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Appartient au dossier : Le petit monde de Posy Simmonds

Posy Simmonds en 5 BD

Dessinatrice de presse réputée depuis les années 1970 au Royaume-Uni, Posy Simmonds n’a longtemps été connue en France que pour quelques albums jeunesse. Sa renommée est désormais bien établie, auprès de ses pairs comme du grand public. Balises vous présente 5 œuvres de cette singulière artiste britannique, à l’occasion de l’exposition « Posy Simmonds, dessiner la littérature » que lui consacre la Bpi à partir de novembre 2023.

Publié le 30/10/2023 - CC BY-SA 4.0

Lulu et les bébés volants

Posy Simmonds
Hatier, 1988

Posy Simmonds est moins connue, en France, pour ses livres jeunesse que pour ses bandes dessinées ou ses strips dans la presse. C’est pourtant avec Lulu et les bébés volants, un album pour enfants, qu’elle est pour la première fois traduite en français en 1988. On y fait la connaissance de Lulu, une petite fille visiblement pas très contente. Elle, tout ce qu’elle veut, c’est aller jouer au parc. Mais les circonstances semblent réunies pour la contrarier. Il faut d’abord attendre que ses parents finissent de préparer son petit frère, subir les compliments de vieilles dames dans la rue sur ce même petit frère, et finalement, impossible de rester dans le parc à cause de la neige, le petit frère pourrait prendre froid… On va donc passer la journée au musée, malgré les protestations de Lulu, qui décide de bouder sur un banc.

Alors que son père part sans elle, elle fait la connaissance de deux bébés volants sortis d’un tableau. La petite fille les suit et, avec elleux, commence à voyager de tableau en tableau. Les trois aventurier·ères pataugent ainsi au bord de la mer, dégustent les fruits d’une nature morte et patinent sur la glace… avant de se perdre au fond d’une sombre forêt. Mais chacun·e finit par retrouver son papa et tout est bien qui finit bien…

Cet album de Posy Simmonds contient déjà tout ce qui fait le charme de son travail : une ligne claire, un dessin chaleureux, une attention aux détails, un humour délicat et des personnages attachants, bien que pas forcément aimables au premier abord. On le relit toujours avec autant de plaisir, trente-cinq ans après sa sortie !

Gemma Bovery

Posy Simmonds
Denoël Graphic, 2000

Gemma Bovery est morte depuis bientôt trois semaines et Raymond Joubert ne s’en remet pas. Il faut dire que le boulanger, établi dans le petit village normand de Bailleville et narrateur du premier roman graphique de Posy Simmonds, n’a pas rendu la vie facile à la jeune Britannique, venue s’établir dans la maison voisine quelques mois plus tôt. Dans une suite de récits enchâssés, Joubert raconte alors la vie de Gemma, en s’appuyant sur plusieurs tomes du journal intime qu’il a volé chez elle, et sur ce que lui confie Charlie, son compagnon. 

Alternant entre présent et différentes périodes passées, cette adaptation libre du Madame Bovary de Gustave Flaubert (1856) décrit donc la rencontre entre Gemma et Charlie, leur difficile cohabitation londonienne avec l’ex-compagne et les enfants de ce dernier, leur déménagement en Normandie et ce qui s’ensuit : le désenchantement de Gemma, sa liaison avec un jeune châtelain, ses retrouvailles avec son ancien amant, et comment tout cela mène à sa fin tragique.

Tout en hauteur, les planches crayonnées en noir et blanc de Posy Simmonds foisonnent de textes et de détails graphiques, qui font dialoguer les temporalités et les niveaux de lecture. Les références à la littérature classique côtoient les pastiches de roman photo et le drame le dispute à l’humour dans cette subtile satire de la conjugalité hétérosexuelle et de la vie rurale à la française, d’abord publiée en feuilleton dans le Guardian, puis adaptée au cinéma en 2014.

À la Bpi, niveau 1, RG SIM G

Literary Life. Scènes de la vie littéraire

Posy Simmonds
Denoël Graphic, 2014

Confronté·es à la page blanche, en proie aux doutes et à la jalousie, les écrivain·es exercent un métier glorifié mais risqué. Leur vie entière tourne autour de leur travail de création, puis de la promotion de leur œuvre, à grand renfort de signatures, cocktails et conférences. Heureusement, iels bénéficient du soutien de leurs proches et de leur éditeur·rice, dont iels abusent parfois. Mais si tout cela était futile ? Si le prestige du monde littéraire n’était entretenu que par une élite intellectuelle ? Déjà, les conseiller·ères de la librairie Wintergreenes constatent le transfert de leur clientèle vers les mégastores.

