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Appartient au dossier : Le féminisme a de l’avenir

Fanzines de grrrls

Un fanzine est un petit journal réalisé par des passionnés dans un cadre non-professionnel. Depuis plus de trente ans, seules ou collectivement, des femmes utilisent cet espace d’expression pour transmettre des expériences et porter des revendications.

Les premiers fanzines apparaissent aux États-Unis à partir des années trente chez les adolescents amateurs de science-fiction. Le phénomène s’amplifie dans les années soixante-dix, au sein de la scène punk rock qui se développe intensément aux États-Unis, au Royaume-Uni et, plus tardivement et dans une moindre mesure, dans le reste de l’Europe.

Les fanzines sont distribués chez des disquaires, dans des salles de concert, des librairies indépendantes, sur des salons, et circulent de la main à la main au sein de réseaux, en marge de la culture dominante.

Les fanzines reposent sur une démarche Do It Yourself : ils véhiculent l’idée que tout le monde peut se saisir de ce concept facile à réaliser et peu coûteux. Les auteurs y expriment avec une grande liberté de ton leurs opinions, qui, dans le cas des fanzines musicaux, s’inscrivent dans le sillage des musiques contestataires auxquels ils sont liés : critiques à l’égard des institutions et du système établi, de la morale, ou encore du capitalisme.

couverture du fanzine Tampix
 Tampix n°1, fanzine collectif, couverture Mme Gruiikkk, 1999, DR

Révolution, création et expression

Au début des années quatre-vingt-dix aux États-Unis, le mouvement Riot Grrrl émerge et prend rapidement de l’ampleur. Il rassemble des groupes de punk rock féminins peu représentés jusqu’alors et méprisés au sein de la scène musicale. Collectivement, ces femmes se rendent visibles et portent des revendications. Elles s’élèvent entre autres contre l’industrie musicale dominante et militent pour une juste représentation des femmes sur une scène largement dominées par des hommes.

Musiques punk et fanzines deviennent alors des modes d’expression et de création indissociables au sein des Riot grrrls. Parmi les nombreuses publications, on peut citer Jigsaw (1988), Girls Germ (1990) ou Bikini Kill (1991).

Aux États-Unis, comme dans les pays francophones, le développement du fanzinat complète et diversifie la production de brochures informatives qui circulent au sein de groupes féministes depuis les années soixante-dix. Ce nouveau support encourage spontanément une libération de la parole. L’emploi fréquent de la première personne du singulier et le ton complice et libre des textes contribuent à créer un lien solide avec les lectrices appartenant aux mêmes réseaux.

Proposant une pluralité de genres (poésie, fiction, pamphlet, illustration), ces publications font entendre des récits basés sur des expériences intimes et soulèvent, au-delà de la musique, des questions politiques comme les violences domestiques (Les Violences domestiques, 2007), les sexualités (La Poilue, 1993 ; Trompez votre copain, 1994), la santé (Cyprine Mag, 2008) ou, de manière transdisciplinaire, les discriminations, le racisme, la critique du patriarcat et des normes (Snack Attack, 1992 ; Les Sorcières, 1999).

couverture du fanzine Big up
Big up Girls ! n°5, Mélanie Bonnet, 2015, DR

Transmettre les expériences

Toujours dans une démarche Do It Yourself, les fanzines féministes donnent à voir BD, collages, photomontages, textes manuscrits ou découpés, dessins, etc. et parodient parfois les magazines féminins traditionnels (Tampix, 1999 ; Crève charogne, 2014). À travers des formats singuliers, les productrices de fanzines s’autorisent à créer et s’approprient un espace de libre expression.

L’arrivée de l’ordinateur personnel dans les foyers et des logiciels de publication assistée par ordinateur modifient légèrement les modes de production, mais de nombreuses parutions artisanales demeurent. Elles témoignent d’un attachement fort à l’objet, qui permet de faire passer les savoirs et les expériences subjectives directement d’une autrice à une lectrice ou d’une lectrice à une autre. Le numérique sert alors davantage à promouvoir l’objet mais ne le remplace pas. Par ailleurs, en fabriquant des fanzines, leurs productrices ciblent leur diffusion au sein de communautés choisies. Elles entretiennent ainsi l’aspect confidentiel qui participe au succès de ces publications.

Des fanzines féministes sont encore fabriqués aujourd’hui. Certains paraissent régulièrement, d’autres occasionnellement. Des numéros sont reproduits de nombreuses années après leur première parution. Il est difficile de tous les identifier et de les recenser, même si le Barnard College de l’Université de Columbia tient depuis 2004 un fonds dédié, au sein de sa bibliothèque, dans une démarche de patrimonialisation. Au moins 11 000 exemplaires y sont comptabilisés.

Depuis le début des années deux-mille, les fanzines francophones s’emparent de sujets contemporains, notamment des questions queer et de transidentités (Scums Girls, 2002 ; It’s Been Lovely But I Have To Scream Now, 2017). Parallèlement, les inépuisables thématiques abordées au fil des décennies – le corps (Le Poil et la Bête, 2016), les règles (Ragnass, 2010 ;  Psychoses Menstruelles, 2019), les rapports de domination (La Choriza, 2008 ; The Beginning of my Witchcraft Experience as a Feminist Dyke, 2015), la sexualité (Minette, 2009 ; Galantes, 2014),  la musique (Big Up Girls !, 2015 ; Post Concert Angst, 2016) – continuent de nourrir des récits autant personnels que politiques.

Où lire des fanzines ?

Le Fanzinarium, 48 rue des Vignoles 75020 Paris 
La Fanzinothèque, 185 Rue du Faubourg du Pont Neuf 86000 Poitiers

Publié le 11/01/2021 - CC BY-NC-SA 4.0

Pour aller plus loin

Fanzines : la révolution du DIY

Teal Triggs
Pyramyd, 2010

À la Bpi, niveau 2, 07.9 TRI

Riot grrrls : chronique d'une révolution punk féministe

Manon Labry
Zones, 2016

À la Bpi, niveau 3, 780.65(091) LAB

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F comme fanzines... par Émilie Mouquet | Bulletin des bibliothèques de France (2015)

Un peu d’histoire et une sélection de fanzines, pour le Bulletin des bibliothèques de France (BBF) n°6, 2015.

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