Article

Appartient au dossier : Top 10: les grands juristes français

Les Professeurs

Dans les pays de droit écrit, les professeurs incarnent depuis toujours la figure du « grand juriste ». Eloignés des vicissitudes du pouvoir politique, de l’action des juges, les professeurs ont longtemps été considérés comme les producteurs premiers de la « doctrine ». La modernisation du droit passe en effet par l’évolution de la législation et par les « revirements de jurisprudence », mais c’est dans l’analyse de cette jurisprudence, les notes de doctrines, publiées dans des revues universitaires telles que le Recueil Dalloz ou la Semaine juridique, que le « grand juriste », en France, se cache.

Portaits de Georges Vedel, Mireille Delmas-Marty, Marie-Anne Frison-Roche et Alain Supiot.

Georges Vedel (1930-2002)

Né à Toulouse. Docteur en droit (1930), agrégé de droit public (1936), Georges Vedel enseigne à la Faculté de Poitiers, de Toulouse et enfin de Paris, où il fera toute sa carrière universitaire (1948-1979).
Doyen de la faculté de Paris de 1962 à 1967, président de l’Université Paris-II (1970-72), conseiller juridique au sein de la délégation française chargée de négocier le marché commun de l’Euratom.
Membre du Conseil économique et social (1969-1979).
Nommé au Conseil Constitutionnel en 1980 par Valéry Giscard d’Estaing, jusqu’en 1989.
Élu à l’Académie française (1998).

Il plaidera en 2000 avec ses collègues Guy Carcassonne et Georges Duhamel pour que l’élection présidentielle ait lieu avant les élections législatives de 2002, proposition qui sera reprise par Lionel Jospin. Il compte parmi les rédacteurs du traité de Rome et compte ainsi parmi les pères discrets de l’Europe.
Ses recherches en droit constitutionnel et en droit administratif ont constitué une apport décisif pour la modernisation du droit. Au droit constitutionnel, Vedel a intégré les données à la fois de la science politique, du droit comparé et de l’histoire ; il a aussi longuement travaillé sur la notion de démocratie, en insistant sur sa dimension nouvelle : la démocratie ne peut être limitée à la réalisation de la liberté politique, mais doit permettre une amélioration du bien-être de chacun. Il développe les deux conceptions de la démocratie, l’une individualiste, l’autre collectiviste et imagine l’épanouissement de la démocratie dans un espace plus élargi que celui de la nation. Dernière idée : selon lui, « le Conseil constitutionnel a droit à la gomme, pas au crayon », c’est-à-dire que le juge constitutionnel doit être un contrôleur, non un fondateur. Enfin, concernant le droit public, Vedel a démontré la profonde unité de ce droit, en affirmant que le droit administratif puisait ses fondements dans le droit constitutionnel

Manuel élementaire du droit constitutionnel, livre

Manuel élémentaire de droit constitutionnel
Georges Vedel, Dalloz, 2002 (1e édition 1949)
Ouvrage de référence. Il s’agit d’une réédition de son manuel paru en 1949, qui traite du rapport entre droit constitutionnel et démocratie (sous sa forme classique et sous la forme marxiste), ainsi que des institutions politiques de la IIIe et de la IVe République (constitutions, corps électoral, structure et compétences du Parlement et du gouvernement, juridictions, collectivités territoriales).
À la Bpi, niveau 2, 350(07) VED

couverture des Sources constitutionnelles du droit administratif

Les Sources constitutionnelles du droit administratif
Georges Vedel, LGDJ, 2008 
L’auteur met ici en lumière l’importance des sources constitutionnelles des règles de droit administratif, des actes (pouvoir réglementaire, de nomination, droits de la défense, droit au recours, liberté contractuelle de droit public) et des institutions (libre expression du suffrage, service public). 
À la Bpi, niveau 2, 352 STI


Mireille Delmas-Marty (1941-)

Mireille Delmas-Marty est spécialiste du droit pénal, ses travaux portent sur l’internationalisation du droit dans les sociétés contemporaines. Née à Paris en 1941, Mireille Delmas-Marty est titulaire d’un doctorat de droit (1969), puis reçue à l’agrégation de droit privé et sciences criminelles (1970). Sa carrière de professeur d’université commença à Lille II (1970-1977), Paris XI (1977-1990), et enfin Paris I (1990-2002).
Membre de l’Institut universitaire de France (1992-2002), elle a été élue au Collège de France où elle occupe, entre 2002 et 2011, la chaire « Études juridiques comparatives et internationalisation du droit ».
En 2007, elle a été élue membre de l’Académie des Sciences Morales et Politiques.

Outre ses enseignements, Mireille Delmas-Marty s’est consacrée à la recherche, au sein de l’École des Hautes études en sciences sociales et de l’Association de recherches pénales européennes qu’elle a créée, puis de l’UMR de droit comparé (Université de Paris I/CNRS) qu’elle a dirigée de 1997 à 2002. Elle dirige, depuis 1984, la Revue de science criminelle et de droit pénal comparé et participe au comité de rédaction de diverses revues juridiques tant nationales (Archives de Politique criminelle, Revue trimestrielle des droits de l’homme) qu’internationales (European Journal of Crime, Criminal Law and Criminal Justice et Journal of International Criminal Justice).
Enfin, Mireille Delmas-Marty a assumé de nombreuses missions d’expert, notamment auprès du Président de la République, pour la révision de la Constitution en 1992 ; auprès du Ministre de la Justice, pour la réforme du Code pénal en 1981 et pour la réforme de la procédure pénale en 1988 ; et auprès de l’Union européenne, dans le cadre du projet pénal dit Corpus Juris (1996-1999) et du comité de surveillance de l’Office de lutte anti-fraude (1999-2005).

Les grands systèmes de politique criminelle
Mireille Delmas-Marty, PUF, 1992
Ouvrage de référence, très documenté  et proposant une synthèse des grands systèmes de politique criminelle. L’étude est divisée en deux parties : modèles et mouvements. L’étude des modèles est une véritable typologie des modèles étatiques (modèle Etat-société libéral, modèle Etat autoritaire, modèle Etat totalitaire) et les modèles sociétaux (celui de la société autogestionnaire et celui de la société libertaire). L’étude des mouvements est celle de leur description, puis de celle des « éléments de contrainte structurelle », nationales (Cours constitutionnelles),  européennes (droit communautaire ou droit européen des droits de l’homme) ou internationales (droit international pénal…)
À la Bpi, niveau 2, 343.8 DEL

Le flou du droit: du Code pénal aux droits de l’homme
Mireille Delmas-Marty, PUF, 2004
Le droit peut-il être flou ? Publié pour la première fois en 1986, cet ouvrage étudie « les multiples dynamiques qu’opère le flou dans le droit au regard notamment de la prolifération normative et juridictionnelle autour des droits de l’homme, du droit communautaire et de la mondialisation. L’auteur se demande comment ordonner le droit pénal dans sa diversité, sans porter atteinte aux droits de l’homme.  »  
À la Bpi, niveau 2, 340.1 DEL

Libertés et sûretés, le livre

Libertés et sûretés dans un monde dangereux
Mireille Delmas-Marty, Seuil, 2010
Ce cours au Collège de France donné en 2009 interroge la rétention de sûreté qui autorise le maintien en détention d’un condamné, s’il est jugé dangereux, au delà de sa peine. La juriste y voit un effet indirect du 11 septembre 2001 qui a libéré les responsables politiques de l’obligation de respecter les limites de l’Etat de droit à l’ère de l’internationalisation.
À la Bpi, niveau 2, 340.1 DEL


Marie-Anne Frison-Roche (1959-)


Née en 1959, Marie-Anne Frison-Roche est professeur de droit économique à l’Institut de Sciences politiques de Paris et spécialiste du droit de la régulation. Reçue major de l’agrégation de droit privé et sciences criminelles en 1991, elle devient professeur à Angers, Paris-Dauphine, puis Sciences Po.

Elle crée dans les années 2000, le « droit de la régulation », en appréhendant cette dernière sous le triple angle du droit, de l’économie et de la science politique. L’objectif est d’établir une doctrine cohérente à la fois juridique, économique et politique des institutions, règles et décisions caractéristique des secteurs régulés tels que les transports, les télécommunications, les médias, Internet, l’énergie, la finance, la banque, l’assurance, la santé et l’environnement. Elle créera la même année le Forum de la Régulation, puis en 2001 le Master de Droit Économique à Sciences Po, et enfin la chaire Régulation. Son activité éditoriale est important, elle dirige deux collections juridiques de renom : Cours Dalloz (Dalloz) et Droit et Economie (Lextenso/LGDJ). Souvent auditionnée par les organismes publics français et étrangers, elle donne des conseils aux entreprises, gouvernements, etc…Ses travaux actuels interrogent la place des Etats dans les régulations économiques mondialisées. Depuis 2009, elle a conçu et dirige la revue The Journal Of Regulation.
 

couverture de Responsabilité et régulation économique

Responsabilité et régulation économique
Marie-Anne Frison-Roche, Presses de SciencesPo/Dalloz, 2007
Présentation de la responsabilité juridique dans les systèmes de régulation
À la Bpi, niveau 2, 348 RES

Couverture des 100 mots de la régulation

Les 100 mots de la régulation
Marie-Anne Frison-Roche, PUF, 2011 (Que-sais-je ?)
100 mots-clés permettent de couvrir les différents aspects de la régulation à travers les organismes importants (AMR, ARJE1 ou ACP) ou une série de termes tels que le contrat, finance, propriéte intellectuelle, sanction, transparence ou encore organismes professionnels.
À la Bpi, niveau 2, 348 REG

À voir aussi

  • Le site Internet de Marie-Anne Frison-Roche présentant tous les aspects des travaux de Marie-Anne Frison-Roche: prise de parole, publications, enseignements, figures, base documentaire, interviews blog.
  • « The Journal of Regulation », le site internet de la revue « The Journal of Regulation », créée en 2009 par Marie-Anne Frison Roche, et offrant tous ses articles en libre accès.

