Sélection

Appartient au dossier : Lectures d’été 2025 : éveillez vos sens !

Lectures d’été 2025 – Le boucan des pages

Ouvrez grand vos oreilles avec cette sélection de lectures estivales ! Balises et Tu vas voir ce que tu vas lire vous proposent cinq ouvrages (romans, recueil de nouvelles) dans lesquels l’ouïe occupe une place centrale : son, musique, musicien·nes y sont à l’honneur.

Photomontage : un femme tient un livre ouvert et tend l'oreille pour écouter le son des pages. Sur le livre est perchée une mouette. Fond bleu évoquant une scène d'été au bord de la mer
Photomontage réalisé par Karine Hulin, Bpi, à partir d’une photo d’Anne Bléger, Bpi et de ressources Freepik

Tous les ans, Balises et Tu vas voir ce que tu vas lire vous proposent une sélection de lectures d’été : romans, essais, bandes dessinées, romans graphiques, recueils de poésie. Notre sélection estivale 2025 vous donne l’occasion d’éveiller vos sens !

Retrouvez tout au long de l’année d’autres chroniques littéraires sur les comptes Facebook et Instagram de Tu vas voir ce que tu vas lire, animés par le service littérature de la Bpi.

Publié le 04/08/2025 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Le Pansement Schubert

Claire Oppert
Denoël, 2020

Claire Oppert est violoncelliste, art-thérapeute et une « musicienne qui prend soin des autres ». Elle a toujours hésité entre la musique et la médecine. Elle réalise son premier rêve en obtenant son diplôme au Conservatoire Tchaïkovski de Moscou, puis son diplôme universitaire d’art-thérapie. En 2012, elle participe à une étude clinique visant à mesurer l’impact de la musique sur des patients en soins palliatifs. Dès 1997, elle rencontre Howard Buten, clown et psychiatre, qui reste son premier inspirateur. Avec lui, elle découvre l’autisme. À l’exemple de Paul qui, aux premières notes de Bach, cesse de hurler et de cracher, caresse l’instrument, se l’approprie et regarde Claire Oppert dans les yeux. Petit à petit, elle se rend compte que les vibrations de son violoncelle traversent le corps de Paul et l’apaisent. Ce corps morcelé, blessé, se transforme en un corps de sensations. Ce sont les mots de ce patient atteint d’une maladie neurodégénérative : « Quand vous jouez du violoncelle je ne suis plus malade, je sens la vie jusqu’au bout », ou d’un autre patient séropositif qui lui dit « avoir eu la chair de poule alors qu’il était dans le coma ».

Claire Oppert raconte toutes ces rencontres émouvantes et ces expériences presque surnaturelles. La métaphore de la musique comme un pansement vient d’une des toutes premières fois où la violoncelliste joua du Schubert pour une femme dont le changement de pansement au bras était un calvaire. Non seulement elle se laissa faire, mais elle en oublia ses atroces souffrances. Vibration, cœur, joie, vie sont les quatre mots qui reviennent lors d’une étude auprès de 450 patients en fin de vie qui ont eu l’opportunité de participer à l’expérience du « pansement Schubert ». Avec son répertoire éclectique, de Gabriel Fauré à Édith Piaf, Johnny ou Albinoni, Claire Oppert renoue des relations humaines, fait danser les corps, purifie, transforme le son en lumière… Son récit enveloppe chaque lecteur·rice d’une douce chaleur humaine.

Dans les rapides

Maylis de Kerangal
Gallimard, 2020

Elles sont trois amies inséparables partageant les rêves et l’ennui de l’adolescence dans cette ville du Havre en 1978. Coincées dans leur quotidien – maison, lycée, café, maison, lycée – elles s’évadent en s’échangeant livres, cassettes, rouges à lèvres, jeans et en discutant des films et des garçons. Jusqu’au jour où le trio découvre la voix de Debbie Harry dans la R16 du garçon qui les a prises en stop : « Un son tendu et survolté qui opère dans leurs corps comme une injection d’oxygène… un son qu’elles ne connaissent pas, mais une musique faite pour elles qui l’ignorent encore. » Elles nommeront cet instant inoubliable le « Jour de Blondie ».

Il y a les musiques que l’on s’échange entre ami·es, celles que nous font écouter nos parents, et puis celles que l’on découvre au hasard et pour lesquelles c’est le coup de foudre immédiat. C’est ce moment magique, ce crush musical, que décrit Maylis de Kerangal dans ce court récit rythmé par les titres des chansons de Blondie qui composent chacun des chapitres. En piochant dans ses souvenirs, l’autrice, originaire du Havre, remonte le temps et nous plonge dans le monde de la jeunesse, moment crucial des amitiés, des amours et des découvertes musicales. Il est aussi question de nombreux autres groupes : les Clash, les Ramones, Talking Heads, Joy Division ou Kate Bush, emblématiques de la vague rock de la fin des années 1970. Dans les rapides est un magnifique hommage à Debbie Harry, l’icône féminine du pop-punk mais aussi de cet âge d’or des premiers coups de cœur musicaux qu’est l’adolescence.

