L’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels de 1925 offre une grande vitrine sur la décoration intérieure, la mode et la joaillerie, l’industrie, les boutiques et les grands magasins.
Pendant les années 20, deux tendances s’opposent : l’une rejette le décor au profit du rationalisme, tandis que l’autre le retient en s’inspirant du cubisme pour renouer avec la tradition tout en lui donnant un côté « moderne ».
De même que l’architecture voit son univers changer, de même la décoration intérieure se modernise et devient plus rationnelle.
Jusqu’à présent les décors étaient conçus pour une pièce donnée d’une manière définitive à savoir par exemple les demeures seigneuriales. Cette fois-ci, il convient de penser autrement : donner une harmonie et répartir les meubles ou objets à leur place et leur donner un rôle précis.
En outre, la vie sociale évolue. Il est possible dorénavant de destiner une pièce pour y installer une salle de gymnastique pour Monsieur ou Madame, une chambre de jeune fille ou d’enfants par exemple. En raison de la petitesse des pièces à vivre dans les appartements « contemporains » après la Première guerre mondiale, il faut imaginer un mobilier facile à déplacer tout en évitant la surcharge dans la décoration intérieure.
Selon l’expression de Francis Jourdain, créateur de meubles et de décorations d’intérieurs, de céramiques, et d’autres objets d’arts décoratifs : « On peut aménager très luxueusement une pièce en la démeublant plutôt qu’en la meublant ».
D’un côté, certains ensembliers (décorateurs qui harmonisent mobiliers, accessoires et décor dans une habitation) préfèrent décorer leur appartement avec des meubles luxueux, des commodes de Jean-Michel Franck ou de Marcel Coard, dotés de marqueterie fragile, une façon de valoriser la tradition française. Tandis que d’autres préfèrent concevoir une décoration de style international, du purisme.
Pour décorer son appartement et sa boutique, Jeanne Lanvin fait appel à un décorateur : Armand-Albert Rateau. Bien que son appartement ait aujourd’hui disparu, son mobilier créé par lui est encore visible au Musée des Arts décoratifs. Elle n’est pas la seule à faire appel à des décorateurs ensembliers. Jacques Doucet, couturier, amateur d’arts et collectionneur, le vicomte et la vicomtesse de Noailles, aristocrates et mécènes, Madame Mathieu Lévy, modiste, couturière et propriétaire de la boutique Suzanne Talbot, demandent à Jacques-Emile Ruhlmann, Jean-Michel Frank, Pierre Chareau, Eileen Gray… de revoir leur décoration intérieure et aussi de créer un mobilier élégant, lumineux. Certains revoient les styles Louis XVI, Empire, Directoire, Restauration, notamment le Style Louis-Philippe pour les rajeunir.
Le mobilier voit les bois précieux et sombres tels que le macassar, l’acajou ou l’ébène s’éclairer d’ivoire, de galuchat (cuir de poissons comme la raie ou le requin). Le colonialisme inspire les designers : l’Afrique noire est très à la mode dans les années 20. Le métal, le bronze, l’aluminium, la laque, la nacre ou le verre se retrouvent sur les tables basses, les bureaux, les commodes, les armoires, les paravents. La marqueterie connait une grande vogue à cette époque. Fauteuils et canapés se recouvrent de cuirs, de tapisserie, de soie et parfois de caoutchouc comme le fauteuil Bibendum imaginé par Eileen Gray.
La plupart de ces meubles proviennent des demandes de particuliers aux ébénistes. Ces pièces ne sont pas fabriquées en série; elles restent donc uniques. Ce qui explique que tel ou tel meuble peut atteindre des valeurs astronomiques lors des ventes à l’encan.
Textiles d’ameublement
Pour parfaire la décoration intérieure, les tissus d’ameublements, les tapisseries d’Aubusson, des Gobelins, de Beauvais réchauffent l’atmosphère. Pour ces manufactures, si les traditions de tissages ne changent pas depuis la nuit des temps, en revanche les motifs deviennent plus « modernes » : des scènes champêtres avec des personnages habillés Art déco.
Sur les murs, s’accrochent des tableaux de Tamara de Lempicka, de Jean Dupas entre autres.
