Au cœur de l’exposition consacrée à Jean Echenoz, des élèves du Conservatoire national supérieur d’art dramatique (CNSAD) donnent vie aux romans de l’écrivain à travers une série de lectures à haute voix. Evelyne Loew nous explique comment elle a travaillé les textes de Jean Echenoz pour les adapter à ce dispositif.
Quels sont les romans lus dans l’exposition ?
Trois romans ont été sélectionnés en collaboration avec Jean Echenoz, en essayant de rendre compte des différents aspects de son œuvre. Le choix s’est ainsi porté sur Lac, Courir et Envoyée spéciale. Mon rôle a été de travailler à l’adaptation de ces textes dans l’optique d’une lecture mise en scène. Il ne s’agit pas d’une lecture brute mais d’un montage d’extraits du roman qui rendent vivants le récit et les personnages. Ces trois romans représentent donc trois défis différents.
Comment avez-vous adapté ces romans à une lecture oralisée ?
J’ai commencé par lire tous les romans de Jean Echenoz. Ensuite, j’ai relu, annoté, découpé, monté les romans choisis pour en proposer une version adaptée à une lecture à haute voix d’une demi-heure. Il fallait rendre compte du style d’Echenoz et investir des espaces de dialogue. Comme il est impossible de donner toute la narration, j’ai choisi des scènes qui peuvent accrocher les spectateurs. Il faut être incisif et concis au théâtre, d’ailleurs l’écriture de Jean Echenoz est très incisive. Pour Courir, j’ai privilégié les moments historiques qui placent Zátopek dans le contexte de l’époque, dans son rapport complexe à l’histoire de son pays. Il était plus difficile de rendre compte de Lac car l’intrigue foisonne de personnages et de rebondissements. Je me suis centrée sur cinq personnages, il y aura une sorte de puzzle à reconstituer. Envoyée spéciale comporte également beaucoup d’actions, de surprises et de suspense. J’ai choisi deux moments insolites et inattendus : la séquestration dans la Creuse et le passage de la frontière la plus dangereuse du monde en Corée du Nord. J’adore les digressions d’Echenoz. Avec lui on apprend beaucoup de choses, mais dans cet exercice où la brièveté s’imposait, j’ai pensé au public et en premier lieu à la compréhension du récit et à la cohérence des personnages.
Comment les comédiens vont-ils incarner ces lectures ?
Je n’ai pas rencontré les comédiens. Robin Renucci, qui met en scène les lectures et fait répéter les comédiens-élèves dans le cadre de ses cours au CNSAD, a composé trois groupes de cinq élèves. L’incarnation se fait par le travail de conteur, d’élocution, d’interprétation et de présence, pas par une ressemblance éventuelle avec ce que l’on peut imaginer de tel ou tel personnage à partir de la description qu’en fait Jean Echenoz. Cela créera à coup sûr un décalage intéressant, parfois humoristique. Par exemple, dans Courir, Zátopek sera tour à tour incarné par un grand, un petit, un homme, et une femme, qui finalement renverront aux différentes facettes de sa personnalité.
Quelle réaction attendez-vous de la part du public ?
L’objectif au théâtre est le même depuis Molière : séduire ! Il est atteint lorsque les gens passent la tête, tendent l’oreille, puis restent pour suivre les comédiens. Que recherche-t-on ? Que le public soit accroché, que la curiosité soit aiguisée, et que les personnes qui auront suivi ces lectures aient envie de lire, encore et encore, Jean Echenoz.
Article paru initialement dans de le numéro 25 de de ligne en ligne.
Sélection de références
Courir
Jean Echenoz
Minuit, 2008
Emile s’initie à la course, et s’entraîne tellement que cela devient une obsession de performance. Il veut être l’homme qui court le plus vite sur Terre. On reconnaîtra dans ce personnage romanesque la figure mythique d’Emil Zatopek, le célèbre athlète tchèque.
À la Bpi, niveau 3, 840″19″ ECHE 4 CO
Envoyée spéciale
Jean Echenoz
Minuit, 2016
Une bande de barbouzes quelque peu désorganisés, un général sur le retour qui rêve d’un dernier grand coup, une jeune ingénue qui n’a rien demandé, et certainement pas qu’on l’envoie jouer les mouchardes en Corée du Nord… Tous les ingrédients sont là pour renouer avec la veine du roman d’espionnage rocambolesque, premier amour de Jean Echenoz.
Plus de vingt ans après Lac ou Cherokee, Echenoz démontre à nouveau sa virtuosité narrative : dans la folle machine qu’est Envoyée spéciale, tout – et, à l’occasion, n’importe quoi – peut alimenter le moteur de l’action. Interventions furtives du narrateur, deus ex-machina insensés, clins d’œil auto-référentiels insistants… Pastiche goguenard et retors, Envoyée Spéciale conjugue la malice pince-sans-rire du jeune Echenoz à l’impeccable maîtrise stylistique de l’œuvre de maturité.
À la Bpi, niveau 3, 840″19″ ECHE 4 EN
Lac
Jean Echenoz
Minuit, 1989
Franck Chopin est une taupe, un agent de renseignement français dormant, réactivé ponctuellement par son agent de liaison, le Colonel Seck. Officiellement, il est entomologiste au Muséum national d’histoire naturelle à Paris. Cette spécialité lui a permis de développer un système d’écoute particulier en équipant des mouches avec des micros. Ce drôle d’espion voit sa vie basculer le jour où il croise Suzy. Cette rencontre va l’entraîner dans une série d’aventures rocambolesques.
À la Bpi, niveau 3, 840″19″ ECHE 4 LA
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