Sélection

Francis Bacon vu par des écrivains et des intellectuels

Balises vous propose de découvrir quels regards portent les écrivains Milan Kundera, Philippe Sollers ou Frank Maubert sur Francis Bacon.

affiche de l'exposition Bacon en toutes lettres
Le catalogue de l’exposition au Centre Pompidou

Parmi ses contemporains, Michel Leiris est l’écrivain qui fut le plus proche de Francis Bacon. Traducteur en français des entretiens du peintre avec David Sylvester, entretiens qui restent une référence incontournable pour éclairer l’œuvre et le personnage de Bacon, Michel Leiris est aussi le seul avec lequel Bacon imagina la conception d’un ouvrage illustré (Miroir de la Tauromachie, publiée en 1990). 

Francis Bacon se plia quelques fois à l’exercice de l’entretien, plus généralement avec des amis. Il conversa ainsi avec des écrivains tels que Milan Kundera, Philippe Sollers, Frank Maubert…
Balises vous propose de découvrir quels regards portent ces intellectuels sur Francis Bacon.

Publié le 03/12/2019 - CC BY-SA 4.0

Sélection de références

Avec Bacon

Avec Bacon

Franck Maubert
Gallimard, 2019

Rédacteur en chef de Globe à sa création, critique d’art à L’Express dans les années quatre-vingt, Franck Maubert est l’initiateur avec Thierry Ardisson des émissions Bains de minuit et Paris dernière. Passionné d’art, il s’est spécialisé dans la peinture du 20e siècle. Il rencontre plusieurs fois Francis Bacon qu’il admire beaucoup, disant de lui qu’il « incarnait, plus que tout autre artiste, la « peinture ». »

Il aime à raconter la relation qu’il entretenait avec Bacon et ce livre lui rend un bel hommage :

« Dans les années quatre-vingt, je l’ai rencontré à plusieurs reprises. À Londres, tout d’abord, dans son atelier de South Kensington, puis en diverses occasions, lors de ses passages à Paris. Nous conversions aussi parfois au téléphone, tôt le matin. Il parlait en toute liberté, sans tabou, de tout et de choses sans importance. Bacon adorait parler, parler l’excitait. Je l’observais, l’enregistrais, prenais des notes, rien ne le gênait. Ce livre retrace ces moments rares partagés avec Bacon, joyeux nihiliste, et éclaire l’homme exquis qu’il fut, loin de sa réputation de « monstre » ».

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ BACO

Francis Bacon : Logique de la sensation

Gilles Deleuze
Éditions du Seuil, 1981

Gilles Deleuze (1925 – 1995) est philosophe. Des années soixante jusqu’à sa mort, Deleuze a écrit une œuvre philosophique influente et complexe, à propos de la philosophie elle-même, de la littérature, de la politique, de la psychanalyse, du cinéma et de la peinture. Jusqu’à sa retraite en 1988, il fut également un professeur de philosophie renommé. Gilles Deleuze a exploré notamment les ruptures survenues en peinture en s’appuyant sur l’œuvre de Francis Bacon, célèbre pour ses corps aux chairs diluées et ses personnages isolés dans des espaces clos.

« Pitié pour la viande ! Il n’y a pas de doute, la viande est l’objet le plus haut de la pitié de Bacon, son seul objet de pitié, sa pitié d’Anglo-Irlandais. Et sur ce point, c’est comme pour Soutine, avec son immense pitié de Juif. La viande n’est pas une chair morte, elle a gardé toutes les souffrances et pris sur soi toutes les couleurs de la chair vive. Tant de douleur convulsive et de vulnérabilité, mais aussi d’invention charmante, de couleur et d’acrobatie. Bacon ne dit pas «pitié pour les bêtes» mais plutôt tout homme qui souffre est de la viande. La viande est la zone commune de l’homme et de la bête, leur zone d’indiscernabilité, elle est ce «fait», cet état même où le peintre s’identifie aux objets de son horreur ou de sa compassion. Le peintre est boucher certes, mais il est dans cette boucherie comme dans une église, avec la viande pour Crucifié («peinture» de 1946). C’est seulement dans les boucheries que Bacon est un peintre religieux.»  Gilles Deleuze

L’étude de Gilles Deleuze Logique de la sensation présente différents aspects des œuvres du peintre, expliquant ses figures et ses techniques comme moyen antireprésentatif, antifiguratif. Dans une première partie, il montre que Bacon cherche à rendre visible la sensation. Puis dans une seconde partie, Deleuze compare la peinture de Bacon à celle d’autres artistes d’hier ou d’aujourd’hui.

