Sélection

Appartient au dossier : Lectures d’été 2023

Lectures d’été 2023 #1 : 5 récits du bord de mer

Du littoral anglais à la côte normande en passant par les plages californiennes, Balises et Tu vas voir ce que tu vas lire vous proposent une sélection de cinq récits du bord de mer pour nourrir vos lectures estivales.

Une femme en train de lire, assise le dos contre des rochers, sur une plage, face à la mer
Gabriel McCallin via Unsplash

D’autres chroniques sont à retrouver sur Balises et sur Tu vas voir ce que tu vas lire, les pages Facebook et Instagram du service littérature de la Bpi.

Publié le 03/07/2023 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

L'Été à Kingdom Fields

Jon McNaught
Dargaud, 2020

Début de l’été, en Angleterre. La jeune Suzie regarde par la fenêtre de la voiture. Sa mère conduit et son grand frère Andrew est assis devant. Engagé·es sur l’autoroute, iels se dirigent vers la côte. Après une pause déjeuner sur une aire de repos et un long trajet, iels rejoignent enfin leur lieu de villégiature : le camp de bungalow de Kingdom Fields. La journée, Andrew explore la plage et noue des amitiés estivales, pendant que sa mère fait découvrir le littoral à Suzie et lui transmet ses souvenirs d’enfance. Le soir, la famille se retrouve autour d’un film. Ce séjour, paisible et reposant, est semblable à celui de beaucoup d’autres familles.

Sublime plongée dans l’intimité d’une famille ordinaire, L’Été à Kingdom Fields allie beauté et poésie, au rythme du chant des mouettes. À travers une succession de vignettes, Jon McNaught décompose les gestes familiers desquels s’échappe une douce mélancolie. Au fil des pages bleutées et rosées, cette bande dessinée décrit magnifiquement les petits riens du quotidien, le temps étiré des vacances et le rythme apaisant de la nature estivale.

À la Bpi, niveau 1, AL ETE

Océan mer

Alessandro Baricco
Albin Michel, 1997

La pension Almayer abrite sept personnages en quête de renaissance, tous liés par l’élément eau. Les histoires des pensionnaires se recoupent et se fondent entre elles comme autant de courants marins, tour à tour mer calme ou océan déchainé. Le professeur Bartelboom cherche où finit la mer pour son encyclopédie des limites, tandis que le portraitiste Plasson cherche où elle commence pour peindre ses yeux en trempant ses pinceaux dans l’eau salée. Elisewin, « une petite fille trop fragile pour vivre et trop vivante pour mourir », y cherche la guérison de son tempérament trop sensible, alors qu’Ann vient y oublier une passion amoureuse interdite. Enfin, l’océan déchainé est incarné par le docteur Savigny et par Adams, survivants d’un naufrage dont le double récit semble tout droit sorti du Radeau de La Méduse de Théodore Géricault.

Océan mer est le deuxième roman d’Alessandro Baricco, écrit avant son fameux Soie. L’auteur y déploie ses talents de conteur et nous livre une méditation philosophique au fil des rencontres entre ses personnages et la mer. Son invitation à la contempler comme un prisme par lequel regarder tout ce qui existe nous offre une façon unique de « dire » la mer qui, lorsqu’on referme le livre, en modifie à jamais notre perception.

À la Bpi, niveau 3, 850″19″ BARI 4 OC

In Waves

A. J. Dungo
Casterman, 2019

Aux origines était le surf. Pour son premier roman graphique, le Californien A.J. Dungo raconte, en parallèle, la naissance du surf et l’histoire tragique de Kristen. Les séquences en bichromie sépia présentent une histoire du surf, des pionnier·ères hawaïen·nes aux figures novatrices de Duke Kahanamoku et Tom Blake, qui révolutionnent la pratique : un petit précis d’histoire du surf solidement documenté. Les séquences en bichromie de bleus, couleurs froides associées à l’océan et à la tristesse, reviennent sur l’histoire d’amour d’A.J. et de Kristen. Cette surfeuse passionnée lutte pendant dix ans contre un cancer des os, qui l’affaiblit par vagues jusqu’à la submerger.

La bande dessinée tisse un canevas touchant et sensible de deux époques et de deux couples de personnages, pour parler du deuil et de la souffrance. Le surf se vit comme une philosophie, un réconfort, et même une thérapie qui rythme le quotidien. Le dessin épuré, précis et fort, tout autant que l’expressivité froide des faciès, se montrent poignants et tout en pudeur, pour faire ressentir la violence du combat contre la maladie et la force mentale de Kristen. Le graphisme léger et apaisant donne à voir les mouvements fluides et permanents de l’eau tout en entraînant les lecteur·rices dans un déferlement d’émotions.

À la Bpi, niveau 1, RG DUN I

Souvenirs de la marée basse

Chantal Thomas
Seuil, 2017

Le jour où, adolescente, Jackie crawle dans le grand canal des jardins de Versailles sous l’œil ébahi d’un jardinier, elle découvre sa raison de vivre, la nage « délice de l’eau contre sa peau » qui l’accompagnera chaque jour de son existence dans un rituel immuable. Cette passion, elle l’a transmise à sa fille Chantal qui nous la fait partager dans ses magnifiques Souvenirs de la marée basse, récit aquatique en deux versants pour deux lieux et deux saisons de la vie.

La première partie se situe à Arcachon, où la famille s’est établie pour satisfaire à la passion de Jackie. Dans une prose ciselée, au fil de courts chapitres, instantanés d’une enfance faite de découvertes, de rencontres et de complicités au bord de l’océan, l’autrice nous livre le récit d’une éducation littorale. La seconde partie, dont le titre « Autres rivages » est emprunté à Vladimir Nabokov, nous conduit vers les eaux plus chaudes de la Méditerranée, où Jackie a choisi de s’établir avec sa fille après la mort de son mari, et où elle continuera de sacrifier au rituel de la baignade jusqu’à la fin de ses jours. On ne saurait trop vous conseiller la lecture de ce livre inclassable, dans lequel la romancière et spécialiste du siècle des Lumières nous offre une (auto)biographie liquide et voluptueuse, empreinte de liberté et parsemée de références littéraires.

À la Bpi, niveau 3, 840″19″ THOM.C 4 SO

Un jour ce sera vide

Hugo Lindenberg
Bourgois, 2020

Cet été, comme tous les autres étés, le narrateur d’Un jour ce sera vide passe ses journées à la plage avec sa grand-mère. Anxieux, réticent à se baigner, il préfère observer le petit monde des adultes, notamment sa tante, sombre et solitaire. Mais cet été, il fait la rencontre de Baptiste, et de sa famille en tous points opposée à la sienne : simple et rayonnante de bonheur. Entre eux naît une amitié intense, brûlante, exclusive.

Résonnant d’échos de Romain Gary ou de Patrick Modiano, l’écriture de ce roman est imprégnée de la timide lucidité de ce jeune héros, terriblement conscient de la détresse existentielle de celleux qui l’entourent sans comprendre son origine profonde. Au fil du récit teinté de la mélancolie des étés trop vite passés, Hugo Lindenberg compose un touchant portrait de ce narrateur, éclairé par la grâce solaire de Baptiste comme sur une photo de vacances à contre-jour et pourtant chargée de souvenirs.

À la Bpi, niveau 3, 840″20″ LIND 4 JO

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