Sélection

Appartient au dossier : Helga Reidemeister, destins documentaires

Histoire(s) des films documentaires allemands

Le genre documentaire a, en Allemagne, une histoire longue et mouvementée. Balises vous propose une sélection d’ouvrages pour la découvrir alors que la Cinémathèque du documentaire à la Bpi consacre, en juin 2022, une rétrospective à la documentariste allemande Helga Reidemeister.

L’histoire du cinéma documentaire allemand est un prisme incontournable pour raconter celle du pays au 20e siècle, du Troisième Reich à la réunification en passant par la guerre froide. Avant la Seconde Guerre mondiale, le cinéma allemand est principalement connu pour ses fictions, bien que quelques documentaires de référence voient le jour, tels que Berlin, symphonie d’une grande ville (1927) de Walter Ruttmann. Pendant les années trente et quarante, le Troisième Reich commande de nombreux films documentaires de propagande aux budgets conséquents, permettant notamment à Leni Riefenstahl de déployer des idées cinématographiques grandioses au service d’une idéologie nauséabonde.

Après la guerre, deux courants documentaires voient le jour en Allemagne. En République démocratique allemande (RDA), la Deutsche Film AG (DEFA), studio cinématographique d’État fondé en 1946, dispose d’une école de cinéma, ainsi que d’un département documentaire qui produit plus de 2 000 films jusqu’à la dissolution du studio en 1992. De grands documentaristes y tournent, formalistes et attentifs à la réalité sociale de l’Allemagne de l’Est en reconstruction : Volker Koepp, Jürgen Böttcher, Barbara et Winfried Junge, Karlheinz Mund, Gitta Nickel, Kurt Tetzlaff, Karl Gass… En 1955 est fondé DOK Leipzig, le Festival international du film documentaire et du film d’animation de Leipzig.

Côté Ouest, en République fédérale d’Allemagne (RFA), un nouveau cinéma allemand voit le jour à partir de la signature du Manifeste d’Oberhausen par de nombreux cinéastes, en 1962. Des réalisateurs qui adopteront tous une démarche documentaire de manière ponctuelle ou récurrente, tels qu’Alexander Kluge, Volker Schlöndorff, Werner Herzog, Peter Fleischmann, Rainer Werner Fassbinder et Wim Wenders, défendent un cinéma d’auteur contre le cinéma commercial, ainsi qu’un cinéma reflétant la réalité sociale allemande, contre le cinéma apolitique des années cinquante.

Dans les année soixante-dix, de nouveaux documentaristes, eux aussi attentifs aux enjeux sociaux, tournent leurs premiers films, à l’image de Helga Reidemeister ou, un peu avant elle, Peter Nestler. À la même époque, Harun Farocki entame sa carrière de réalisateur, riche d’une intense réflexion sur le statut des images. Comme le pays, le genre documentaire allemand ne cesse de se réinventer.

Publié le 20/06/2022 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

La Vision nazie de l'histoire : le cinéma documentaire du Troisième Reich

Christian Delage
L'Âge d'homme, 1989

Dans cet ouvrage issu de sa thèse de doctorat en histoire, le théoricien du cinéma Christian Delage étudie le rôle du cinéma documentaire dans la propagande nazie. Pour ce faire, il met en avant les représentations travaillées au sein d’un corpus de 250 films : cosmogonie nazie fondée sur la forêt primitive et la loi du plus fort, recherche d’une cohésion nationale en définissant un terroir et en élargissant les frontières du Reich, images d’une communauté populaire jeune, rurale et ouvrière, et détournement du patrimoine artistique.

Christian Delage conclut que les nazis ont principalement fondé leur propagande sur la force d’évocation et de persuasion des images. En apportant grand soin à l’esthétique documentaire, ils usent d’un genre qui allie vraisemblance et émotion, propre à accentuer l’identification des spectateurs. L’auteur souligne que le cinéma est particulièrement enclin à exalter l’enracinement dans un passé magnifié et le retour au pays natal sur lesquels le Troisième Reich se fonde, car il est à même de mettre en scène des récits mythiques, intemporels. Il remarque que c’est d’ailleurs dans le cinéma documentaire que se prolonge, à partir de 1942, un idéal culturel dont l’échec devient, à cette époque, patent dans la réalité.

À la Bpi, niveau 3, 791.23(4) DEL

L'Âge d'or du documentaire : Europe, années cinquante

Roger Odin (dir.)
L'Harmattan, 1998

Les années cinquante voient l’essor du genre documentaire en Europe. Dans le chapitre consacré à l’Allemagne, l’historien de l’audiovisuel Peter Zimmermann met en évidence le retour du documentaire dans le pays, après que les films de propagande nazis ont nui à sa réputation.

En RDA, Zimmermann explique que la DEFA, le studio cinématographique d’État, produit, dès sa création en 1946, des documentaires ainsi que des actualités cinématographiques, sous le titre Le Témoin (Der Zeuge). La ligne directrice consiste à décrire avec réalisme le quotidien de la population. Cependant, les films tendent rapidement à adopter un point de vue socialiste, qu’ils traitent de politique et de la reconstruction du pays, ou célèbrent les réussites de l’URSS. Dans les années cinquante, la télévision d’État prend le relai, diffusant notamment de nombreux documentaires anticolonialistes. Cela donne aux documentaires cinématographiques de la DEFA la liberté d’adopter des points de vue et des démarches plus sobres, dans la lignée du cinéma direct.

En Allemagne de l’Ouest, les actualités cinématographiques d’après-guerre servent elles aussi la propagande, du côté occidental. Les Kulturfilme, c’est-à-dire les films documentaires, prennent le contrepied en proposant des sujets légers – voyages, visites de monuments, vie des animaux… – sans recherche esthétique particulière. À la télévision, les documentaires défendent une vision libérale et capitaliste de la reconstruction des villes, et majoritairement colonialiste des guerres d’indépendance en cours. À partir de 1958, la série documentaire Signes des temps (Zeichen der Zeit) montre néanmoins la réalité sociale de la RFA puis, à partir de 1961, le magazine Panorama propose un nouveau style de documentaires d’investigation qui influencera le genre dans les années soixante.

À la Bpi, niveau 3, 791.23(4) AGE vol.1

Cinéma et guerre froide : histoire du festival de films documentaires de Leipzig (1955-1990)

Caroline Moine
Publications de la Sorbonne, 2014

Caroline Moine retrace dans cet ouvrage l’histoire et les enjeux du festival international de films documentaires créé en 1955 à Leipzig, en RDA. Elle raconte d’abord les origines est-allemandes du festival en analysant le contexte de la création documentaire dans le pays, puis l’ouverture progressive du festival à l’international. Les crises et les prises de position des éditions successives sont expliquées, notamment par la manière dont les films sélectionnés ont été reçus. Caroline Moine analyse enfin comment le festival est devenu, au moment de la réunification, l’une des seules institutions culturelles à ne pas s’effondrer.

À la Bpi, niveau 3, 791.23(4) MOI

Geschichte des dokumentarischen Films in Deutschland

Uli Jung, Peter Zimmermann, Haus des Dokumentarfilms
Reclam, 2005

Une histoire, en allemand, du cinéma documentaire en Allemagne, de la naissance du cinéma à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Volume 01 : Kaiserreich, 1895-1918
Volume 02 : Weimarer Republik, 1918-1933
Volume 03 : Drittes Reich, 1933-1945

À la Bpi, niveau 3, 791.23(4) GES Vol. 01, 02 et 03

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet