Lectures d’été 2024 – Récits rouge vif et féministes

Et, refleurir

Kiyémis
Philippe Rey, 2024

Andoun naît dans un village du Cameroun. Petite fille dans les années 1950, elle part chaque matin aux aurores avec sa mère et ses sœurs pour récolter les arachides, jusqu’à ce que la brûlure du soleil les contraigne à rentrer à la case. Mais l’enfant résiste à sa façon : la nuit, elle rêve d’immenses fleurs jaunes qui s’épanouissent et recouvrent la totalité des champs. Elle va passer sa vie à la poursuite de ces fleurs, à lutter pour s’extraire de sa condition. Rapidement rebaptisée Anne-Marie pour être plus conforme au monde dominant des blancs, l’héroïne part pour la ville de Douala, puis pour Paris. Son désir d’émancipation est sans cesse réduit, brimé, par sa propre famille attachée aux traditions, par la lâcheté des hommes qu’elle rencontre et par le racisme d’une société qui la renvoie toujours à son statut de femme noire. Rien pourtant n’entamera sa détermination, et à l’horizon les fleurs continuent à flamboyer à la façon des poèmes puissants qui émaillent les chapitres et font toute la beauté et l’originalité de ce roman : « Certaines nuits accouchent de rêves-bourrasques/ De rêves-tornades / Qui viennent faire tomber/ Cloisons/ Murs et fondations… »

Kiyémis s’est inspirée de l’histoire de sa grand-mère pour l’écriture de ce premier roman et lui rend un hommage à la fois maîtrisé et sensible.

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À la Bpi, niveau 3, 840″20″ KIYE 4 ET

Transformations

Anne Sexton
Des femmes - Antoinette Fouque, 2023

Vous pensiez connaître les contes de fées ? Anne Sexton, cette « sorcière d’âge moyen », vous prouve que non à travers ses poèmes narratifs qui réinterprètent seize contes des frères Grimm, en prenant à rebours la bien-pensance qui a souvent censuré leur violence première.

Ce qui détone d’abord, c’est l’humour noir que la poétesse crée par ses références décalées à son époque et par ses comparaisons (le prince « s’écrasa comme un bifteck »), ainsi que son ironie vis-à-vis de certains motifs du conte tels que la peine de mort et les abandons d’enfants. Cette dimension sombre et crue des histoires originelles l’intéresse particulièrement : ses poèmes évoquent l’inceste, le sexisme et l’âgisme de la société patriarcale – qui valent aussi pour les années 1970, date du recueil – le lesbianisme, la folie et la mutilation. En réaction, les fins heureuses à la Disney sont déconstruites pour notre plus grand plaisir. Les images puissantes et perturbantes d’Anne Sexton s’entremêlent également d’allusions à sa propre vie. Il en découle de la compassion pour les marginaux et les méchants traditionnels, mais surtout, une langue mystérieuse, parfois mythique. 

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À la Bpi, niveau 3, 821 SEXT 4 TR

Une farouche liberté. Gisèle Halimi, la cause des femmes

Annick Cojean, Sophie Couturier, Sandrine Revel et Myriam Lavialle
Steinkis éditions, 2022

Gisèle Halimi naît en Tunisie en 1927 dans une famille où sa condition de fille la condamne inexorablement à une place inférieure dans l’estime de ses parents, la pratique de la religion et plus largement dans la société. Enfant, elle mène ses premières luttes contre la servitude des hommes et un destin tout tracé de mariage arrangé et de vie domestique, dont elle s’affranchira grâce à des études brillantes, en bravant les interdits parentaux. Sa carrière d’avocate est marquée par de nombreux grands combats : défense des indépendantistes algériens et lutte acharnée contre les tortures de l’armée française, reconnaissance du droit à l’avortement, criminalisation du viol, abrogation de la différenciation de majorité sexuelle entre les hétérosexuels et les homosexuels, parmi les plus connus. Ils sont tous ou presque à retrouver dans cette adaptation en BD du grand portrait de cette figure féministe majeure, publié par Annick Cojean en 2020. Gisèle Halimi y retrace son parcours de sa propre voix et dans de nombreux aller-retours avec la journaliste, et y expose les racines de son irrépressible désir de liberté et de justice.

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À la Bpi, niveau 3, RG COJ F

La Femme en moi

Britney Spears
JC Lattès, 2023

« This is a story about a girl named Lucky. » Dans La Femme en moi, l’icône pop américaine revient sur son enfance, sa carrière, ses amours et ses chagrins. 40 ans de sa vie racontés avec une sincérité désarmante. Britney Spears a toujours été soumise au regard extrêmement cruel de la presse à scandale. Toute sa vie a été scrutée à la loupe, de ses premiers pas musicaux en lolita hyper sexualisée à ses craquages capillaires, en passant par ses relations amoureuses.

Après sa rencontre avec Kevin Federline, infidèle et profiteur, avec qui elle aura deux enfants en moins d’un an, Britney s’enfonce dans une dépression postnatale totalement incomprise par son entourage. La chute est terrible : mise sous tutelle, Britney est internée à plusieurs reprises, elle n’a plus son mot à dire sur sa carrière, ses concerts, ses tenues. Durant 13 ans, tout est contrôlé par son père qui dira « Britney Spears, désormais, c’est moi. »

En 2021, elle témoigne devant la justice qui met fin à sa tutelle. Sans cette libération, l’écriture de son livre, son récent mariage (et son récent divorce) n’auraient pas été possibles. Meurtrie par ces années de silence et de mensonges, Britney Spears ne souhaite plus chanter pour le moment – et elle a enfin le droit de le dire. Bien que très classique dans sa forme, l’écriture de cette autobiographie est à la fois une catharsis pour la jeune femme et un véritable cadeau pour ses fans.

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À la Bpi, niveau 3, 780.65 SPEA 1

Au non des femmes. Libérer nos classiques du regard masculin

Jennifer Tamas
Seuil, 2023

Dans Au non des femmes, Jennifer Tamas aborde la manière dont sont perçues certaines œuvres de la littérature française de l’Ancien Régime. D’après elle, ces œuvres ont été interprétées selon un regard masculin (le fameux « male gaze ») qui en a perverti le sens originel. Or, ce sens premier mettait le plus souvent en avant le refus des personnages féminins de se soumettre et d’accepter ce que les hommes voulaient bien faire d’elles. Ainsi, la Princesse de Clèves, souvent perçue comme une femme frigide qui refuse la vraie vie par peur du désir des hommes, est en fait un personnage qui dit non aux règles de la galanterie de son siècle, lesquelles ne laissent quasiment aucune place au libre arbitre des femmes mariées. De même, on oublie souvent la version originelle du conte La Belle et la Bête, de Mme de Villeneuve, pour ne retenir que les réécritures masculines qui ont suivi. Dans la première version, la Belle n’était pas seulement objet de désir, mais également sujet de désir, contrairement aux versions ultérieures. D’une manière générale, le regard masculin ôte aux personnages féminins toute « agentivité » : la femme perd toute faculté à agir, à prendre des initiatives et à choisir son destin. D’autres analyses proposées par Jennifer Tamas sont tout aussi éclairantes, que ce soient celles sur le Petit Chaperon rouge ou sur les personnages d’Andromaque ou Bérénice de Racine. Ce livre nous interroge sur la manière dont on lit certains classiques et nous invite à les regarder sous un nouveau jour.

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À la Bpi, niveau 3, 840(091) »16″ TAM