Alain Supiot (1949-)


Alain Supiot est reconnu comme étant le spécialiste du droit social et de la théorie du droit. « Docteur d’État en droit (Bordeaux, 1979), agrégé des facultés de droit (1980), docteur honoris causa à l’Université de Louvain, Alain Supiot a été successivement professeur à l’Université de Poitiers puis de Nantes et membre senior de l’Institut universitaire de France (2001), avant d’être élu au Collège de France en 2012.
Il a présidé de 1998 à 2000 le Conseil national de développement des sciences humaines et sociales.
Sa carrière a été marquée par plusieurs séjours à l’étranger (« Institute of industrial relations de Berkeley », 1981; « Institut universitaire européen de Florence », 1989-90; « Wissenschaftskolleg zu Berlin », 1997-98).
À Nantes, il a d’abord fondé en 1993 la Maison des sciences de l’homme Ange Guépin, qui promeut une approche transdisciplinaire des transformations du lien social.
En 2008, il crée l’Institut d’études avancées […] qu’il a dirigé jusqu’en 2013, dont et il assure depuis lors son comité stratégique. » (Biographie, issue de la notice du Collège de France). 


Spécialiste du droit social et de la théorie du droit,  Supiot est une des personnalités les plus engagées du moment. Face à la crise de l’Etat social, attaqué par la globalisation, les solidarités qui solidifient les groupes humains se défont et déshumanisent le travail et les travailleurs. Supiot propose des pistes pour reposer cet édifice fondé sur 3 piliers (la Sécurité sociale, le droit du travail et les services publics), par exemple avec les « droits de tirage sociaux« , c’est-à-dire une créance préalablement constituée  dans laquelle la personne peut puiser pour se former, se reconvertir, participer à une action humanitaire. Il propose en fait d’instaurer de nouveaux droits individuels qui ne soient plus attachés à l’emploi occupé, mais à la personne du travailleur. Selon lui, la justice sociale ne consiste pas seulement à redistribuer les biens, elle « implique de donner à chacun la possibilité de réaliser ce qu’il est dans ce qu’il fait, de forger sa personne dans l’épreuve du travail. 

couverture de Grandeur et misère de l'État social

Grandeur et misère de l’État social
Alain Supiot, Fayard, 2013
« L’histoire juridique de l’édification de l’Etat social donne une idée de sa grandeur. Mais ce souverain débonnaire, tolérant la contestation et répondant du bien-être de ses sujets, semble aujourd’hui frappé de misère. Exposé par l’ouverture de ses frontières commerciales à des risques financiers systémiques, il voit ses ressources s’effriter et ses charges augmenter. D’inquiétants docteurs se pressent à son chevet. Certains lui prescrivent saignée sur saignée, tandis que d’autres dressent déjà son acte de décès. Plutôt que de cette médecine létale, c’est un diagnostic précis de l’Etat social dont nous avons besoin. »
À la Bpi, niveau 2, 36(44) SUP

couverture de L'Esprit de Philadelphie

L’Esprit de Philadelphie : la justice sociale face au marché total
Alain Supiot, Seuil, 2010
Organisé autour de la première déclaration internationale des droits à vocation universelle proclamée le 10 mai 1944 à Philadelphie, cet ouvrage place le droit social dans une perspective historique et internationale. Il s’interroge sur ce qu’est devenu l’objectif de justice sociale face à la libre circulation des capitaux et des marchandises et à la mondialisation.  
À la Bpi, niveau 2, 331 SUP

couverture de Homo juridicus

Homo juridicus : essai sur la fonction anthropologique du droit
Alain Supiot, Seuil, 2010
Alain Supiot défend un droit qui se rapproche d’une représentation juste du monde, fondateur d’un sens commun. Il explique le statut du sujet, la fonction de la loi et de l’Etat, les apports du droit et les techniques, le déclin de la souveraineté, la prospérité des fondamentalismes aujourd’hui et les ressources des droits de l’homme. 
À la Bpi, niveau 2, 340.1 SUP

Publié le 10/10/2013 - CC BY-SA 4.0

Rédiger un commentaire

Les champs signalés avec une étoile (*) sont obligatoires

Réagissez sur le sujet