Céramique et papiers peints
La manufacture de Sèvres comme les services de Limoges ou Havilland se mettent à créer des services de tables qui allègent leurs ornements et leur design. Des artistes, entre autres Henri Rapin, Simon Lissim, conçoivent des formes et des décors soit austères et abstraits soit expressifs et figuratifs. Selon les motifs, la glaçure des céramiques peut être brillante ou au contraire mate. La manufacture de Sèvres demande à Jacques-Emile Ruhlmann des pièces pour son stand à l’exposition internationale 1925. Mathurin Méheut, peintre officiel de la marine depuis 1921, propose ses idées à la Manufacture. Durant cette période, la collaboration entre l’artiste et le céramiste permet une modernité de formes et décors sans négliger la perfection ancestrale qui demeure intacte.
Un trait d’union s’installe entre céramique et papiers peints. Les papiers peints Style Art nouveau aux motifs et couleurs sombres et surchargés s’éclairent et se dépouillent durant l’Art déco. De nombreux artistes imaginent des motifs et des couleurs qui se retrouvent aussi bien dans la céramique que dans le papier peint. Le papier peint suit la tendance Art déco à savoir géométrique, cubiste ou à fleurs simplifiées. L’ Antiquité, la nature, les voyages, l’exotisme s’y retrouvent aussi dans leurs motifs. Des peintres, Raoul Dufy, Robert et Sonia Delaunay se passionnent à les illustrer ainsi que les tissus. Les artistes recherchent un sens créatif et une mise en valeur à la lumière pour parfaire une harmonie dans la décoration intérieure. La période Art déco s’inscrit dans la haute qualité des dessins d’artistes qui s’associe à l’artisanat exécuté en série limité. Les fabricants de papiers peints, Maurice Gruin, Le Mardelé, Isidore Leroy parmi eux, sont représentés à l’Exposition 1925.
Argenterie et verrerie
L’orfèvrerie (Puiforcat ou Christofle) s’ingénie à compléter l’art de la table en mêlant les alliages, l’argent avec la laque, ou le métal argenté avec le cuir. Certains orfèvres sculptent des théières, des surtouts de table en forme de fontaines d’eaux jaillissantes ou de gratte-ciel. Sans se mettre à l’avant-garde, un gros effort dans la rénovation des modèles en 1925 est couronné d’un succès qui surprend lors de l’exposition des Arts décoratifs.
Les pièces les plus curieuses proviennent de l’inspiration du cubisme. Pendant l’Exposition, la vente des nouveaux modèles d’argenterie dépasse celle des styles « anciens ».
La verrerie et la cristallerie (Daum, Lalique, Baccarat) ne se retrouvent pas seulement dans les verres, les vases mais aussi dans le luminaire et les flacons de parfums (Shalimar de Guerlain, Gardenia de Chanel). Lalique ne recherche pas forcément la préciosité des matériaux mais privilégie au contraire l’originalité et l’esthétique dans ses créations. Ses vases, ses bijoux sont très applaudis lors de l’Exposition. En tant qu’humaniste, Lalique développe la production en série pour diminuer le coût de ses créations plus abordables au plus grand nombre. Grâce à la recherche et la chimie, les verriers produisent des transparences et des incrustations ou des mélanges de couleurs plus originaux et parfois improbables. Cela a permis de se démarquer du style Art nouveau dont ils s’inspiraient depuis fort longtemps et donc de créer des modèles plus stylisés.