Posy Simmonds relate les affres et les tourments des gens de lettres avec un humour corrosif, dans cette compilation de scènes de la vie littéraire réalisées pour The Guardian entre 2002 et 2005. Ses chroniques en une planche, livrées au rythme d’une par semaine, adoptent des formats très variables : en un dessin ou en plusieurs cases, en noir et blanc ou en couleur, sous forme de tutoriel, de quiz, ou de séries. Plusieurs personnages sont récurrents : les libraires de Wintergreenes, mais aussi Rick Raker, l’agent spécial et le Docteur Derek, médecin des écrivain·es en détresse, héros de pastiches de roman-photo ou de soap opera. Posy Simmonds développera ces observations piquantes du monde littéraire dans plusieurs de ses romans graphiques.

À la Bpi, niveau 1, RG SIM L

Tamara Drewe

Posy Simmonds
Denoël Graphic, 2008

Nichée dans la campagne anglaise, la résidence de Stonefield offre aux aspirant·es écrivain·es un cadre propice à la concentration. Sa propriétaire, la discrète Beth Hardiman, dirige avec efficacité cette ancienne ferme reconvertie en chambre d’hôtes. Beth peut compter sur l’aide intermittente d’Andy Cobb, un jardinier issu d’une famille d’agriculteur·rices. Elle doit toutefois composer avec la négligence et les infidélités de son mari Nick, un romancier à succès dont elle gère la carrière – ainsi que le remarque Glen Larson, un universitaire américain en villégiature, à la curiosité parfois mal placée. Ce fragile équilibre est bouleversé par l’arrivée de Tamara Drewe : la jeune citadine, qui vient d’hériter d’une résidence dans la région, fait tourner la tête de ses voisins autant qu’elle suscite la curiosité des adolescentes du village.

Dans ce deuxième roman graphique, Posy Simmonds renoue avec les ingrédients qui ont fait le succès de Gemma Bovery : s’inspirant cette fois d’un classique de la littérature anglaise – Loin de la foule déchaînée, de Thomas Hardy (1874) –, elle passe de la dérision à la compassion pour ses personnages et continue d’interroger, en creux, l’évolution du monde rural et de la condition féminine au Royaume-Uni. Elle pose aussi un regard amusé sur le petit monde des écrivain·es et des journalistes, rappelant en cela les chroniques de Literary Life. Alternant entre plusieurs gammes chromatiques, narrateur·rices et niveaux de langage, Tamara Drewe peut aussi se lire page par page, comme un feuilleton, au rythme de sa publication initiale dans le Guardian.

À la Bpi, niveau 1, RG SIM T

Cassandra Darke

Posy Simmonds
Denoël Graphic, 2019

Depuis le départ de son époux, Cassandra Darke vit seule… et elle en est ravie. Directrice d’une galerie d’art, financièrement très à l’aise, elle évolue engoncée dans une chapka, indifférente aux autres, dans un Londres en proie au déclin post-Brexit. Mais les choses se gâtent peu à peu : si peu soucieuse d’éthique qu’elle s’est livrée à quelques copies illégales de sculptures, la voilà découverte et jugée. L’arrivée de sa nièce Nicki, qu’elle accepte d’héberger contre divers services domestiques, vient bouleverser encore l’égoïsme tranquille de Cassandra. 

Inspirée par Un chant de Noël de Charles Dickens (1843), Cassandra Darke transpose au 21e siècle le triste univers londonien du romancier britannique. Posy Simmonds décrit dans les moindres détails la ville rongée par la misère, où le luxe subsiste par endroits, pour quelques personnes aisées. Cassandra, misanthrope et cynique, est la révélatrice des injustices et de l’insensibilité qui les produit. Cependant, au fil du récit, on la découvre aussi plus désespérée qu’il n’y paraît : au terme d’une vie conforme à ses attentes sociales, mais sans relief, elle regrette les joies qu’elle s’est refusées. L’autrice s’amuse manifestement à mettre sur son chemin des personnages et des obstacles qui la conduiront à révéler l’humanité qu’elle a tant dissimulée et à faire preuve d’un courage inattendu. 

À la Bpi, niveau 1, RG SIM C

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