Sélection

Simon Hantaï au Centre Pompidou
(22 mai au 2 septembre 2013)

Peintre français d’origine hongroise, Simon Hantaï (1922-2008) est célèbre pour ses toiles pliées et dépliées aux couleurs éclatantes. La grande diversité de son art reste toutefois encore méconnue. Pour la première fois, la rétrospective du Centre Pompidou (exposée du 22 mai au 2 septembre 2013) réunit 130 peintures, créées à partir de 1949 jusqu’aux années 1990. C’est l’occasion rare de découvrir ou relire l’œuvre d’une vie : celle d’un explorateur, d’un chercheur de lumière et d’infini. Nous vous proposons une sélection de documents consultables à la Bpi sur l’une des figures majeures de l’abstraction.

affiche de l'expositionPeindre les yeux fermés

Simon Hantaï naît en 1922 à Bia (Hongrie). Il étudie  à l’Ecole des Beaux-Arts de Budapest avant de s’installer à Paris en 1948 avec sa femme Zsuzsa. Son parcours artistique est marqué par la réflexion et  l’expérimentation, par les changements et les phases de retrait et de silence.
Les années 50 sont une période de maturation, de « digestion » : exploration surréaliste avec André Breton, automatisme gestuel sous l’influence de Jackson Pollock, peintures à écritures et petites touches. En 1956, Jean Fournier devient son galeriste. À partir de l’automne 1958, l’artiste se consacre pendant toute une année à Écriture rose : une œuvre-charnière faite d’écritures et de signes. Il réalise en parallèle A Galla Placidia.
Dès 1960 débute la période du pliage. Le peintre utilise la toile brute non tendue, la plie, la froisse puis l’enduit de couleur, « à l’aveugle ». Une fois la toile dépliée, l’œuvre se révèle : le dessin et la couleur naissent de la répartition aléatoire des zones peintes (extérieur du pli) et non-peintes (intérieur du pli). L’artiste définit le « pliage comme méthode », pratique minimaliste qui intègre le hasard et tient à distance le talent et le geste expressif. Il travaille par séries : Mariales de 1960 à 1968, Meuns en 1969, Blancs en 1973 et 1974, Tabulas à partir de 1974.
En 1976, sa première rétrospective a lieu au Musée national d’art moderne à Paris. Il expose en 1981 de grands formats au CAPC à Bordeaux avant de représenter la France à la Biennale de Venise en 1982. Au faîte de sa consécration, il se retire volontairement de la scène artistique, se refusant à exposer sauf en de rares occasions. Dans les années 90, il revient sur ses peintures par la découpe et la sérigraphie. Il décède à Paris en 2008, à l’âge de 85 ans.
Inspiré par Cézanne, Matisse et Pollock, Simon Hantaï a mené une réflexion sur le dessin et la couleur, la composition et le support, le peint et le non-peint, l’espace et le temps. Démarche qui, dans les années 60, influence Daniel Buren et de jeunes artistes du groupe Supports/Surfaces.

Simon Hantaï : artiste peintre, reportage de Pierre Desfons et Béatrice Caufman, avec la collaboration de Dominique Fourcade, Ina, 1981, vidéo, 14min 34s.
Le peintre évoque sa carrière, ses projets, ses théories picturales. Dans son atelier il montre sa peinture sur d’immenses tissus qu’il déploie par terre.

Il a dit

« Je peins à l’aveugle, à tout hasard, jetant le dé ».

« Le pliage ne procédait de rien. Il fallait simplement se mettre dans l’état de ceux qui n’ont encore rien vu ; se mettre dans la toile. On pouvait remplir la toile pliée sans savoir où était le bord. On ne sait plus alors où cela s’arrête. On pouvait même aller plus loin et peindre les yeux fermés ».