Bibliographie sélective
Art déco : encyclopédie des arts décoratifs des années vingt et trente / Alastair Duncan. Citadelles et Mazenod, 2010. De tous les styles décoratifs du XXe siècle, l’Art déco est le plus élaboré. Il s’est développé dans ses formes les plus pures à partir d’une conception typiquement française du luxe et du raffinement qui privilégiait souvent dans les années 1920 les matériaux exotiques et précieux. Ce livre rend hommage à la richesse formelle et à la diversité internationale de l’Art déco À la Bpi, niveau 3, 741-7 DUN
Art déco : les maîtres du mobilier, le décor des paquebots / Pierre Kjellberg. Amateur, 2011 Panorama du mobilier de style Art déco, basé sur des revues artistiques de l’époque et des témoignages À la Bpi, niveau 3, 744.446 KJE
Histoires de l’Art déco / José Alvarez ; analyse économique Laurent Noël. Paris, Editions du Regard, 2010 À la fois monographie et répertoire, cet essai illustré rend hommage au travail des jeunes antiquaires des années 1970, qui ont redécouvert et mis en valeur le style Art déco À la Bpi, niveau 3, 741-7 ALV
Collection Art déco : Musée d’art moderne / Dominique Gagneux. Paris Musées, 2013 Présentation de la collection Art déco des années 1920 et 1930 du Musée d’art moderne de la Ville de Paris : meubles signés d’Emile Jacques Ruhlmann ou Pierre Chareau, céramiques, verreries, paravents, etc. À la Bpi, niveau 3, 741-7 GAG
Années folles et Art déco, le renouveau / Manufacture nationale de Sèvres. Editions. courtes et longues, 2007 Les coulisses de la Manufacture de Sèvres, spécialisée dans la céramique, pendant l’entre-deux-guerres, entre la fin de l’Art nouveau et le nouvel âge de l’Art déco À la Bpi, niveau 3, 746.14(44) SEVR
Tapisseries 1925 : Aubusson, Beauvais, les Gobelins à l’Exposition internationale des arts décoratifs de Paris / sous la direction de Jehanne Lazaj & Bruno Ythier, Privat, 2012 Présentation des oeuvres exposées à l’Exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes à Paris en 1925 sur les stands des manufactures d’Aubusson, de Beauvais et des Gobelins, mais aussi sur celui de l’Ecole nationale d’art décoratif d’Aubusson. À la Bpi, niveau 3, 743.17 TAP
Les ouvrages sur les décorateurs-ensembliers sont classés à la Bpi, niveau 3, à la cote 742.5 suivi des trois lettres du décorateur-ensemblier, ou à la cote 70″19″ suivi des 4 lettres si les décorateurs sont aussi architectes. Les ouvrages sur les maîtres verriers (Baccarat, Daum, Lalique,...) sont disponibles à la Bpi, niveau 3, à la cote 747(44) suivi des 3 lettres du verrier.
Durant les années 1920, la mode et la joaillerie connaissent des évolutions extraordinaires dans le contexte artistique particulier que connaît la France. Un vent de modernisme souffle au lendemain de la Première Guerre mondiale. Pour oublier les soucis, la société française vit des Années folles.
La mode
Sous le Second Empire et sous la Troisième République, les femmes étaient engoncées dans des robes très volumineuses alourdies par les crinolines, les corsets qui les empêchaient presque de respirer et de se mouvoir. En ce temps là, la Haute couture était dirigée par un maître incontesté de l’élégance féminine d’origine anglaise et installé à Paris : Charles-Frederick Worth. Même si Worth subit l’air du temps à savoir le raccourcissement de la longueur de la robe, il va pourtant connaître le déclin de sa maison de couture.
Un homme libère les femmes du carcan : le couturier Paul Poiret. Celui-ci supprime le corset, allège et raccourcit les robes jusqu’à montrer légèrement les chevilles. Surnommé « Le magnifique », Poiret fluidifie les tissus, rend confortables les vêtements. C’est le premier à créer la jupe culotte, à transformer la ligne S (silhouette toute en courbe) en ligne I (silhouette toute droite). Il habille les femmes les plus hardies comme les comédiennes, (Arletty), les danseuses (Isadora Duncan), des meneuses de revues (Mistinguett), les bourgeoises. Ses créations s’inspirent d’exotisme comme les Mille et une nuits ou la Russie. C’est l’époque où la Russie connaît une terrible épreuve : la Révolution d’Octobre 1917. De nombreux Russes blancs s’expatrient à Paris, terre de liberté intellectuelle. D’autre part, Poiret organise des défilés à l’étranger. A Prague, sa mode séduit les élégantes tchèques.
Dans les années 1920, soit au lendemain de la Première Guerre mondiale, Paul Poiret subit une rivalité de plus en plus grande grâce à la présence de couturiers comme Madeleine Vionnet connue pour ses coupes en biais, Lucien Lelong, Robert Piguet.
Toutefois Gabrielle Chanel reste une figure incontournable de la mode. Non seulement Chanel débarrasse la femme de toute entrave, mais elle privilégie une mode facile à vivre aussi bien en ville qu’à la campagne ou à la mer. Chanel chipe les idées dans la garde robe masculine pour les réinterpréter à l’usage des femmes : par exemple les vestes d’homme pour ses fameux tailleurs. Avant-gardiste, Chanel scandalise mais séduit les plus audacieuses. Ses robes du soir demeurent toujours somptueuses grâce à l’utilisation de la soie, du crêpe de Chine, etc. et des bijoux qu’elle crée. C’est au début des années 1920 que la mode raccourcit encore les jupes, robes et manteaux, devient plus sportive, libérée, émancipée avec l’utilisation de la maille, du tricot. Jean Patou, l’inventeur du sportswear utilise le jersey pour habiller Suzanne Lenglen, joueuse de tennis, lors de ses tournois.
