Lectures d’été 2024 – Récits pour avoir une peur bleue

L'Avalée des avalés

Réjean Ducharme
Gallimard, 1982

Dans le livre de Réjean Ducharme, L’Avalée des avalés, l’écriture poétique pleine de néologismes vous invite à suivre le parcours de Bérénice Einberg. Née d’une mère catholique et d’un père juif orthodoxe, sa famille est scindée en deux. Son père et Christian, son frère, sont chargés de son éducation, mais la jeune fille suit les pas de sa mère. De cette scission naît une fascination presque morbide de Bérénice pour son frère et lorsque celui-ci est inaccessible, pour sa rivale, Constance. Bérénice est jalouse de sa beauté, mais la déteste pour sa naïveté. Elle tient pourtant à la garder sous une forme d’emprise, à laquelle Constance n’échappe que par la mort. Suite à cet événement tragique, Bérénice est envoyée à New-York chez un oncle plus sévère encore que son père, auquel elle voudra à tout prix échapper…

Bérénice est une enfant qui porte un regard lucide sur le monde et les relations qui sous-tendent les règles de la société. Son point de vue montre la manipulation que les parents exercent sur les enfants ainsi que les mensonges propres à leur système éducatif. On vit avec Bérénice la crise d’adolescence qu’elle subit. Elle se débat avec les figures d’autorité et avec les règles de la société. À travers ce personnage de jeune fille, l’auteur formule une critique de la religion et ouvre des perspectives sur cette question complexe. 

À la Bpi, niveau 3, 843 DUCH 4 AV

L'Expérience des fantômes

Fabrice Humbert
Gallimard, 2023

À presque 59 ans, John Franklin est un explorateur britannique au palmarès bien fourni. Considéré comme un héros après une expédition terrifiante dans les contrées glacées du Canada, il aurait mérité une retraite paisible, mais sous l’impulsion de sa seconde épouse, il décide de tenter une ultime aventure. Le voici donc qui s’engage de nouveau à la tête d’un équipage dans le Grand Nord américain. Deux ans plus tard, alors qu’il ne donne plus signe de vie depuis de nombreux mois, il apparaît à son épouse, sous la forme d’un ectoplasme. Troublée,  Lady Jane Franklin engage des démarches pour retrouver son mari. Elle poursuivra ce but pendant 10 ans, remuant tous les étages de l’amirauté, demandant l’assistance de « clairvoyant·es » et allant  jusqu’à solliciter le tsar lui-même. 

Roman d’aventure qui retrace, au cœur de l’époque victorienne, le destin d’un des plus grands explorateurs britanniques, L’Expérience des fantômes est également le portrait d’une femme déterminée, au caractère bien trempé, qui confond amour et orgueil, et dont les tentatives désespérées de sauvetage de l’époux disparu cachent mal une irrépressible soif de gloire. 

Le souci du détail et la justesse de la reconstitution nous amènent à côtoyer la souffrance et la peur de ces hommes, mais également à nous asseoir à la table des médiums et à participer à leurs pratiques occultes. Confrontée au monde invisible, la raison vacille, mais l’attrait de l’exploit persiste. 

Frappabord

Mireille Gagné
La Peuplade, 2024

Été 2024. Un épisode de canicule sévit à Montmagny, petite ville sur la rive sud du Saint-Laurent. À cette atmosphère étouffante, s’ajoutent une inquiétante vague de rage chez la population ainsi qu’une invasion de frappabords, ou taons à cheval, dont les piqûres sont particulièrement douloureuses.

Quels liens ces phénomènes inhabituels peuvent-ils bien entretenir ? Peut-être que le mystère trouvera une explication du côté de Grosse-Île, juste en face de la ville, où des projets d’armes bactériologiques utilisant des insectes comme vecteurs de transmission ont été développés en 1942, et sont restés en dormance depuis.

Dans cette écofiction en partie inspirée de faits réels, Mireille Gagné lance des pistes et des possibles en jouant sur nos peurs des virus et nos répulsions des bestioles. Par ailleurs, la romancière et poétesse québécoise construit une trame narrative originale où se répondent deux époques et trois personnages. À travers la voix sensuelle et dérangeante d’une femelle frappabord émerge la colère de la nature envers les hommes, indifférents aux conséquences de leurs expérimentations et si peu soucieux de la fragilité du vivant.

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À la Bpi, niveau 3, 843 GAGN 4 FR

The Nice House On The Lake

James Tynion IV et Álvaro Martínez Bueno
Urban comics, 2023

Tous·tes reçoivent la même invitation de la part de Walter : se retrouver dans une superbe maison avec vue sur le lac, The Nice House On The Lake. Tout le monde connaît Walter, certain·es depuis leur enfance, d’autres depuis quelques mois, et même s’il a toujours été un peu étrange, tout le monde aime Walter. Pourtant, celui-ci va mettre son petit groupe d’amis face à un dilemme singulier : rester pour l’éternité enfermé dans cette maison de tous les possibles en assistant à l’extermination de l’humanité. Mais Walter ne cherche qu’à protéger ses amis…

Difficile de résumer The Nice House On The Lake sans trop en révéler. James Tynion IV et Alvaro Martinez Bueno nous proposent un récit où s’empilent les mystères. Mais la véritable force de cette série BD est la manière dont elle explore ce qu’il y a de plus humain chez ces personnages : le désir de survie. Alvaro Martinez Bueno livre un dessin virtuose, alternant mise en case inspirée et doubles pages somptueuses, le tout renforcé par une colorisation qui soutient le récit à merveille. The Nice House On The Lake invite les lecteur·rices à remettre en question leur propre vision du monde et à se demander : « Puis-je laisser l’humanité brûler pour une belle maison sur un lac ? »

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À la Bpi, niveau 3, CO TYN N1

Orgueil et Préjugés et Zombies

Jane Austen et Seth Grahame-Smith
Flammarion, 2011

Rien ne va plus dans le petit village de Meryton, en proie à une invasion de morts-vivants qui ravage l’Angleterre. Mais au milieu des zombies, Mrs. Bennet cherche toujours à marier ses cinq filles, belles et redoutables combattantes ninjas, formées au monastère Shaolin. Parmi elles, Élizabeth a l’esprit aussi affûté que son sabre, que devra affronter l’orgueilleux Darcy…

Adaptée du roman éponyme de Seth Grahame-Smith, qui parodiait à merveille la langue austenienne, cette version très musclée d’Orgueil et Préjugés est un parfait condensé d’horreur, de romantisme et d’humour.