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Appartient au dossier : Prix littéraires : au-delà du Goncourt

Le prix Fénéon : le plus clairvoyant

Après plus de soixante ans d’existence, le prix Fénéon peut se vanter d’avoir aidé à révéler un grand nombre de jeunes talents devenus depuis des maîtres de la littérature, de Modiano à Jean Echenoz. Une bonne raison pour suivre, chaque année, les découvertes de son jury de professionnels.

Délibérations du jury du prix Fénéon en 2015
Délibérations du jury du prix Fénéon en 2015

Portant le nom du collectionneur et critique d’art Félix Fénéon, et fondé grâce à un capital légué par sa veuve à l’Université de Paris, le prix Fénéon échappe à tous les soupçons de pression des éditeurs et auteurs influents puisqu’il a vocation à récompenser de jeunes auteurs “âgés de 35 ans au plus et dans une situation modeste”. Son objectif est de permettre à ces jeunes pousses de poursuivre leur oeuvre plus aisément

Sous la présidence de François Weil, recteur de l’académie de Paris, il rassemble une dizaine d’auteurs parmi lesquels Edmonde Charles-Roux ou Pascal Commère. Ceux-ci remettent le prix chaque année en Sorbonne.

Doté d’un pendant destiné à récompenser un peintre ou un sculpteur, le prix Fénéon pourrait être, par son dispositif, voué à ne récompenser que des auteurs relativement obscurs. A lire la liste des lauréats depuis 1949, on réalise cependant, bien au contraire, que le prix Fénéon a souvent eu beaucoup de flair. Certes, on pourrait relever quelques ratés ; mais des auteurs aussi importants que Patrick Modiano, Jean Echenoz, Michel Butor, Hervé Guibert ou Jacques Roubaud – osera-t-on citer, encore une fois, déjà mentionné à propos des prix Wepler et Alexandre Vialatte, Eric Chevillard, décidément de tous les palmarès ? – ont été repérés très tôt, et parfois dès leur premier roman. Plus près de nous, on notera les noms de Tanguy Viel ou Jean-Baptiste Del Amo.

On surveillera donc avec la plus grande attention les prochaines publications du dernier lauréat, Miguel Bonnefoy qui, avec le Voyage d’Octavio, un récit rocambolesque et picaresque mettant en scène un bon gros géant, dans un esprit assez proche du réalisme magique cher aux écrivains sud-américains, s’est déjà attiré un certain succès d’estime. L’avenir dira si, encore une fois, le prix Fénéon a vu juste…

Publié le 18/11/2016 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

Des aveugles

Hervé Guibert
Gallimard, 1985

Lauréat 1985

Trois aveugles : la femme, le mari, l’amant. Comment ils se rencontrent, comment ils s’aiment, comment ils s’entre-tuent. Un récit d’épouvante, puisque c’est le mode de lecture préféré des aveugles.
Dans ce livre sans pitié, à la fois documentaire et fantasmagorique, les visions de l’obscurité définissent un nouveau système de voluptés et de frayeurs.

A la Bpi, niveau 3, 840″19″ GUIB.H 4 AV

La place de l'Etoile

La place de l'Etoile

Patrick Modiano
, 1968

Lauréat 1969

En exergue de cet étonnant récit, une histoire juive : « Au mois de juin 1942, un officier allemand s’avance vers un jeune homme et lui dit : « Pardon, monsieur, où se trouve la place de l’Étoile ? » Le jeune homme désigne le côté gauche de sa poitrine. » Voici, annoncé en quelques lignes, ce qui anime le roman : l’inguérissable blessure raciale.

Le narrateur, Raphaël Schlemilovitch, est un héros hallucinatoire. À travers lui, en trajets délirants, mille existences qui pourraient être les siennes passent et repassent dans une émouvante fantasmagorie. Mille identités contradictoires le soumettent au mouvement de la folie verbale où le Juif est tantôt roi, tantôt martyr et où la tragédie la plus douloureuse se dissimule sous la bouffonnerie. Ainsi voyons-nous défiler des personnages réels ou fictifs : Maurice Sachs et Otto Abetz, Lévy-Vendôme et le docteur Louis-Ferdinand Bardamu, Brasillach et Drieu la Rochelle, Marcel Proust et les tueurs de la Gestapo française, le capitaine Dreyfus et les amiraux pétainistes, Freud, Rebecca, Hitler, Eva Braun et tant d’autres, comparables à des figures de carrousels tournant follement dans l’espace et le temps. Mais la place de l’Étoile, le livre refermé, s’inscrit au centre exact de la « capitale de la douleur ».

A la Bpi, niveau 3, 840″19″ MODI 4 PL

L'absolue perfection du crime

L'absolue perfection du crime

Tanguy Viel
Minuit, 2001

Lauréat 2002

Marin, Andrei, Pierre, c’étaient tous des caïds.
Et dans ce monde de traîtres, leur disait l’oncle, pour que la “famille” survive, il faut frapper toujours plus fort. Alors quand Marin est sorti de prison, lui, le neveu préféré, il a dit : le hold-up du casino, ça nous remettrait à flot.

A la Bpi, niveau 3, 840″20″ VIEL 4 AB

Les trois Parques

Linda Lê
C. Bourgois, 2011

Lauréate 1997

Elles sont trois, réunies un dimanche après-midi dans une cuisine pleine d’odeurs alléchantes. La plus âgée, la Madone des Larmes, porte à la ceinture des clefs avec lesquelles elle ouvre toutes les maisons, où elle divague, gémit, tempête, réclame d’être aimée ; la seconde, la Sœur des Soupirs, ne se révolte plus, elle a jeté ses clefs, elle visite les parias et les vagabonds, elle se glisse auprès d’eux, les yeux baissés ; la plus jeune pose sur le monde un regard de tigre, elle n’a pas de clef, « quand il lui est permis d’approcher une porte, elle s’en empare d’assaut et l’enfonce ». La première nourrit de larmes l’inconsolé, la seconde donne le baiser au proscrit, la troisième le reçoit contre son sein pour le perdre à jamais.

A la Bpi, niveau 3, 840″19″ LE.. 4 TR

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