Une autre révolution se fait dans la mode : la coiffure. Les femmes émancipées n’hésitent pas à couper court leur chevelure. Cette nouvelle coupe adoptée par les « garçonnes » s’appelle « à la Jeanne d’Arc », selon le coiffeur Antoine et à la « Louise Brooks » pour les cinéphiles, actrice américaine qui a joué le rôle de Loulou en 1929, film de Georg Wilhelm Pabst. Celles qui n’osent pas sacrifier leur longue chevelure se font des chignons très serrés et placés très bas sur la nuque donnant une impression de cheveux courts. Ce type de coiffure permet le port de turbans, des petits chapeaux cloches de Caroline Reboux ou Madeleine Panizon,… et pour une soirée chic une aigrette, bijou de tête léger et gracieux qui renouvelle le port du diadème (une broche en diamants surmontée de plumes d’oiseau de paradis).
Une autre grande dame de la Haute couture : Jeanne Lanvin débute sa carrière comme modiste. Comme Poiret, elle diversifie ses activités en créant des parfums, dont le plus connu Arpège, afin de financer la haute couture dispendieuse
Les magazines, « La gazette du bon ton« , « Vogue« , « Chic parisien, beaux arts des modes« , « L’Illustration des modes« , les catalogues des grands magasins, le Printemps, les Galeries Lafayette, le Bon Marché, les illustrations de Iribe, Erté, Georges Lepape, les photographies de mode de George Hoyningen-Huene, Cecil Beaton,Man Ray, les frères Seeberger diffusent à grande échelle toute la haute couture, la joaillerie. Ces revues, ces illustrations, ces photographies révèlent l’idéal féminin et les tendances artistiques de l’époque.
Si la mode masculine ne connaît pas de gros bouleversements à cette époque, l’homme voit sa garde-robe évoluer par ses activités professionnelles, les loisirs, la conduite des belles mécaniques, la pratique du sport. Quelques magazines sortent pour lui en 1919 « Monsieur » et en 1925 « Adam ». Paris et Londres se disputent pour obtenir les faveurs de la Haute couture (Worth, Redfern, Creed, couturiers installés à Paris) pour les femmes. En revanche, les hommes prennent l’Angleterre comme modèle d’élégance masculine
Les enfants s’habillent comme les parents. C’est pendant les années 20 que l’on différencie le sexe des nourrissons : bleu pour les garçons, rose pour les filles. Les manteaux, les culottes raccourcissent. Fondée par la société Valton, bonnetier depuis 1893, la marque de vêtements et sous-vêtements pour enfants (0-18 ans), Petit Bateau, naît en 1920.
La joaillerie
En matière de joaillerie, le design des bijoux des années 1920 se divise en deux conceptions : Des joailliers qui ne renient pas le classicisme mais qui tentent de moderniser leurs bijoux. C’est le cas de Cartier qui imagine des boucles d’oreilles en émeraudes, onyx et diamants. Tandis que d’autres, plus avant-gardistes tels que Jean Fouquet, s’inspirent de l’industrie pour façonner un collier composé de métal chromé, or gris, et diamants ou Jean Dunand avec son bracelet articulé en cuivre doré, nickelé et laqué.
Malgré ces querelles entre Haute joaillerie et Avant-garde, il demeure un style bien commun à ces parures : une simplification du design propre à l’Art déco.
Joailliers réputés de l’époque des années 1920, Cartier, Van Cleef & Arpels, Jean Desprès, Chaumet, Jean Fouquet… conçoivent des bijoux somptueux pour orner les toilettes des femmes : sautoirs, colliers, bracelets, bagues, clips. Les bijoux se singularisent par leurs formes géométriques, épurées, architecturées, s’inspirent du cubisme, du futurisme, du naturalisme inspiré du 18e siècle…. Ces bijoutiers s’enhardissent en opposant les matériaux dans leurs créations : des pierres transparentes ou colorées avec laques, émaux. L’or et le platine côtoient le cristal de roche, les perles et les émeraudes pour des sautoirs. Les bijoux de fantaisies font leur apparition. À la place des pierres précieuses, il est possible de de composer des bijoux à partir des pierres sans valeur telles que l’onyx, ou le quartz fumé. Le bois, le fil de laiton, le cuir se marient parfois avec l’or et l’argent. Ces innovations sont reprises et commercialisées à grande échelle. Chanel adore mélanger le vrai et le toc. Elle affirme que porter du toc c’est s’affirmer.
