appartient au dossier : Dans la bulle des auteurs et autrices de BD

Dans la bulle de Jean-Claude Mézières

Littérature et BD

Avec son complice Pierre Christin, Jean-Claude Mézières a été l’un des premiers auteurs à transposer en bande dessinée l’univers de la science-fiction. Quelles ont été ses influences ? Nous vous proposons de le découvrir en entrant dans sa bulle…
La Bpi reçoit l’auteur de Valérian et Laureline à l’occasion du festival SoBD qui se déroule en ligne en février 2021.

Quels albums et quels auteurs vous ont donné envie de faire de la bande dessinée ? 

À l’époque où j’ai commencé à lire des BD, juste après la guerre, il n’y avait pas d’albums : les BD paraissaient sous forme de journaux. J’avais un frère ainé qui lisait un petit hebdomadaire, OK magazine, qui publiait plusieurs auteurs dont Albert Uderzo, qui à ce moment-là faisait une série intitulée Arys Buck, avec chevaliers, princesses et dragons. Il y avait aussi Erik qui faisait Crochemaille, une série très amusante, dynamique, assez novatrice à l’époque. Toutes les BD publiées étaient françaises – pas encore franco-belges – et assez confidentielles. Plus tard, j’ai découvert mon premier album, Le Lotus Bleu, et ça a été un grand choc de lire pour la première fois une histoire complète. Franquin est arrivé ensuite, avec Spirou, mais c’étaient toujours des piles de journaux qu’on se passait entre copains, on avait deux pages par semaine… 

Après, vers mes quinze ans, j’ai découvert la BD américaine avec la revue MAD grâce à un ami dont la mère était américaine. Quand j’ai commencé moi-même à faire de la BD, ça a été une grande influence graphique : le style de dessin était très particulier, avec l’utilisation des trames et des techniques destinées à l’imprimerie. 

Comment avez-vous découvert la science-fiction ?

Ce qui m’a initié à la science-fiction, c’étaient de petites nouvelles, qui étaient alors publiées dans les revues Fiction et Galaxie. Ces revues étaient les premières à traduire en français tous les auteurs américains qui sont depuis devenus des classiques : Azimov, Van Vogt… C’étaient des récits extraordinairement imaginatifs à l’époque. Les romans de SF étaient encore rares et très marginalisés, mais avec mon copain Christin (scénariste de Valérian et Laureline), on parvenait à s’échanger des romans, qu’on lisait parfois en anglais.  

Cela m’a inspiré ensuite, mais il y a beaucoup entre rêver des mondes et les coucher sur papier ! Il m’a fallu des années pour parvenir à recréer ces univers sous forme de récits de science-fiction, parce qu’il n’y avait pas de modèle. La bande dessinée américaine de superhéros ne m’a jamais inspiré : ce sont des clichés de dessins, avec des personnages en gros plans, et une absence complète de décor ! Il y avait bien Barbarella, qui paraissait dans une revue érotique, V Magazine, et j’adorais le trait au pinceau de Jean-Claude Forest, et aussi Paul Gillon qui faisait une série dans Vaillant. Mais tout cela restait assez réaliste.

Quand on a commencé à travailler pour Pilote, avec Christin, nous avions envie de faire de la science-fiction mais nous ne savions pas du tout où nous allions, que ce soit au niveau de l’histoire ou du dessin. Mon dessin était très humoristique, avec un style qui imitait celui de Franquin, et en SF ça ne marchait pas très bien ! Mon graphisme a dû évoluer progressivement…

Vos BD ont inspiré le cinéma. Quels films vous ont inspiré ?

Plus que la SF, au cinéma, ce sont les westerns que j’ai adorés : ce qui me plaisait, ce n’était pas vraiment l’histoire, mais les paysages extraordinaires de tout l’Ouest américain, que je suis allé découvrir ensuite.

Les premiers films de science-fiction dans les années cinquante étaient quand même très ringards :  La Planète interdite, ou des films dans ce genre ne me fascinaient pas vraiment… Le premier film de science-fiction qui a vraiment été un grand choc, ça a été 2001, L’Odyssée de l’espace en 1968. J’ai d’ailleurs rendu un hommage à Kubrick dans La Cité des eaux mouvantes, en reprenant l’image de la grande roue. Puis, il y a eu THX 1138 de George Lucas en 1971, qui était un film très intéressant, malgré l’absence de moyens et d’effets spéciaux. 

Plus récemment, bien entendu, j’ai été très heureux de participer au Cinquième élément de Luc Besson, et de retrouver à l’écran des images que j’avais dessinées !

Publié le 05/02/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

Valérian et Laureline

Jean-Claude Mézières, Pierre Christin
Dargaud, 2007

Publiée de 1967 à 2010, la série Valérian et Laureline comprend trente aventures publiées en vingt-deux albums.

Agents du Service Spatio-Temporel (SST), Valérian et Laureline parcourent la galaxie depuis la Terre. Se déplaçant dans le temps comme dans l’espace, ils explorent différentes planètes, à différents époques, et cherchent à éviter les conflits ou à résoudre les mystères qu’ils croisent sur leur parcours.

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