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Appartient au dossier : Portraits d’artistes en exil

Portraits d’artistes en exil #2 : Carlos Lutangu Wamba

Carlos Lutangu Wamba est un artiste né en 1990 à Kinshasa, en République démocratique du Congo. Contraint de fuir son pays pour des raisons politiques, il réside en France depuis 2017. Pour Balises, il retrace son parcours d’artiste et décrit la première œuvre qu’il a réalisée en France, en écho au cycle « Migrants, réfugiés, exilés » organisé par la Bpi en 2022.

Une tête tenue à bout de bras
Carlos Lutangu Wamba, Le Penseur © Carlos Lutangu Wamba, 2017

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« Quand j’étais petit, j’aimais beaucoup dessiner et travailler avec mes mains. Alors, avec mes parents, nous avons décidé que j’entrerais aux Beaux-Arts. J’ai donc passé un baccalauréat artistique à l’Institut des Beaux-Arts de Kinshasa, en République démocratique du Congo, puis je suis allé à l’Académie des Beaux-Arts, avec option sculpture. En 2014, j’ai obtenu une licence en Arts plastiques. Puis j’ai adhéré à un parti d’opposition, l’UDPS. Comme j’avais une formation artistique, ils ont profité de mes compétences en me donnant la responsabilité d’une section culture et art. En plus d’être mobilisateur, j’y faisais les banderoles, des tracts, des tee-shirts… En 2017, à la suite de menaces de mort et de persécutions, ma famille a décidé de me faire quitter le pays car j’étais en danger, mais je ne savais pas que je partais en France.

Cette sculpture est la première que j’ai faite en France. Quand je suis arrivé à l’Atelier des artistes en exil, c’était le tout début. Il n’y avait pas de moyens, pas de matériaux, il fallait travailler avec les moyens du bord. Je n’avais pas d’argile ni de bois, j’ai donc récupéré des papiers journaux. À cette période, j’habitais en province. Sur mon trajet jusqu’à l’Atelier, à Paris, je ramassais les papiers dans les poubelles pour faire du papier mâché, en les mélangeant avec de la colle. À l’intérieur de la sculpture, il y a une armature en fer pour donner la forme, et du métal dans le socle pour la soutenir, car la sculpture fait 90 cm de haut sur 30 cm de large. J’avais fait un croquis puis j’ai sculpté directement.

Cette sculpture est inspirée par mes conditions de vie, à mon arrivée en France. Je suis arrivé à Beauvais, et j’ai passé une semaine dans la rue. Avec des amis rencontrés sur place, nous avons trouvé un garage abandonné, des matelas… malgré cela, j’avais froid et je n’arrivais pas à dormir. Je faisais des nuits blanches, je pensais à mon pays et à ma famille. Là-bas, je dormais dans de bonnes conditions. Certains rêvent que la France est un paradis, mais pour moi, c’était un enfer. Ce sont ces pensées qui m’ont inspiré cette sculpture, que j’ai appelée Le Penseur. C’est en quelque sorte un autoportrait.

Pour moi, l’art traditionnel est une richesse et je le mélange avec l’art contemporain. Comme je suis originaire du royaume Kongo, je me suis inspiré d’une statue du peuple kongo pour réaliser cette sculpture. Cette statuette s’appelle Nkodi. Elle a des capacités de médiation et joue un rôle pendant les initiations. On la sort pour les mariages, les conseils royaux, les funérailles… Ces statuettes sont des objets sacrés qui ont, pour nous, une dimension spirituelle, ce sont des fétiches. J’ai pris cette statue, j’ai gardé la forme de son visage, j’ai ajouté des mains et le socle, pour parler d’un moment important pour moi. J’ai voulu faire une symbiose entre culture française et culture kongo. »

Publié le 07/03/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Portrait d'artiste | Atelier des artistes en exil, 2018

Rencontre en vidéo avec Carlos Lutangu Wamba, sculpteur né à Kinshasa en République Démocratique du Congo (RDC), filmé en train de travailler sur son dernier projet dans son studio à l’Atelier des artistes en exil.

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