Qui est à l’origine de la Fête des voisins ?
Un utilisateur d’Eurêkoi, service de réponses et recommandations à distance assuré par des bibliothécaires, souhaite connaître l’origine de la Fête des voisins qui a lieu chaque année à la fin mai et que célèbre le Centre Pompidou et la Bpi en 2024. Les bibliothécaires du réseau ont enquêté et partagent leurs sources.
Le 31 mai 2024, le Centre Pompidou célèbre la 25e édition de la Fête des voisins en France, occasion affirmée de partager un moment de convivialité avec les habitants du quartier. Mais qui est à l’origine de cette « Fête des voisins », qui n’est ni dans le calendrier religieux ni dans le calendrier républicain ? Et est-elle déclinée dans d’autres pays que la France ?
Origine et histoire de la première Fête des voisins en France
Quelle en est l’origine ?
- Sur le site officiel de l’événement figure cette présentation de la Fête des voisins, appelée aussi Immeubles en fête :
- « L’idée d’Immeubles en fête est née quand Atanase Perifan et un groupe d’amis créent en 1990 l’association “Paris d’amis” dans le 17e arrondissement de Paris pour renforcer les liens de proximité et se mobiliser contre l’isolement. »
- Bruno Blanzat, dans son article « D’où vient la Fête des voisins ? », daté du 29 mai 2018, sur le site de France Bleu, en indique la motivation principale :
« C’est vrai que 73 % des Français ont déjà rencontré de gros soucis avec leurs voisins. Dans l’ordre, ils sont gênés par les nuisances sonores, surtout la nuit, par les disputes des voisins, par leur stationnement gênant, par leurs ébats amoureux et par leur animaux envahissants. Alors, la Fête des voisins ne peut pas tout changer, mais elle semble améliorer les relations de voisinages selon Atanase Périfan. “On voit le voisin à travers un autre regard. Il peut devenir un ami. 83 % des Français sont prêts à rendre service à un voisin, une personne âgée, à s’entraider. C’est réjouissant.” »
- Pour en savoir plus sur ces motivations d’Atanase Perifan, initiateur de cette fête, on peut également consulter sur la plateforme Cairn.info l’article « Découvrir en l’autre un frère», par Atanase Périfan, Daniel Maciel et Alain Richard, Revue Projet, 329, 22-29, partie « Frères de palier ».
Chronologie de la Fête des voisins en France
- Une chronologie de cet événement est consultable sur le site de la Fête des voisins, introduite par ce texte :
« C’est à Paris, dans le 17e arrondissement, qu’est née la fameuse “Fête des voisins” (“Immeubles en Fête”), à l’initiative d’Atanase Perifan, président de l’association Paris d’amis, afin de créer du lien entre les habitants d’un même quartier. Commentaire sur images factuelles, interview de l’intéressé, et de participants. »
- Une archive vidéo du JT de Paris Île-de-France du 6 juin 1999, sur le site de l’Ina, retrace la naissance de la Fête des voisins pour sa toute première édition de 1999 dans le 17e arrondissement de Paris.
Le Good Neighbor Day aux États-Unis : un précédent de la Fête des voisins ?
Aux États-Unis, un jour est dédié nationalement au bon voisinage : le National Good Neighbor Day, le 28 septembre. Une première mention de ce jour apparaît dans un document tapuscrit où I. J. Strom Thurmond, gouverneur de l’État de Caroline du Sud proclame, le 23 décembre 1947, la date du 1er janvier 1948 comme Good Neighbor Day. L’action proposée ne consistait alors pas à faire une fête, mais à arborer le drapeau des Nations Unies et à prendre la résolution d’être un bon voisin dans sa communauté.
L’idée d’un National Good Neighbor Day fait ensuite l’objet d’une proclamation fédérale par le président Gérald Ford, le 1er juin 1976 (consultable sur le site de la bibliothèque et du musée Ford). Cette proclamation appelle notamment à mettre en place ce jour-là des activités encourageant chacun à être un bon voisin.
« NOW, THEREFORE, I, GERALD R. FORD, President of the United States of America J do hereby proclaim the fourth Sunday in September, the 26th of September 1976 as National Good Neighbor Day. I call upon every American man, woman and child, to be a good neighbor to those around them. I urge schools, churches, civic and community groups to engage in activities that will remind, encourage, and help each of us to be a good neighbor. And I call upon governors and mayors to urge their citizens to renew the good neighbor spirit. »
C’est pourquoi, moi, GERALD R. FORD, Président des États-Unis d’Amérique proclame par la présente le quatrième dimanche de septembre, le 26 septembre 1976, Journée nationale du bon voisinage. J’appelle chaque Américain, homme, femme et enfant, à être un bon voisin pour ceux qui l’entourent. J’invite les écoles, les églises, les associations et les collectivités à s’engager dans des activités qui rappelleront, encourageront et aideront chacun d’entre nous à être un bon voisin. Et je demande aux gouverneurs et aux maires d’exhorter leurs concitoyens à perpétuer l’esprit de bon voisinage.
