Quel est le point commun entre Akissi, Supermurgeman et François Hollande ? Tous ont été dessinés par Mathieu Sapin. L’auteur, qui a partagé le même atelier que Riad Sattouf au début des années 2000, produit des bandes dessinées à l’humour souvent grinçant. En 2018, Mathieu Sapin réalise par ailleurs son premier long métrage, Le Poulain.
Avant de le rencontrer le 1er décembre 2018, dans le cadre d’un Samedi de la BD spécial en marge de l’exposition Riad Sattouf, Balises vous propose de découvrir quelques œuvres et artistes qui l’inspirent au quotidien.
Quels sont les livres qui ont marqué votre enfance ?
Je me souviens très bien de Max et les Maximonstres de Maurice Sendak et du Géant de Zéralda de Tomi Ungerer. Ces livres me faisaient un peu peur, j’adorais leur univers inquiétant. Maurice Sendak et Tomi Ungerer sont des auteurs qui laissent beaucoup de place à l’imaginaire, ils arrivent à provoquer des images par suggestion chez les enfants, mais aussi chez les adultes. C’est ce qui rend leur travail particulièrement intéressant.
Je lisais aussi Les Malheurs de Sophie de la Comtesse de Ségur. J’ai d’ailleurs traité ce livre en BD, car certaines images sont gravées en moi. Je me souviens parfaitement de certaines scènes, notamment, les plus cruelles. Contrairement à ce que l’on peut croire, il y a une forme de violence physique et psychologique dans les livres de la Comtesse de Ségur, et c’est cette cruauté qui plaît aux enfants. La Comtesse de Ségur écrivait pour ses petits-enfants, elle ne pensait pas toucher un large lectorat, et je trouve qu’on perçoit bien sa sincérité dans ses romans. Cette dimension a probablement contribué à faire son succès. Marguerite Abouet adopte un peu la même démarche quand elle fait Akissi. Son récit n’est pas frelaté, c’est vraiment ce qu’elle a éprouvé.
En bande dessinée, je lisais beaucoup Les Schtroumpfs, Tintin, ou encore Blake et Mortimer.
Quels sont les artistes qui vous inspirent ?
Il y en a beaucoup ! Jérôme Bosch, Antoine Watteau, Otto Dix, Bruegel. Ce sont des peintres qui nous renseignent sur leur époque. Leurs tableaux regorgent de détails. Ils sont à la fois documentés et précis, et très imaginatifs avec une dimension fantastique. Ils parlent de sujets graves, et il y a de l’humour. J’essaie d’avoir la même démarche dans mon travail.
Quels les films vous ont donné envie de faire du cinéma ?
La Nuit américaine de François Truffaut ou Le Lauréat de Mike Nichols, par exemple, sont des films qui m’ont nourri.
Récemment, j’ai pris beaucoup de plaisir à revoir Jackie Brown de Quentin Tarantino et The Big Lebowski des frères Coen. Ces films parlent de choses très grinçantes avec beaucoup d’humour.
En cinéma documentaire, j’aime le travail d’Yves Jeuland ou de Raymond Depardon, que j’ai côtoyé.
Quelle BD pouvez-vous nous recommander en ce moment ?
Indélébile de Luz. Ce livre me paraît essentiel, d’abord parce que Luz a un talent considérable, et puis, c’est une manière intelligente de parler du traumatisme de la disparition de l’équipe de Charlie, sans pour autant tomber dans la compassion.
Récemment, j’ai aussi relu les BD de Daniel Clowes, son univers me touche particulièrement, tout comme celui de Robert Crumb.
Par ailleurs, je vous conseille de lire mes camarades d’atelier : Christophe Blain, Joann Sfar et bien évidemment Riad Sattouf qui vient de publier L’Arabe du futur 4 !
Quel est votre personnage favori dans l’œuvre de Riad Sattouf ?
Jérémie, car c’est personnage dont on parle assez peu. Pourtant, il est très attachant, il est très proche de Riad. J’adore aussi Pipit farlouse. C’est une super BD, j’espère que Riad la ressortira.
Qu’aimez-vous dans son travail ?
Avec Riad, c’est une longue histoire, nous avons commencé ensemble, nous avons même fait une BD tous les deux. Elle s’appelle Laura et Patrick, c’est un mélange entre l’univers absurde de mes BD et les histoires d’adolescents de Riad. J’en suis assez fier !
Ce qui me touche chez lui, c’est cette faculté de s’adresser à tout le monde. Il touche à l’universel. Par exemple, ma belle-mère, qui ne lit pourtant pas de BD, adore Riad Sattouf ! Il sait aborder des choses graves et poignantes avec beaucoup d’humour. Il a un talent d’écriture inouï. Par moment, il me fait penser à Marcel Proust, dans sa manière de retranscrire les souvenirs avec beaucoup d’exactitude. Cela a déjà été dit à de nombreuses reprises, mais c’est vrai : Riad est un observateur de notre époque exceptionnel.
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