Appartient au dossier : Harutyun Khachatryan, cinéaste de la vérité
Harutyun Khachatryan : la violence sans filtre
Les Entretiens Balises
Harutyun Khachatryan montre la violence pour mieux la condamner. Le réalisateur arménien explique, dans le premier épisode d’un entretien accordé à Balises, sa manière de la mettre en images.

Les images d’archives du pogrom de Soumgaït du 27 février 1988, avec des cadavres de civil·es arménien·nes dans Return to the Promised Land (1991), des chiens abattus sauvagement et l’accouchement de deux nourrissons morts nés dans Documentarist (2003), ou encore le veau tué par des hommes dans Border (2009) … Dans les documentaires de Harutyun Khachatryan, certaines séquences sont d’une extrême violence. Mais, pour le réalisateur, « les films ont ce pouvoir de forcer les gens à réfléchir sur ces sujets inquiétants pour que la violence cesse d’être une normalité ».
« Mon pays, mon peuple ont enduré des atrocités d’une inhumanité absolue et pour que je puisse révéler combien il est difficile de garder en soi le désir de vivre, de se ré-enraciner, de reconstruire une famille, un village, une ville et de continuer à espérer, il m’a fallu montrer les épreuves qu’ils ont traversées, les cruautés qu’ils ont connues. »
Harutyun Khachatryan
L’histoire du peuple arménien est celle de générations d’hommes et de femmes marquées par le génocide de 1915, des massacres, des persécutions, dont l’œuvre du cinéaste se fait l’écho. Les images, les dialogues mais aussi les silences, la musique sont les matériaux filmiques pour dire l’inacceptable.
La violence peut être physique, mais aussi verbale et s’imprimer dans une approche cinématographique. Harutyun Khachatryan, toujours soucieux de ne pas heurter celles et ceux qu’il filme, parle de sa démarche de documentariste : « Je me considère plus comme un psychologue qu’un réalisateur. » Sa caméra saisit toujours avec délicatesse et sensibilité les histoires que ses interlocuteur·rices lui confient.
Cet entretien a été enregistré au Centre Pompidou le 10 octobre 2025.
Traduction : Ani Muradyan.
Réalisation : Anne Bléger.
Direction artistique et technique : Jérémy Knittel.
Image et son : Jérémy Knittel et Claire Lelièvre.
Extraits des films d’Harutyun Khachatryan :
Return to the Promised Land (1991) © Harutyun Khachatryan / ArmenFilm.
Documentarist (2003) © Harutyun Khachatryan / ArmenFilm.
Border (2009) © Harutyun Khachatryan / Golden Apricot FCD / Volya Films.
Three Graves of the Artist (2022) © Harutyun Khachatryan / Ruben Khachatryan / Golden Apricot FCD.
Crédits musiques :
Avet Terteryan (Border ; Return to the Promised Land).
Anahit Kesayan (Documentarist).
Mikayel Stambolstyan ; Hayk Israelyan (Three Graves of the Artist).
La Bpi remercie chaleureusement le réalisateur Harutyun Khachatryan, mais aussi Ani Muradyan, interprète chargée de la traduction de l’entretien en français-arménien. Les productions ArmenFilm / Parev / Hayfilm Studio / Golden Apricot FCD / Volya Films ainsi qu’Olivia Cooper-Hadjian, chargée de programmation de la Cinémathèque du documentaire par la Bpi.
Publié le 17/12/2025 - CC BY-SA 4.0
Pour aller plus loin
La Tragédie de Soumgaït. Un pogrom d'Arméniens en Union soviétique
Samuel Chahmouradian
Seuil, 1991
Pendant trois journées de février 1988, la ville de Soumgaït, dans la République socialiste soviétique d’Azerbaïdjan, a connu un véritable génocide. La population arménienne chrétienne a été sauvagement attaquée par les Azéris : des dizaines de tué·es, roué·es de coup, torturé·es et brûlé·es vif·ves, des femmes et des adolescentes violées, des centaines d’appartements pillés, saccagés et détruits.
Le drame de Soumgaït n’est pas seulement racial, il est également politique. C’est celui que posent toutes les ethnies des diverses composantes des républiques de l’URSS.
En condamnant les pogroms de Soumgaït, des savant·es soviétiques ont écrit : « Depuis les férocités staliniennes, il ne s’est rien passé dans notre pays qui nous ait rejetés aussi loin en arrière, de la civilisation à la sauvagerie. »
C’est le tableau atroce de cette sauvagerie que nous vous présentons d’après les récits des survivant·es.
À la Bpi, 947.4 TRA
Le Génocide arménien
Anne Dastakian
La Mascara, 2005
100 questions pertinentes répondant à 100 questions sur le génocide des Arménien·nes.
À la Bpi, 947.41 DAS
Penser un cinéma de la diaspora arménienne (1991-2017). Les Ombres des ancêtres oubliés
Garance Fromont
L'Harmattan, 2022
À partir de douze œuvres sorties entre 1991 et 2017 et mêlant reconstitutions historiques ou témoignages, l’autrice expose la façon dont les films de la diaspora arménienne investissent le champ cinématographique pour constituer une mémoire collective. Elle aborde notamment l’exil, la résilience, le deuil ou l’espoir d’obtenir justice. © Électre 2022
À la Bpi, 791.044 FRO
Violences en cours. Psychanalyse, cinéma, politique
Jean-Jacques Moscovitz (dir.)
Éditions Érès, 2017
L’art cinématographique fait lien entre deux pratiques de discours l’une, la psychanalyse, par l’expérience de la parole de sujet, et l’autre par les images qui bougent et parlent pour en interpeller une troisième, celle du politique pour faire face au vacarme du monde. Entre cinéma, politique et psychanalyse surgit l’effet de scandale propre au sujet de l’inconscient. © Électre 2017
À la Bpi, 153 VIO
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