Interview

Appartient au dossier : Cinéma du réel 2022

Panorama de la production documentaire en Afrique de l’Ouest
Entretien avec Michel Zongo

Cinéma - Économie et droit

Michel Zongo au Festival de Cine africano Cordoba, 2015 - CC BY-SA 2.0 sur FlickR

Le cinéaste et producteur Michel Zongo est directeur artistique du festival de cinéma documentaire Koudougou Doc, qui se tient chaque année en avril au Burkina Faso. Pour Balises, il dresse un panorama de la production documentaire contemporaine en Afrique de l’Ouest, avant de participer à une rencontre dans le cadre du focus sur le documentaire africain proposé par Cinéma du réel en 2022.

Existe-t-il à l’heure actuelle un écosystème de sociétés de production documentaires en Afrique de l’Ouest ?

Deux tableaux existent au niveau de la production, en ce qui concerne l’audiovisuel ouest-africain en général. Des sociétés de production s’installent et commencent à monter des projets sans attendre de grosses subventions ou aller sur le marché international. Leurs dirigeants sont très jeunes, souvent dans l’entrepreunariat, passionnés et autodidactes. Et puis, subsiste la production tournée vers des subventions et vers des partenaires au niveau de l’Afrique ou à l’extérieur de l’Afrique.

Les financements publics dédiés au cinéma se sont multipliés ces dernières années en Afrique. Quelle place laissent-ils à la création documentaire ?

En effet, quelques pays ont mis des fonds en place. Le documentaire est toujours derrière la fiction, mais des lignes budgétaires lui sont dédiées. D’ailleurs, on remarque souvent que quand les fonds soutiennent les documentaires, les films sont faits plus rapidement que les fictions, parce que les fictions demandent de gros budgets et d’autres partenaires, alors que le documentaire avec son budget raisonnable peut se faire plus aisément.

Comment les films documentaires ouest-africains sont-ils diffusés sur le circuit commercial ?

Le marché international est sans pitié pour les films à petits budgets, mais la plupart circulent dans les pays africains à travers des chaînes de télévision privées qui émergent et à travers la VOD, qui commence aussi à voir le jour. Ce n’est pas au même niveau que certains continents mais les nouveaux médias, les nouvelles façons de produire émergent tout de même.

La diffusion en salles est plus compliquée. D’abord, les salles de cinéma n’existent pas dans tous les pays. Le réseau de salles Canal Olympia existe désormais pratiquement dans toute l’Afrique de l’Ouest – Burkina, Sénégal, Côte d’Ivoire, Togo, Bénin… Mais ce n’est pas un grand réseau non plus. Quoi qu’on en dise, le cinéma documentaire souffre de sa fragilité en termes de distribution.

Les documentaires sont-ils diffusés en festivals ?

Effectivement, le documentaire alimente pas mal les festivals sur le continent. Beaucoup de festivals sont dédiés aux documentaires, et des festivals de cinéma intègrent le documentaire dans leur programmation. D’ailleurs, le public premier du documentaire est surtout dans les festivals en Afrique de l’Ouest.

Des ateliers d’écriture sont menés dans les festivals. Quelle place ont-ils dans le soutien à la création documentaire ?

Effectivement, il y a pas mal de résidences et elles sont une formidable opportunité pour les acteurs du cinéma documentaire. Au Burkina, nous en proposons à Koudougou Doc mais il y en a aussi par exemple à Ciné Guimbi, à Bobo-Dioulasso. Il y en a aussi en Côte d’Ivoire. 

À Koudougou Doc, cette résidence tient une grande place parce que, pour nous, elle est aussi le canal par lequel intéresser au documentaire de jeunes auteurs qui cherchent des opportunités ou des espaces pour s’exprimer. Nous accueillons entre huit et dix participants chaque année, qui arrivent avec un projet en écriture. Ils ont des mentors qui les font réfléchir sur les problématiques et les enjeux, les formes d’écriture et les formes cinématographiques, sur l’expression, sur la technique. Ensuite, l’idée est que les films soient produits sur le continent.

Des écoles de cinéma sont-elles implantées aujourd’hui en Afrique de l’Ouest ?

Oui, de plus en plus d’initiatives se montent, qu’elles soient publiques ou privées. Une école de cinéma au Burkina Faso, l’Institut supérieur du son et de l’image (ISIS), existe depuis une quinzaine d’années. Il y a une école au Bénin, une autre au Ghana. Au Sénégal, un centre de formation pour la post-production s’est créé, le Centre Yennenga.

Il y a aussi des formations plus courtes de remise à niveau. Je pense par exemple à l’Institut Imagine, monté par le cinéaste Gaston Kaboré à Ouagadougou, qui depuis des années propose de former les jeunes et de renforcer les compétences des professionnels.

À quels publics sont destinés les documentaires africains ?

Cela dépend beaucoup de l’auteur. Personnellement, quand je réalise des films, je traite de prime abord de problématiques liées au Burkina. Mais en même temps, j’interroge l’humain et, pour moi, ce qui concerne l’humain concerne tout le monde. Mes films partent d’une réalité locale mais pas singulière. Ils interrogent la gouvernance internationale, l’environnement, les droits des hommes. Même si cela part de problématiques africaines, cela s’étend sur une relation universelle indéniable parce que le point de vue d’un auteur tend vers l’universel.

Publié le 14/03/2022 - CC BY-NC-ND 3.0 FR

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Elle se donne notamment pour but d’affirmer une écriture critique africaine et améliorer sa visibilité, inscrire la critique africaine dans la critique internationale, se former par la confrontation critique, soutenir la cinéphilie, éclairer et accompagner les productions africaines par une réflexion argumentée. Elle a pour principale vitrine le site Africiné soutenu par le Fonds des inforoutes de l’Agence intergouvernementale de la Francophonie.

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