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Appartient au dossier : Claude Simon, la construction de l’œuvre

Claude Simon : les sens de l’œuvre

Sceptique à l’égard de l’Histoire, Simon se consacre à restituer le passé dans sa réalité physique : « non pas le souvenir toujours rangé quelque part dans ce fourre-tout de la mémoire, mais, abolissant le temps, la sensation elle-même, chair et matière, jalouse, impérieuse, obsédante » (Le Vent).

Le quotidien amplifié

Carnet de compte de la tante de Claude Simon
Page du carnet de la tante Mie, 1927, coll. particulière.

Dans L’Herbe (1958), Simon intègre des extraits des carnets de compte de sa « tante Mie ». Arthémise Simon, institutrice du Jura, tient ses comptes de 1927 au tout début de 1953. Simon note que « tout est sur le même plan – rentrée de bois, vacances, départs, notes de l’épicier ou honoraires du docteur », et, sur cette même page, la mort de sa soeur Eugénie : « le lent passage du temps, la  lente et pendulaire oscillation sur son axe du monde emporté dans les espaces seulement perceptible par le retour périodique et saisonnier des différentes espèces de fruits, les invariables achats saisonniers de sucre pour les confitures ou de vinaigre pour les cornichons ».

La révolution manquée
 

Enterrement de Durrutti, coll. particulière

Simon s’est servi de cette image de l’enterrement du chef anarchiste Durrutti à Barcelone en 1936 pour décrire les funérailles d’un révolutionnaire assassiné dans Le Palace : « la banderole flottant sur vingt mètres de large, comme une écharpe de brume, une condensation, la  matérialisation visible sous forme de nuage planant au-dessus des têtes d’un fantasme obsessionnel, tenace, inapaisable : 

¿ QUIEN HA MUERTO A SANTIAGO ?
»

Les femmes

Simon aimait les femmes. Ses descriptions de l’acte sexuel sont fréquentes et précises.

Nue se baignant, coll. particulière

Cette photo de Simon trouve son reflet dans un passage du Jardin des Plantes : « se baignait nue dans le lac aux eaux glaciales rides concentriques à partir de ses jambes ses cuisses son corps à la surface polie miroir joncs près des rives cercles d’argent allant s’élargissant sur le reflet noir laqué des bois profonds le silence seulement le bruit frais des gerbes d’eau rejaillissant quand elle s’y plonge un oiseau quelque part ». 

Les voyages

Grand voyageur, Simon rassemble des images du monde entier. 

Claude Simon à New York, coll. particulière

Simon est bouleversé par le paysage vertical des gratte-ciel de New York : «  Ils sont de couleur brune, rose, noire, ocre ou grise, s’estompant peu à peu à mesure que l’oeil descend, de sorte qu’ils semblent flotter, suspendus, verticaux, géométriques et sans poids, sur une base immatérielle, comme les sommets des  montagnes dans les lavis des peintres chinois, se profilant en taches d’encre tandis que les assises se diluent, se fondent dans un lavis gris perle »
(Les Corps conducteurs).


Les origines mythiques

Par le retour des personnages et des histoires, Simon finit par composer une version  mythique toujours renouvelée de ses origines et de sa vie.

Véranda rue de la Cloche d’or, coll. particulière

Cette photo regroupe la famille maternelle de Simon à la véranda de leur maison rue de la Cloche d’or à Perpignan. Dans L’Acacia, Simon y reconstitue la scène du départ de son père à la guerre en aout 1914 :  « mettant le pied à l’étrier, puis en selle, rassemblant les rênes dans une main, ajustant rapidement les plis de sa tunique tandis que l’ordonnance lâchait la bride, s’écartait, le pavé de la cour retentissant déjà du pas du cheval, le large dos barré par les deux courroies entrecroisées s’éloignant, puis, au moment de franchir le portail, le buste pivotant de trois quarts sur la selle, et tout ce qu’on put voir encore pendant une fraction de seconde ce fut le profil, la barbe carrée, le bras levé dans un dernier geste. »

Publié le 19/09/2013

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