La femme se pare de bijoux, l’homme en possède aussi sous forme de boutons de manchettes, des pinces à cravates, etc. Pour les soirées mondaines, les bijoutiers imaginent de luxueux accessoires : des sacs à mains en soie ou velours parfois brodés et dotés de magnifiques fermoirs, des minaudières (petits sacs en or souvent décorés de pierres précieuses) où les femmes élégantes peuvent glisser leur nécessaire de maquillage. Les hommes peuvent sortir de leur smoking des étuis à cigarettes en or ou en argent incrustés d’émaux, de laque ou de cuir, des briquets, des porte-cigarettes.
Les artistes dont Picasso, Ernst, Man Ray, Braque s’essaient à la création de bijoux. Le surréalisme ne se trouve pas loin du design des bijoux. Schiaparelli en est un exemple pour marier la joaillerie et la mode.
L’Egypte (découverte de la tombe de Toutankhamon en 1922), l’Afrique noire, l’Extrême-Orient, l’Inde sont des sources d’inspiration pour les joailliers.
Grâce aux moyens de locomotions de plus en plus faciles d’utilisation, ces bijoutiers voyagent de plus en plus loin et ramènent des pierres précieuses et des idées des pays qu’ils visitent. Lalique, Daum, maîtres verriers, collaborent avec les joailliers pour l’utilisation du verre ou du cristal dans la parure et l’horlogerie.
La vie artistique
En 1913, « Le sacre du printemps », ballet russe sur une musique d’Igor Stravinsky dansé par Nijinski avec une chorégraphie de Diaghilev se produit au Théâtre des Champs Elysées, bâtiment d’Auguste Perret du plus pur style Art déco avec les peintures de Maurice Denis et les sculptures d’Antoine Bourdelle et la coupole de René Lalique. En 1917, « Parade », se produit au Châtelet sur un poème de Jean Cocteau avec une musique d’Erik Satie, les décors de Picasso et les costumes de Chanel. Ces deux ballets scandalisent prodigieusement la haute société bien pensante et intellectuelle. Mais en 1922, un autre événement bouleverse davantage la société, parce qu’il touche toutes les couches sociales, avec la parution du roman « La garçonne » de Victor Margueritte. Les scandales artistiques de cette époque rappellent celui mémorable du XIXe siècle : la fameuse bataille d’Hernani de Victor Hugo
Pendant longtemps, Paris joue le rôle d’aimant intellectuel. Le monde entier dirige son regard vers la capitale française. De nombreux américains viennent à Paris, y emmènent le jazz et le charleston dans leurs bagages. Francis Scott Fitzgerald intitule une de ses nouvelles : « Un diamant gros comme le Ritz » en 1925, et Ernest Hemingway écrit « Paris est une fête » dont l’histoire se déroule en 1925. La danse, la musique, le théâtre, la revue Nègre, la littérature et la peinture bouleversent la mise en scène, la mode, le costume, la joaillerie et par extension révolutionnent l’univers des arts décoratifs.
Pour mieux appréhender l’univers de l’Art déco, il est possible de voir le film « Gatsby le Magnifique » avec Robert Redford ou Leonardo DiCaprio (au choix), d’après le roman éponyme de Francis Scott Fitzgerald, mais il est préférable de visionner les films réalisés durant les années 1920. Marcel l’Herbier demeure un cinéaste de référence sur ce thème avec « L’inhumaine », « Feu Mathias Pascal » et « L’Argent ». Ces films sont considérés comme des chefs-d’oeuvre de l’avant-garde française parmi toute la production cinématographique.