(Traduit avec DeepL.com)
Ce jour de fête est ensuite entré dans la législation américaine en 1978, sous la présidence de Jimmy Carter, comme l’indique le kit de ressources de la bibliothèque 2023 National Good Neightbor Day, mis à disposition sur le site web cedarhilltx.com.
Déploiement de la Fête des voisins en France et au-delà
La Fête des voisins est une fête qui dépasse les frontières de l’Hexagone. Elle a lieu dans différents pays du monde, comme l’indique l’article de France Bleu :
« 30 millions de personnes participent à cette fête à travers le monde. Car la Fête des voisins est passée de française à européenne en 2003 puis à mondiale en 2007. »
En Europe
- Le site European Neighbours’ Day est consacré à cet événement. Il revendique son origine française :
« Depuis son lancement à Paris en 1999, la fête continue son ascension ; en effet elle a largement dépassé les frontières européennes et fait maintenant le tour du monde, célébrée par des millions de personnes : 1 450 partenaires villes, organisations de logement et associations dans 50 pays avec plus de 30 millions de participants. »
En Europe, 37 États prennent part à cette festivité : la France, la Belgique, l’Autriche, la Bosnie, la Bulgarie, Chypre, l’Estonie, le Royaume-Uni, l’Espagne, la Finlande, la Grèce, l’Irlande, l’Italie, l’Allemagne, la Lettonie, la Lituanie, le Luxembourg, le Danemark, la République de Malte, le Monténégro, la République tchèque, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Hongrie, la Serbie, la Suède, la Slovénie, la Slovaquie, l’Albanie, la Suisse, la Croatie, la Norvège, la Russie, l’Ukraine et la Turquie.
Dans le reste du monde
Le dossier de presse 2010 de la Fête des voisins sur le site european-neighbours-day.com dresse à la fois un bilan de cette fête, 10 ans après son lancement, mais aussi un panorama du déploiement de cette fête à travers l’Europe et le monde, en indiquant différentes adresses de sites nationaux célébrant cet événement. Par exemple :
- Au Mexique
Site provecino.org.mx, rubrique « Culture du bon voisinage », sous-rubrique « La Fête des voisins »
- En Australie
Site neighbourseveryday.org - ou encore aux Pays-Bas : burendag.nl
Le site World Neighbours Day met à disposition une carte du monde où sont référencés les pays organisant une Fête des voisins :
– En Amérique du Nord : le Canada et les États-Unis
– En Amérique latine : le Mexique
– En Afrique : le Cameroun et le Togo
– En Asie : l’Inde et le Japon
– En Océanie : l’Australie et la Nouvelle Zélande
Regards sociologiques sur cette Fête des voisins
Analyse du développement, des caractéristiques et des enjeux de cet événement
« Le mouvement se diffuse rapidement par proximité spatiale essentiellement dans les quartiers de maisons mitoyennes. Le succès repose sur la simplicité de la formule, celle d’un repas participatif et auto-produit. Ces repas valorisent la rue, favorisent la sociabilité de voisinage et entraînent une certaine territorialisation, même s’ils soulignent la préférence pour l’hyper-proximité. Malgré quelques abandons, ces repas devraient perdurer dans la mesure où ils répondent à un besoin de voisinage et de proximité face à l’étalement des pratiques urbaines et à la progression de l’anonymat. »
«Les repas de rue : émergence d’une nouvelle fête urbaine ou effet de mode ? L’exemple de Tours », par Éric Blin, Norois [Online], 207 | 2008/2.
Mise en question de l’impact réel de cette fête
- « Ce que la Fête des voisins nous révèle sur les relations sociales », par Lionel Francou, The Conversation, 25 mai 2019. Cet article interroge les motivations affirmées de cette fête, la volonté du vivre-ensemble notamment, tout en insistant sur l’importance de l’initiative citoyenne.
- « La convivialité : instrument du bien vivre ensemble dans les quartiers populaires ?», par Sarah Demichel-Basnier, Revue du MAUSS, 2021/1 (n° 57), p. 260-272.
« Les moments de convivialité dans les quartiers populaires peuvent être envisagés sous le sceau de la fête et de la « communion » humaine mais ils sont souvent investis d’un aspect normatif – le bien vivre-ensemble – de la part des pouvoirs publics, via notamment la Fête des voisins, qui affaiblit la portée conviviale et commune de ces initiatives. Il s’agit alors d’agir sur les habitants et non avec eux afin de normaliser les relations humaines au détriment de la transformation sociale. »
- « La Fête des voisins : un rituel conjuratoire ?», par Maxime Felder, Métropolitiques, 13 février 2020.
Dans cet article, le sociologue montre les mécanismes d’institution d’une communauté que cette fête met en œuvre, permettant de favoriser la familiarité et la mise en place de normes de bon voisinage. Mais il pointe aussi les limites d’un tel dispositif, évoquant un « rituel conjuratoire ».
Eurêkoi, Bibliothèque publique d’information
Publié le 15/05/2024 - CC BY-SA 4.0
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