Chronique

Appartient au dossier : Rentrée littéraire 2015

Exofictions #1 : La Septième Fonction du langage

L’exofiction se saisit d’un personnage célèbre et retrace le fil de sa vie pour en retirer ce qu’il a d’exemplaire, ce qu’il peut nous dire de l’humain ; mais certains auteurs préfèrent prendre des chemins de traverse, et profitent plutôt de béances dans la réalité historique pour faire entrer de la fiction dans le réel.

Couverture La Septième Fonction du langage
A la Bpi, niveau 3, 840″20″ BINE 4 SE

C’est le cas de Laurent Binet, qui imagine dans La Septième Fonction du langage une enquête autour de la mort de Roland Barthes. Celui-ci, fauché par une camionnette au sortir d’un déjeuner avec François Mitterrand, aurait été assassiné. Une idée a priori farfelue qui permet à Binet de se glisser dans le petit monde des intellectuels du Saint-Germain-des-Prés du début des années 80. Foucault, Derrida, Deleuze, Sartre, Sollers, Kristeva, Eco, tous – et bien d’autres, traités par le romancier avec une joyeuse irrévérence – défilent devant le commissaire Bayard et son assistant Simon Herzog, jeune universitaire mêlé bien malgré lui à l’affaire.

La Septième Fonction du langage est d’abord une machine bien huilée, un véritable jeu de massacre qui n’a rien à envier, par sa construction à tiroirs, à certains romans d’Umberto Eco. L’enquête survole les subtilités les plus retorses de la sémiologie et du structuralisme, nous entraîne au Logos Club, un “Fight Club” du discours où s’affrontent les plus vaillants rhéteurs du globe… Si meurtre il y a, son mobile tourne autour du langage, et de la faculté de celui-ci à asseoir le pouvoir de celui qui l’utilise.

Binet ne manque pas, lui-même, de souligner le pouvoir qu’il exerce sur le lecteur. Après l’avoir appâté avec une intrigue captivante, il ne manque pas une occasion de dévoiler les mécanismes du roman, de jeter le doute sur la fiction comme sur ses bases réelles. Une malicieuse douche froide qui vient nous rappeler régulièrement que nous sommes les jouets d’une réjouissante farce, et qui contamine jusqu’aux personnages du roman, qui s’interrogent sur la réalité de leur propre existence. Par ce va-et-vient constant, Binet dynamite les éternels questionnements liés à l’exofiction comme à l’autofiction (où s’arrête la vérité, où commence la prise de libertés ?)  et nous ramène au pur et simple plaisir du texte – comme quoi Roland Barthes n’est jamais loin.

Publié le 30/09/2015

Sélection de références

Kafka à Paris

Kafka à Paris

Mauméjean, Xavier
Alma éditeur, 2015

Franz Kafka se rend à Paris en 1911, en compagnie de son ami Max Brod. De ce voyage de quelques semaines, il ne dira presque rien, même dans ses journaux. Xavier Mauméjean s’invite dans cette lacune biographique et invente aux deux compères une aventure rocambolesque dans le Paris bohème de la Belle Epoque. En Laurel et Hardy praguois, Kafka et Brod sont assez différents de leur image habituelle, mais les libertés que prend l’auteur ne l’empêchent pas de livrer un portrait original et vibrant de Kafka, romancier en devenir.

A la Bpi, niveau 3, 840″20″ MAUM

La dernière nuit du raïs

Khadra, Yasmina
Julliard, 2015

L’auteur des Hirondelles de Kaboul et de l’Attentat se glisse dans la peau de Mouammar Khadafi, quelques heures avant sa mort. De flashbacks en moments d’introspection, Khadra recompose la vie du dictateur, mêlant faits avérés et anecdotes romanesques au cours de cette nuit peuplée des fantômes du passé. Avec sa construction très resserrée, la Dernière Nuit du Raïs évoque une tragédie où se donnent à voir toutes les facettes d’un personnage insaisissable, troublant et monstrueux.

A la Bpi, niveau 3, 846.1 KHAD

Roland Barthes "Le Plaisir du texte"

Roland Barthes "Le Plaisir du texte"

Roland Barthes interviewé chez lui pour son dernier livre « Le Plaisir du texte ». Il explique le titre de son livre, parlant de la notion du plaisir, insistant sur la différence subtile entre la jouissance et le plaisir de la lecture. Il définit l’érotisme comme étant un investissement amoureux dans un objet quel qu’il soit, comme le texte. L’auteur explique pourquoi le plaisir est de droite et veut montrer aux gens de gauche qu’il n’y a pas contradiction entre l’engagement social, politique du texte d’une part, et d’autre part, son pouvoir de plaisir, son pouvoir érotique. Il donne sa conception de l’écrivain. Il dit ne pas aimer le stéréotype et reconnait une valeur de purification à ce qui est nouveau.

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