« Il y a quinze ans, je me suis placé en dehors. Je me suis retiré du centre, parce que vouloir se placer au centre n’a aucun sens, interdit d’avoir une vision critique. Il ne reste qu’une fonction sociale. Alors, je suis rentré dans l’atelier, sans considération du marché, librement. C’était la seule solution. Sinon la peinture devenait  de la chose, du produit. » Extrait article Ph. Dagen, Le Monde, 16/03/1998.

Publié le 11/09/2014 - CC BY-SA 3.0 FR

Sélection de références

La rétrospective

Simon Hantaï : l'exposition [Paris, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou. 2013]

Ajac, Bénédicte ; Centre national d'art et de culture Georges Pompidou
Ed. du Centre Pompidou, 2013

Parcours en images de l’exposition, avec une sélection de ses œuvres majeures, éclairées de courts textes.
A la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

Simon Hantaï [exposition, Paris, Centre national d'art et de culture Georges Pompidou, du 22 mai au 9 septembre 2013]

Fourcade, Dominique ; Monod-Fontaine, Isabelle ; Pacquement, Alfred ; Centre national d'art et de culture Georges Pompidou Paris
Ed. du Centre Pompidou, 2013

Catalogue sous la direction de Dominique Fourcade, Isabelle Monod-Fontaine et Alfred Pacquement. Riche de plus de 300 illustrations couleurs et de contributions des plus grands spécialistes, l’ouvrage est la référence sur le travail de Simon Hantaï et comble l’absence d’une monographie complète sur l’artiste.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

Nouvelle fenêtre vers Youtube

Dominique Fourcade relate la préparation de l'exposition

Dominique Fourcade, co-commissaire de la rétrospective Simon Hantaï relate la préparation de l’exposition (vidéo, 18′ 58 »)

« ..il fallait comprendre la logique interne de son oeuvre, de période en période, les liens d’un période à une autre, les passages, les raisons d’être, et la grande poésie qui dirige tout ça… »

Influences

Cézanne, Matisse et Pollock sont les maîtres revendiqués par l’artiste qui se nourrit de leurs questionnements et expérimentations sur le dessin et la couleur. Il partage ses admirations avec Jean Fournier, son fidèle galeriste qui défend son oeuvre depuis sa première exposition en 1956.

Hommage à Jean Fournier, marchand à Paris (1922-2006) : la couleur toujours recommencée [exposition, Montpellier, musée Fabre, 10 févr.- 6 mai 2007]

Ameline, Jean-Paul
Actes Sud ; Musée Fabre, 2007

De 1954 à 2006, Jean Fournier a occupé une place essentielle sur la scène artistique française. Sa galerie fut un lieu d’échanges, où artistes français et nord-américains se sont réunis autour d’une conception commune de la peinture, placée sous le signe de la couleur. Jean Fournier a montré et soutenu très tôt des peintres américains venus s’installer en France comme James Bishop, Sam Francis, Shirley Jaffe et Joan Mitchell. Il a surtout accompagné l’évolution de Simon Hantaï en présentant régulièrement son travail. A partir des années 60, Jean Fournier a aussi participé à la découverte d’une nouvelle génération, dont Supports/Surfaces et BMPT, et accompagné l’émergence de jeunes peintres. Aujourd’hui, après la disparition de son fondateur, la Galerie Jean Fournier continue son activité au 22, rue du Bac à Paris.

À la Bpi, niveau 3, 7.4 FOUR

Ils ont regardé Matisse : une réception abstraite : Etats-Unis/Europe : 1948-1968 [exposition, musée départemental Matisse du Cateau-Cambrésis, du 15 mars au 14 juin 2009]

Chassey, Éric de ; Ovaere-Corthay, Emilie ; Musée Matisse ; Le Cateau-Cambrésis, Nord
Gourcuff Gradenigo, 2009

