Lancée en 2017, 25 nuances de doc est l’une des dernières initiatives pour le cinéma documentaire de la télévision publique. Délibérément éclectique, sa programmation témoigne de la porosité du cinéma et de la télévision. Le cycle « Voir grand avec 25 nuances de doc » matérialise ce lien en projetant des films issus du programme documentaire, que Catherine Alvaresse, directrice des documentaires de France Télévisions nous présente.
Comment s’inscrit 25 nuances de doc dans la politique éditoriale de France Télévisions en matière de cinéma documentaire ?
Aujourd’hui, l’unité documentaire de France Télévisions se déploie sur les trois chaînes avec une offre totalement unique. Nous avons démarré en 2017 avec le constat qu’il n’existait plus sur les antennes de films étrangers, qu’ils soient européens, américains ou asiatiques. C’est une politique revendiquée d’offrir sur France 2, la grande chaîne généraliste, un programme de « niche » mais ouvert sur le monde. L’idée avec 25 nuances de doc n’était pas d’explorer de nouvelles écritures. Ce sont des films avec des récits, et des points de vue d’auteur très très forts. Avec cette programmation, nous sommes dans une forme extraordinaire d’ouverture au monde, plus que bienvenue après ces mois de repli.
Comment définiriez-vous l’identité de la case 25 nuances de doc ?
C’est d’autant plus compliqué de faire émerger une identité avec les plateformes, qui ont aboli l’idée même de case, de rendez-vous. Nous voulions avec 25 nuances… faire un clin d’œil à la La Vint-cinquième Heure, souligner toutes les nuances, et construire une identité pour la presse et les critiques. Quant au public, il est dorénavant plus attaché au contenu, comme le montre les visionnages de rattrapage sur france.tv. L’identité d’une case peut se construire sur des émissions récurrentes qui permettent au public de vous repérer. Mais je suis très attachée à considérer chaque film comme une œuvre à part entière. Donc 25 nuances de doc est un point d’entrée, y compris pour les autrices et les auteurs comme pour les productrices et producteurs.
Quelle est la proportion de films préachetés et de films achetés pour la diffusion ? Vous souhaitiez en 2017 parvenir à l’équilibre, qu’en est-il maintenant ?
Cette année confinée a énormément retardé les mises en production, ou annulé les tournages. Par conséquent, nous avons dû recourir à plus d’achats. L’année 2019 a été une année exemplaire, complètement à l’équilibre. Nous sommes victimes de notre succès après l’Emmy Award remporté par Vertige de la chute (Ressaca). Nos films sont sélectionnés en festival, ce qui retarde d’autant leur diffusion, et renforce les achats pour pallier ces retards.
Quel rôle financier jouez-vous dans la production d’un film préacheté ?
La participation se situe entre 30 et 40 000 euros. Comme la case est très tardive, en troisième partie de soirée, son budget est plus limité qu’un prime. Nous tenions absolument à ce que notre financement puisse déclencher une aide au CNC. Dès 2017, la création de ce nouveau rendez-vous documentaire a déclenché un extraordinaire appel d’air, qui nous a permis de travailler avec de nombreux nouveaux producteurs et auteurs. Cette dynamique a renforcé les coproductions européennes et internationales.
Quel rôle joue le replay dans la stratégie de diffusion des films ?
Aujourd’hui, nous négocions un rattrapage minimum de soixante jours. C’est vital pour que le bouche à oreille puisse se développer.
Avez-vous constaté une augmentation des audiences en ligne pendant la période que nous traversons ?
Absolument, la consommation de télévision a déjà été globalement phénoménale et a rebondi de manière significative sur le replay.
Quel bilan tirez-vous après cinq ans d’activité ?
Ma grande satisfaction, je vais citer à nouveau Vertige de la chute (Ressaca), c’est que ce film existe et d’avoir obtenu une reconnaissance internationale avec l’Emmy Award. Je trouve la programmation avec vous merveilleuse : diversité d’écriture, ouverture sur le monde. Elle prouve que nous avons vraiment tenu notre pari. Bien sûr, on a toujours quelques insatisfactions, mais nous avons permis à tant de talents d’émerger, d’histoires à partager, c’est extraordinaire.
J’ai l’impression que vous avez un peu délaissé les films « qui ont fait date » comme La Conquête de Clichy de Christophe Otzenberger ou Les Plages d’Agnès d’Agnès Varda.
Absolument, vous avez raison mais nous y revenons. Vous vous rappelez au départ, il y avait les préachats français, les achats internationaux, et la petite Cinémathèque, avec aussi Paris is burning de Jennie Livingston ou The Art of Killing de Joshua Oppenheimer. Comme je voulais préserver les préachats, nos achats se sont reportés sur des films contemporains. Nous pourrions faire un cycle Wiseman par exemple, nous y avons pensé avec David Amiel. Ces films nous les connaissons parce que nous sommes de la partie, mais nous pouvons grâce à 25 nuances de doc les partager avec le plus grand nombre.
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