Bibliographie
La mode des années 1920 en images / Charlotte Fiell & Emmanuelle Dirix. Taschen, 2011 Présentation de plus de 600 illustrations de mode des années folles recueillies dans les revues, les magazines et catalogues de mode de l’époque, pour la plupart français À la Bpi, niveau 3, 743.98 FIE
Les années folles (1919-1929): exposition, Paris, Musée Galliera, 20 oct. 2007-29 févr. 2008, Sophie Grossiord, Mie Asakura, Mireille Beaulieu et al. Paris, Paris-Musées, 2007 Présentation de l’irruption de la modernité dans la mode pendant les années folles en France et des recherches en matière de styles, de matériaux et de silhouettes, menées par des maisons de couture comme Worth, Lanvin, Poiret, Patou, etc À la Bpi, niveau 3, 743.98 ANN
Bijoux Art déco / Sylvie Raulet. Editions du Regards, 1984 Un large panorama visuel de la création des plus grands joailliers des années 25 considérées comme la période de référence À la Bpi, niveau 3, 745.34 RAU
Bijoux Art déco et avant-garde : exposition, Paris, Musée des arts décoratifs, 19 mars-31 mai 2009 / sous la direction de Laurence Mouillefarine et d’Evelyne Possémé. Paris, Norma, 2009 Consacrée à l’un des aspects de l’activité artistique de l’entre-deux-guerres, cette exposition montre comment les bijoutiers et les orfèvres ont travaillé avec les peintres et les sculpteurs : formes simples et géométriques, esthétique inspirée de la machine et de la vitesse. Avec des pièces d’une vingtaine de ces créateurs, dont Jean Després, Suzanne Belperron, René Boivin, Jean Dunant, etc. À la Bpi, niveau 3, 745.34 BIJ
Les ouvrages sur les couturiers et les joailliers français sont classés au niveau 3 de la Bpi à la cote 743.9(44) suivi des trois lettres du couturier et à la cote 745.34 suivi des trois lettres du joaillier.
La Belle Epoque s’évanouit dans un grand nuage de fumée soufflé par la Première guerre mondiale. Au lendemain de la victoire que connaît la France, la société française voit les domaines industriels et commerciaux se modifier sensiblement. Mais quel est son impact durant les années 20 ?
L’industrie
Au lendemain de la Première guerre mondiale, la France voit son économie s’accroitre en même temps que la société change.Le succès de l’économie provient en grande partie de l’industrie qui permet une production plus grande et en série. En 1923, un sport automobile naît et connaît toujours le même succès aujourd’hui : les 24 Heures du Mans. En 1924, la France organise les Jeux olympiques d’été à Paris et d’hiver à Chamonix.
La mécanique
L’automobile, le train, la navigation, l’aviation vont de plus en plus vite.L’industrie mécanique innove le design de ces moyens de transports tout en améliorant leurs technologies. Les constructeurs automobiles, Renault, Citroën, Panhard-Levasseur, Rolls-Royce peaufinent la décoration intérieure de leurs voitures : beaux matériaux en bois, en cuir. Généralement les bouchons de radiateurs des voitures sont en métal. Mais pour obtenir une originalité, Citroën demande à Lalique de lui créer des bouchons de radiateur en verre blanc moulé-pressé pour orner les calandres de ses 5 CV. Ce sont de véritables sculptures qui mettent ces mécaniques au rang d’oeuvres d’art. Ces bouchons de radiateurs représentent des chevaux , des têtes d’aigles, des libellules, des chiens, des allégories de vitesse ou de victoire. Habituellement de couleur unie ou bicolore, leur carrosserie s’amuse parfois à imiter les motifs géométriques d’une robe ou d’un manteau porté par une élégante conductrice.
Dans la même veine que l’automobile, les compagnies ferroviaires (Pullman-Orient express) et maritimes (les paquebots (le Deauville ou le Normandie) suggèrent à des décorateurs-ensembliers d’aménager leurs cabines, leurs salons et restaurants. Le confort de ces trains et paquebots est tel que ce sont de véritables palaces ambulants. Les voyages aux longs cours, la traversée des divers pays et les ambiances feutrées de ces moyens de transports invitent au rêve et à l’imagination des écrivains. En 1925 paraît un roman qui connaît un franc succès : « La madone des sleepings » de Maurice Dekobra« .Leurs décorations se révèlent comme un moyen subtil d’illustrer le bon goût et le luxe français à travers le monde lors de leurs lointains périples.