L’exposition analyse comment certaines problématiques développées par Matisse (pouvoir décoratif de la couleur, monumentalité, simplification du dessin) ont été assimilées dans les œuvres des expressionnistes abstraits américains, permettant aux deux générations suivantes, aussi bien aux Etats-Unis qu’en Europe, de les utiliser et de les intégrer dans leurs propres démarches. Ces générations ont principalement compris Matisse à travers une interprétation abstraite de son oeuvre, ignorant presque totalement son utilisation de la figuration, tout en donnant un nouveau sens à la notion du décoratif que leurs prédécesseurs avaient rejetée.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » MATI 2

L'atelier de Jackson Pollock

Namuth, Hans (1915-1990)
Macula, 1982

Simon Hantaï a perçu très tôt la radicalité de l’œuvre de Jackson Pollock. Celui-ci n’utilise plus de pinceaux, il laisse couler la peinture (dripping) à l’aide d’un bâton ; il pose la toile par terre et tourne autour. La peinture est répartie sur toute la surface de la toile, c’est le « all over » qui abolit la distinction traditionnelle entre fond et forme.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » POLL 2

Lecture, écriture

Durant une année entière (1958-1959), Simon Hantaï réalise une toile faite d’écritures. Exercice spirituel, travail d’introspection, réexamen d’une décennie de travail, Ecriture rose constitue une oeuvre majeure. Lorsqu’il se retire de la scène artistique, il se consacre à la lecture et la correspondance avec des philosophes et théoriciens comme Jacques Derrida, Jean-Luc Nancy, Georges Didi-Huberman… Inlassablement, il continue son questionnement sur la peinture et la philosophie.

Jamais le mot créateur... : correspondance, 2000-2008

Hantaï, Simon ; Nancy, Jean-Luc
Galilée ; Archives Simon Hantaï, 2013

Cet ouvrage rassemble une partie de la correspondance échangée entre le philosophe Jean-Luc Nancy et le peintre Simon Hantaï. Des documents, des textes où l’artiste parle de son travail et de son histoire, ainsi que des travaux anciens sont rattachés à ces lettres.

À la Bpi, niveau 3, 70″19″ HANT 1

La connaissance des textes : lecture d'un manuscrit illisible : correspondances

La connaissance des textes : lecture d'un manuscrit illisible : correspondances

Hantaï, Simon ; Derrida, Jacques ; Nancy, Jean-Luc
Galilée, 2001

Simon Hantaï, pour accompagner un livre de Jacques Derrida sur Jean-Luc Nancy (Le Toucher, Jean-Luc Nancy, Galilée, 2000), a réalisé une série de travaux nommés par lui-même « de lecture » – écrivant les uns sur les autres des textes des deux philosophes, en encres de couleurs diverses, sur des toiles de baptiste froissées dont il encollait les plis. Dans cet exercice de copie suspendu entre plastique et graphie, entre écriture et peinture, Hantaï désigne sa « matière de connaître les textes ». Comme si la patience de former les lettres jusqu’à les enfouir dans les plis de la toile et dans les brisures de leurs lignes devenant illisibles venait toucher à la lisibilité excessive du sens lui-même.

À la Bpi, niveau 2,1″4″ NANC 1

Le tablier de Simon Hantaï : annagrammes ; suivi de H.C. S.H. lettres

Cixous, Hélène
Galilée, 2005

En se penchant sur Ecriture rose, Hélène Cixous explore le processus créatif dans les domaines de la littérature et de la peinture. « C’est le tout autre tableau. Il n’y en a qu’un. Il n’y en a pas d’autre. C’est le premier ou le dernier. Celui qui va. À la lettre. À la ligne. Il va jusqu’à la fin de l’an entre les ans, et il revient de l’avent à l’avent. C’est l’avent de Hantaï, son avance infinie sur tout tableau, sur peindre et la peinture, sur lui-même d’abord. C’était en 1958 et 1959. Il s’est mis à peindre le temps. La date devient La Date, le donné de toute date. Ce tableau est fait d’encres noire, violette, rouge, verte du matin au soir trois cent soixante cinq fois, jamais de rose. »