La Nuit des femmes qui chantent

Lídia Jorge
Métailié, 2012

Lisbonne, fin des années 1980. L’Empire colonial du Portugal se délite, une nouvelle page de l’histoire commence à s’écrire. Une page encore toute blanche, qui ne cessera d’osciller entre merveille et absurdité, pour Solange de Matos, jeune femme de dix-neuf ans dont la voix porte le récit. Merveille d’une rencontre entre cinq femmes dont les différences nourrissent un espoir sans limites : celui de fonder un groupe de musique célèbre, autour d’un piano et de cinq voix. Absurdité d’un espoir qui tourne à l’obsession et plonge ces cinq femmes dans la spirale vertigineuse du succès. Les voix classiques des sœurs Alcides et la sublime touche de jazz apportée par Madalena Micaia, surnommée The African Lady, constituent le socle de ce groupe. Prisonnières d’amours destructrices ou de mœurs qui peinent à évoluer, toutes conjuguent leurs faiblesses au profit de l’ambition dévorante de Gisela Batista, la maestrina qui va peu à peu maîtriser la vie non seulement du groupe, mais de chacune des femmes qui le composent. Jusqu’à ce que l’arrivée du chorégraphe João Lucena bouleverse le groupe et y introduise un jeu de séduction à la fois mystérieux et irrésistible…

L’écriture douce et délicate de Lídia Jorge, parsemée de métaphores lyriques et raffinées, tisse avec fluidité les différents épisodes de cette épopée féminine qui interroge le désir dans toute son étendue : désir de réussite, désir de liberté, et bien sûr désir amoureux.

À la Bpi, 869 JORG.L 4 NO

Nocturnes. Cinq nouvelles de musique au crépuscule

Kazuo Ishiguro
Éditions des Deux Terres, 2010

Le point commun entre un jeune musicien fauché – dont la créativité se retrouve soudainement au service d’un célèbre crooner qui voit sa carrière et sa vie amoureuse décliner -, de vieux amis que plus rien ne semble lier à l’exception d’un amour inconditionnel pour le jazz, d’un jeune guitariste en quête d’inspiration dans les collines de Malvern, d’un saxophoniste perdu entre désir de célébrité et résignation ou encore une virtuose imaginaire du violoncelle ? La musique, bien sûr ! Mais aussi le succès, qu’il soit sur le déclin ou à son apogée, cette envie de briller que l’on ose à peine envisager, mais qui mue instinctivement toute pulsion créatrice et qui conduit parfois aux décisions les plus insensées.

Avec sa plume tendre et délicate, Kazuo Ishiguro nous entraîne sur la partition des sentiments, des espoirs et des frustrations de ses personnages, dans un subtil mélange d’humour et de mélancolie. Au fil de sublimes variations de paysages et d’émotions, ces cinq histoires courtes se succèdent et s’entrecroisent à merveille au sein d’un voyage européen et américain, qui s’ouvre et s’achève à Venise et qui mêle brillamment poésie de la rencontre, amour de l’art et moments burlesques. Dans ce recueil remarquablement construit, aucune note n’est laissée au hasard… à l’exception du dénouement de chaque nouvelle, qui s’offre délicieusement à l’imagination du lecteur.

À la Bpi, 820″19″ ISHI 2

L'Amour, la mer

Pascal Quignard
Gallimard, 2022

C’est l’histoire, en plein 17e siècle, des musiciens Jakob Froberger et Hanovre : leur amour, leur mort, ainsi que les parties de cartes qu’ils affectionnent. C’est aussi l’histoire de la princesse Sibylla von Württemberg et de Josepha, sa jument qui n’accepte plus de nourriture d’une autre main. Mais on se penche surtout sur le couple que forment Thullyn et Hatten, également musicien·nes. Entre eux, c’est le bonheur parfait, l’amour le plus pur. Pourtant, ils devront se séparer à deux reprises, pour des causes mystérieuses qu’aucun des deux amants n’arrive à s’expliquer et qu’ils regrettent chacun amèrement.

Dans L’Amour, la mer, Pascal Quignard, comme à son habitude, produit une œuvre remplie d’énigmes, en mettant bout à bout des histoires comme des pièces de puzzle. Il joue sur les non-dits comme Le Caravage utilise les ombres et reconstitue ainsi la vie et l’œuvre de musicien·nes dont l’histoire a laissé très peu de choses. Dans un tableau poétique où la mer est sans cesse présente en arrière-fond, il s’interroge sur l’amour et ses mystères. La musique, omniprésente, semble constituer une des clés pour comprendre les silences dans lesquels l’amour soupire.

À la Bpi, 840″19″ QUIG 4 AM

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