Durant les années 1920, l’aéronautique connaît un essor fulgurent. Au lendemain de la guerre 14-18, des compagnies aériennes sont créées. La plus connue, celle de Latécoère, fonde la Compagnie générale aéropostale. Cette compagnie transatlantique s’occupe du transport postal et aussi des passagers. Parmi ses pilotes les plus chevronnés et courageux, Antoine de Saint-Exupéry publie en 1926 le premier de ses romans, nourris de ses expériences d’aviateur : « Courrier du Sud ». Comme pour l’automobile, l’aviation a sa part d’influence sur l’industrie textile et la mode pour la confection des vêtements amples, imperméabilisés, chauds (larges manteaux, casquettes, cagoules) et de protection pour les yeux, des lunettes portés par les aviateurs et les aviatrices.
La bagagerie
Au vu de ce nouvel art de vivre, les voyages permettent à des malletiers (Vuitton ou Goyard) de rechercher de nouvelles formes, de nouveaux matériaux pour rendre les malles, les valises, les bagages plus légers, solides, imperméables et résistants aux conditions climatiques ou extrêmes des expéditions comme la croisière noire de Citroën (connue également sous le nom de « Expédition Citroën Centre Afrique » ou encore « 2e mission Haardt Audouin-Dubreuil ») faite du 28 octobre 1924 au 26 juin 1925.
La métallurgie
Jusqu’à la fin du XIXe siècle, la métallurgie est principalement destinée à un usage d’ordre industriel ou usuel comme l’urbanisme, les ponts et chaussées, les usines, les hôpitaux (chariots, armoires), les appartements (radiateurs). Mais depuis la construction de la Tour Eiffel – pour l’Exposition universelle de Paris de 1889 -, le fer, le laiton, l’aluminium, la fonte, etc. entrent dans le domaine des arts décoratifs. C’est à ce niveau que l’industrie métallurgique engendre le design industriel par le biais de la création de meubles et objets domestiques métalliques : la chaise à Tolix par Xavier Pauchard, chaudronnier artisan, qui conçoit un mobilier pratique pour les bistrots ou les paquebots pour leur caractère incombustible. De même pour le luminaire avec la lampe Gras réalisée par Bernard-Albin Gras, architecte, ingénieur et designer. Sortis des usines pour entrer dans les intérieurs, ces meubles et objets possèdent un style : le style industriel. Eileen Gray prend l’audace d’utiliser le métal pour créer son mobilier ; Charlotte Perriand, qui dépose ses études sous forme de dessins à l’Exposition 1925, s’accapare aussi le métal pour l’introduire dans ses créations. Une manière de revoir la décoration intérieure plus moderne, intemporelle qui correspond à une certaine philosophie sociale, populaire.
La ferronnerie d’art prend un nouvel aspect dans la période des années 1920. Au lieu d’être très ouvragée comme par le passé, elle se simplifie, devient plus rectiligne, géométrique. Les portes, les balcons, les terrasses, les escaliers, se dotent de grillages, gardes-du-corps, de rampes aux formes élégantes mais parfois sévères. Elle se retrouve aussi dans la création des luminaires.
L’industrie textile
Grâce à la mode qui évolue, à la pratique des sports de plus en plus assidue, l’industrie textile prend un essor certain. Bien qu’antérieure aux années 1920, les matières, le jersey, le tricot, la maille vont être produits à plus grande échelle pour créer des costumes, vêtements très confortables et innover les tissus dans la créations des maillots des sportifs. Tandis que le textile d’ameublement suit les procédés traditionnels et mécanique tout en privilégiant la « modernité » des motifs.
Les boutiques et grands magasins
Le commerce se traduit par la présence des boutiques et des grands magasins. Ces deux types de commerce opposent l’inabordable (luxe) et l’abordable (grande distribution).La clientèle aisée se fournit principalement dans le quartier de la Place Vendôme (la couturière Madame Chéruit, les joailliers (Van Cleef & Arpels), la Rue de la Paix (le couturier Worth, le joaillier Cartier), le Faubourg Saint-Honoré (la couturière Jeanne Lanvin, la designer Eileen Gray). Ces boutiques proposent des créations en série limitée. Tandis que les grands magasins, le Printemps, les Galeries Lafayette, les grands magasins du Louvre,… exposent un vaste assortiment de marchandises dans des rayons spécialisés sur une grande surface allant de 2 500 à 92 000 m². En 1912 René Guilleré, grand critique d’art et fondateur de la Société des Artistes décorateurs, convainc dès 1912 les grands magasins du Printemps de créer des ateliers artisanauxproduisant des ensembles de meubles et d’objets d’art pour une plus grande diffusion : Primavera. Le Printemps sollicite la Manufacture de Sèvres des pièces en porcelaine pour son atelier d’art Primavera.