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Francis Bzcon au scapel des lettres françaises

Francis Bacon au scalpel des lettres françaises

Didier Ottinger et Anna Hiddleston
Éditions du Centre Pompidou, 2019

Dès sa première exposition parisienne en 1957 à la Galerie Rive Droite, Francis Bacon a bénéficié d’une extraordinaire réception auprès des romanciers, philosophes et critiques d’art français alors fascinés par la lecture de Sade, Nietzsche et Bataille. Cette anthologie, qui réunit seize auteurs d’horizons très divers, témoigne d’une fortune critique et littéraire exceptionnelle.

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Francis Bacon, face et profil

Michel Leiris
Hazan, 1983

Michel Leiris (1901-1990), poète et écrivain dans la mouvance puis dans la dissidence surréaliste, devient ethnologue presque par accident. Ainsi fit-il, en quelque sorte, de lui-même son objet d’étude, avec La Règle du jeu (1948-1976), sa plus vaste entreprise autobiographique. L’art est omniprésent dans ses écrits comme en témoignent ses nombreux textes sur les peintres qu’il aimait, mais aussi ses textes ethnographiques ou littéraires.

Michel Leiris et Francis Bacon ne se ressemblaient pas. L’un est sérieux et ordonné, l’autre débauché et subversif. Pourtant ils s’apportèrent beaucoup et leur amitié fut incroyablement forte.

Dans cet ouvrage, Michel Leiris dresse le portrait du peintre et analyse son travail. En peignant des corps déformés et en utilisant des couleurs acides, les œuvres de Bacon représentent l’inadaptation des êtres au monde. Il traque, dans l’art de Francis Bacon, ses pensées les plus sombres autour de la part d’animalité dans l’homme et de la violence du monde, qui vont amener l’artiste à « peindre le cri plutôt que l’horreur ».

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Les Passions de Francis Bacon

Philippe Sollers
Gallimard, 1996

Philippe Sollers est écrivain et l’un des fondateurs de la revue Tel Quel, en 1960, qui défend les auteurs alors méconnus ou controversés tels que Derrida, Foucault ou Barthes. Il a publié de nombreux romans – dont Le Parc (Le Seuil, prix Médicis 1961) –, ainsi que des monographies, livres d’entretiens, biographies et essais.

Philippe Sollers et Francis Bacon sont tous les deux autodidactes. Ils ont chacun un rapport au corps très particulier. Francis Bacon en fait l’élément central de son œuvre tandis que Philippe Sollers l’a mis en danger toute sa vie.
L’écrivain est fasciné par Francis Bacon et sa « monumentale impassibilité en éveil ». Il partage avec lui une même interrogation sur ce que l’acte de création peut produire sur le spectateur/lecteur.

« Francis Bacon est, avec Picasso, le plus grand peintre du vingtième siècle, un siècle qui s’est surpassé en massacres, tortures et horreurs.
La peinture, après cette épreuve de fond, était-elle encore possible ? N’allait-elle pas devenir une décoration inutile, une abstraction, une illustration ? Bacon répond non à cet affaissement diffus de l’art. Il contre-attaque en pleine figure, avec une énergie qui ne peut être comprise qu’à travers la grande poésie, celle des tragiques grecs, celle de Shakespeare. De façon complètement imprévue, c’est bien un peintre anglais qui, après la Deuxième Guerre mondiale, reprend le flambeau.
L’art, on l’oublie trop dans l’animation « culturelle » ambiante, est d’abord une guerre. Il n’a besoin d’aucune prédication, d’aucun espoir. Il est, dit Bacon, « optimiste à propos de rien. » Le génie de ce joueur libre le prouve.»

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Triptyque : trois études sur Francis Bacon

Jonathan Littell
Gallimard, 2011

Jonathan Littell est un écrivain franco-américain. Il a reçu le Prix Goncourt en 2006 pour son roman Les Bienveillantes. Romancier de l’extrême, reporter, essayiste, observateur de la violence de la réalité sociale et politique telle que le nazisme, les dominations, les pulsions sexuelles, son œuvre frôle celle de Bacon. Il prétend avoir un autre point commun avec Francis Bacon : aimer se promener au Musée du Prado à Madrid.

À l’image des célèbres triptyques de Bacon, ce livre est divisé en trois parties, à la fois indépendantes et complémentaires. La première est une balade dans ce musée en compagnie de la commissaire et conservatrice, Manuela Mena, qui a par ailleurs bien connu Francis Bacon. Jonathan Littell décortique certains tableaux de l’artiste en regard des œuvres qu’il affectionnait et qui l’ont inspiré dans ce musée qu’il aimait fréquenter, seul, les jours de fermeture : Velasquez, Le Greco, Goya, Poussin. La deuxième décèle des correspondances cachées entre les figures que peint Bacon au cours de sa carrière. Les portraits éblouissants de l’amant de Bacon, George Dyer, peints avant et après son suicide en 1971, forment le fil conducteur de cette réflexion. La troisième met en perspective la peinture de Bacon et la peinture des icônes, pour aborder la question de la représentation de la vérité en peinture.

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