Autre signe d’engouement, les romans policiers trustent aujourd’hui souvent les premières places des bestsellers (voir les derniers livres de Fred Vargas, Paula Hawkins, Harlan Coben ou les représentants du « polar nordique »). Enfin, les librairies et bibliothèques ont considérablement développé leurs secteurs policiers, et on ne compte plus les salons spécialisés sur le sujet ou les prix littéraires qui leurs sont consacrés.
Depuis son émergence et son affirmation au cours du 19e et du 20e siècle — c’est-à-dire à une période qui voit la police se rationnaliser, le crime s’organiser, la littérature se segmenter et les lectorats se développer — le roman policier a considérablement changé. Difficile de lui trouver aujourd’hui une unité forte tant il a de formes (roman d’énigme, enquête policière, « detective novel », roman noir, roman policier historique, thriller, néopolar, etc.), sinon en rappelant que le contrat de lecture d’un roman policier stipule a minima crime (ou simple délit), noirceur, lisibilité et véracité (sous-entendu ici facilité relative à lire et impression de réalité). C’est ce que montrait une enquête réalisée en 2004 à partir d’entretiens approfondis avec des grands lecteurs et de grandes lectrices de romans policiers (Lire le noir, enquête sur les lecteurs de récits policiers).
On cherche, dans la lecture de ce type de romans, l’occasion de se distraire, une lecture a priori plus facile que celle des romans à caractère littéraire, mais on est également en quête d’une confrontation avec les aspects les plus sombres de nos sociétés actuelles qui va jusqu’à la réflexion politique parfois. Une évasion hors de la réalité et une évasion dans la réalité, comme le soulignaient les auteurs de l’étude. Le changement et l’institutionnalisation du roman policier sont également susceptibles de s’observer par la diversification des lectorats. Les diplômés lisent des romans policiers : Jean-Paul Sartre, Ludwig Wittgenstein ou encore Gilles Deleuze en étaient de fervents adeptes. Et les femmes déclarent lire plus de romans policiers que les hommes depuis la fin du 20e siècle déjà…
Tout n’est sans doute pas gagné pour autant pour le roman policier. Il reste sans doute à obtenir la reconnaissance littéraire, même si le grand Dashiell Hammett, père du roman noir pour Jean-Patrick Manchette, figure désormais dans la célébrissime collection Pléiade. On signalera pour terminer que s’il existe une bibliothèque spécialisée de littératures policières à Paris (la bien nommée « BiLiPo », bibliothèque des littératures policières), elle demeure unique en France.
Sélection de références
Une émission de France Culture (Les nuits de France Culture de Philippe Garbit en 2017) consacrée à Léo Malet et à son célèbre personnage de détective, Nestor Burma, et qui témoigne de la vitalité et de la qualité du roman policier français dès la seconde guerre mondiale.
Un extrait vidéo du passage de Jean-Patrick Manchette à l’émission Apostrophe du 20 juillet 1979 pour la sortie de son « néopolar » Le petit bleu de la côte ouest paru chez Gallimard, dans la fameuse collection Série noire (dont le nom a été trouvé par Jacques Prévert). Sur le plateau, on note la présence de Léo Malet…
Un article critique de Michel Abescat qui témoigne de l’évolution du roman policier depuis les années 1970 et des risques encourus par le roman policier contemporain.
Pour se plonger dans l’univers de la BiLiPo, la bibliothèque des littératures policières de la ville de Paris. Pour la localiser, consulter son catalogue spécialisé, s’informer sur l’actualité de ses expositions, accéder à ses collections numérisées…
Le site de l’enquête Pratiques culturelles des Français mis en œuvre par le Département Etudes, prospective et statistiques (DEPS) du Ministère de la Culture et de la Communication permet savoir ce que lisent et apprécient les personnes âgées de plus de 15 ans
L’ouvrage est en accès libre sur la plateforme OpenEdition.
De Simenon à Cornwell, de Daeninckx, Jonquet ou Vargas à Menkell, Pears ou Camillieri, rares sont les lecteurs qui n’ont jamais fréquenté ces récits. À partir d’une quarantaine d’entretiens approfondis avec des lecteurs assidus, Annie Collovald et Érik Neveu tentent de comprendre les raisons d’un tel engouement.
Lire aussi l’article du Bulletin des bibliothèques de France rédigé par Bernard Strainchamps, créateur du site Mauvais genres, à propos de l’ouvrage Lire le noir.
Présentation du Dictionnaires des littératures policières, une somme considérable en deux volumes de notices de romans policiers publiés dans le monde entier et éditée sous la direction de Claude Mesplède aux éditions Joseph K.
L’ouvrage est consultable à la Bpi, niveau 3, 81-62(03) DIC
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