À l’Exposition internationale des Arts décoratifs et industriels modernes, Paris construit un immense « magasin » : des boutiques et des grands magasins, il n’y a qu’un pont à traverser, le pont Alexandre III. Sa surface s’étend entre l’Esplanade des Invalides jusqu’aux abords du Grand Palais et du Petit Palais. Même les quais de la Seine sont aménagés. Le couturier Paul Poiret y fait accoster trois péniches aux noms évocateurs d’élégance : Amours, Délices et Orgues. Il les aménage avec la collaboration du décorateur Ronsin. De nombreux pavillons français et étrangers s’érigent. Les grands magasins montent leur atelier d’art – Primavera pour le Printemps, Maîtrise pour les Galeries Lafayette, Pomone pour le Bon Marché…. Sur les bords du pont Alexandre III, se montent des boutiques : Revillon (fourrures), Jacques Heim et Sonia Delaunay (confection)…
L’Exposition de 1925 donne le prétexte d’unir l’art et l’industrie. En réalité, les artistes et les industriels s’opposent. Les artistes souhaitent vivement marquer leur individualité par la signature de leurs créations pour valoriser le luxe. Ce que refusent les industriels qui privilégient l’anonymat par la création en série de leurs oeuvres. Pour combler cette discordance, la présence des grands magasins permet d’associer les artistes et les industriels à la production d’objets présentant une qualité artistique tout en reflétant des prédispositions modernes. Selon les tendances, les stands sont imaginés, aménagés et décorés ensemble par les divers corps de métiers : architectes, décorateurs-ensembliers, ébénistes, couturiers, joailliers, orfèvres, céramistes, verriers…
Parmi les grands verriers, la cristallerie Baccarat demande à Georges Chevalier, designer, de concevoir l’intérieur et l’extérieur de son pavillon destiné aussi à abriter l’orfèvre Christofle. Pendant six mois, d’avril à octobre 1925, les créateurs y exposent leurs oeuvres. Des prix sont remis aux créateurs les plus inventifs et originaux. Parmi eux, Madeleine Panizon, modiste, reçoit le prix d’honneur pour un capuchon de voiture ou d’avion, Van Cleef & Arpels pour son « bracelet aux roses« . Les visiteurs français et étrangers peuvent y déambuler dans ce très « grand magasin » pour admirer ou détester le goût des créateurs, leur ornementation ou leur dépouillement. Comme dans un très grand magasin, l’Exposition 1925 met à la disposition des visiteurs français et étrangers une synthèse des courants qui s’opposent selon les goûts des artistes et créateurs dans un même lieu.Les affichistes, Cassandre, Carlu, Loupot, vantent le nouvel art de vivre des années 1920.
En dépit des critiques visant les rivalités entre l’art et l’industrie, entre le refus de la tradition et la continuité de celle-ci, entre le luxe et le social, l’Exposition de 1925 connaît un succès retentissant et conquiert le monde par voie de presse.Comme l’écrit si bien Baudelaire : « Les parfums, les couleurs et les sons se répondent », les tendances contraires, les pour et contre ornement, les pour ou contre tradition ou nouveauté, etc. se correspondent et se complètent. Le mariage des arts décoratifs et de l’industrie modernes donnent naissance à un style nouveau qui allie modernité, audace tout en conservant l’excellence du savoir-faire français. Ce style s’appelle : L’Art déco.
Complément de lecture
Pour l’Exposition de 1925, René Guilleré, fondateur de la Société des Artistes décorateurs, rédige un rapport contenant une classification des corps de métiers destinés aux arts décoratifs et industriels modernes. Pour connaître cette classification, consulter l’ouvrage suivant en 12 volumes :
Encyclopédie des arts décoratifs et industriels modernes au XXème siècle / exposition internationale des arts décoratifs et industriels modernes, Paris, 1925. Garland, 1977.Le catalogue de l’exposition fournit toutes les informations sur l’Art déco. Il y avait 22 pavillons internationaux essayant de montrer diverses facettes des Arts décoratifs et industriels. À la Bpi, niveau 3, 741-7 DEC
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