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

Essais, études

Le pli : Leibniz et le baroque

Le pli : Leibniz et le baroque

Deleuze, Gilles
Ed. de Minuit, 1988

Le pli a toujours existé dans les arts ; mais le propre du Baroque est de porter le pli à l’infini. Si la philosophie de Leibniz est baroque par excellence, c’est parce que tout se plie, se déplie, se replie. Sa thèse la plus célèbre est celle de l’âme comme “ monade ” sans porte ni fenêtre, qui tire d’un sombre fond toutes ses perceptions claires : elle ne peut se confondre que par analogie avec l’intérieur d’une chapelle baroque, de marbre noir, où la lumière n’arrive que par des ouvertures imperceptibles à l’observateur du dedans ; aussi l’âme est-elle pleine de plis obscurs. Pour découvrir un néo-baroque moderne, il suffit de suivre l’histoire du pli infini dans tous les arts : “ pli selon pli ”, avec la poésie de Mallarmé et le roman de Proust, mais aussi l’œuvre de Michaux, la musique de Boulez, la peinture de Hantaï.
À la Bpi, niveau 2, 1″4″ DELE 1 et niveau 3, 704-5 DEL

À écouter :

Gilles Deleuze et le Pli : Les Nouveaux chemins de la connaissance, France Culture, invité Elie During, maître de conférences en philosophie à l’Université Paris-Ouest, 13/09/2010
http://blog.franceculture.fr/raphael-enthoven/gilles-deleuze-et-le-pli-1/
Emission radiophonique en écoute sur le blog « La philosophie avec Raphaël Enthoven »

L'étoilement : conversation avec Simon Hantaï

Didi-Huberman, Georges
Ed. de minuit, 1998

Cet essai, né de la conversation entre l’artiste et le philosophe dans l’espace de l’atelier a été publié à l’occasion de l’exposition de 1998. « Cela fait longtemps que Hantaï refuse de « communiquer ». Bien rares sont les travaux consacrés à son œuvre où les motifs du retrait, de la réserve et du silence, ne viennent pas d’emblée, au premier plan ». Le travail extrême de l’artiste sur la toile est présenté comme une fable d’objets textiles – le filet, la maille, le tablier, la faille, la serpillère, le linceul, etc. – où se raconte l’accouchement du tableau, son entoilement, jusqu’à l’étoilement généralisé qu’impose à nos regards la peinture de Hantaï.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

Penser la peinture : Simon Hantaï

Warnock, Molly
Gallimard, 2012

L’auteur enseigne l’histoire de l’art à Université de Chicago, elle propose une nouvelle lecture de l’œuvre de Simon Hantaï. Ses tableaux abstraits, réalisés par la méthode du pliage à partir du début des années 1960, sont considérés comme une réponse définitive à l’oeuvre de Jackson Pollock, et ont influencé de nombreux artistes français à leurs débuts, de Daniel Buren aux peintres de Supports/Surfaces. Mais jusqu’à présent, l’intérêt très largement partagé accordé aux pliages n’a pas réussi à expliquer de façon convaincante la genèse et le développement dans le temps de cette technique. L’auteur a nourri sa réflexion de nombreuses conversations avec Hantaï et l’a fondée sur des recherches approfondies, notamment dans les archives de l’artiste et de la galerie Jean Fournier.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

Simon Hantaï

Baldassari, Anne
Centre Georges Pompidou, 1992

Essai sur l’œuvre de l’artiste, de sa période surréaliste aux Tabulas. L’auteur rend compte du compagnonnage de l’artiste avec les peintres, poètes, philosophes d’hier et d’aujourd’hui, comme Samuel Beckett, Maurice Blanchot, Paul Celan, Paul Cézanne, Jacques Derrida, Gilles Deleuze, Henri Matisse, Henri Michaux, Jackson Pollock, etc.

À la Bpi, niveau 3, 70 « 19 » HANT 2

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