Sélection

Appartient au dossier : Les frères Maysles, le spectacle de la vie

Trois films des frères Maysles

Des frères Maysles, le public connaît surtout leurs films sur la musique What’s Happening, The Beatles in the USA ou Gimme Shelter, ou encore les titres emblématiques de leur filmographie Grey Gardens et Salesman.
Dans la longue liste des documentaires qu’ils réalisent ensemble ou dont Albert est l’auteur après la mort de son frère David, beaucoup d’autres mettent en avant des personnages originaux et certains se démarquent par le sujet qu’ils abordent.

Notre sélection vous propose trois films : deux portraits et un documentaire sur un sujet de société. Ils montrent la diversité esthétique du travail des frères Maysles, tout en maintenant le fil rouge de ce cinéma vérité, caractéristique de leur œuvre. La variété des sujets qu’ils abordent montre aussi leur ouverture sur le monde et leur ancrage dans leur époque.

Publié le 28/05/2019 - CC BY-NC-SA 4.0

Sélection de références

Meet Marlon Brando

David Maysles, Albert Maysles et Charlotte Zwerin
Maysles Films, 1966

Pas facile d’interviewer Marlon Brando ! C’est pourtant ce que tentent les journalistes qui profitent de la présence du monstre du cinéma dans un hôtel new-yorkais pour essayer d’en savoir plus sur Morituri (1965), le dernier film dans lequel il occupe le rôle principal.
Les reporters se succèdent pour faire parler la star et tentent de recueillir son point de vue sur divers sujets de société : les médias, la célébrité, son métier d’acteur. Mais ils peinent à obtenir des informations, tant Brando, entre amusement et agacement, joue avec ses interviewers. Mâle dominant et charmeur sarcastique, l’acteur tourne en dérision les questions qui lui sont posées, en particulier par les femmes journalistes avec qui il entreprend un jeu de séduction déconcertant. L’acteur occupe tout l’espace et subjugue par son jeu inimitable drôle et grotesque, tout en provoquant l’hilarité de son auditoire, adoratif.

Dans ce court documentaire, les frères Maysles saisissent l’ambivalence du mastodonte Brando et révèlent l’imposante personnalité d’une icône ancrée dans son époque.

Abortion : Desperate Choice

Albert Maysles, Deborah Dickson et Susan Froemke
Maysles Films, 1992

Abortion : Desperate Choice commence par un rappel : depuis la naissance des États-Unis jusqu’à la fin du 19e siècle, les femmes disposent d’environ quatre mois pour décider d’interrompre leur grossesse. Dans les années 1880, la Cour Suprême interdit l’avortement dans tout le pays. Pourtant, à la moitié du 20e siècle, plus d’un million d’avortements clandestins sont pratiqués chaque années, entraînant bien souvent des conséquences dramatiques pour ces femmes dont le corps est rudement, et parfois fatalement, mis à l’épreuve. En 1973, la Cour prononce l’arrêt Roe v. Wade qui rend l’avortement légal dans l’ensemble du pays. Mais des lois locales restreignent la loi fédérale, notamment en dépourvoyant les structures de moyens. En 1992, quand le film est réalisé, l’avortement est plus que jamais un sujet controversé aux États-Unis.

Albert Maysles, Deborah Dickson, Susan Froemke rencontrent des femmes dans les couloirs d’une clinique et écoutent leurs histoires : sans emploi, sans logement, se sentant trop jeunes ou dépassées, seules ou entourées, toutes ont choisi de mettre un terme à leur grossesse. Le film montre le cheminement qui les conduit à cette décision difficile et souligne leur courage et leur détermination à disposer librement de leur corps.
Ces récits croisent ceux de femmes qui ont vécu à une époque où l’avortement était illégal. Elles racontent les difficultés qu’elles ont rencontrées et les violences, parfois très lourdes, dont elles ont été victimes lors d’IVG clandestins. Ces allers-retours dans le temps montrent les évolutions et les régressions du débat. En parallèle, le film brosse le portrait d’une jeune femme qui milite de pied ferme contre l’avortement. Visage d’un mouvement pro-vie très actif, elle met toute son énergie à combattre les militants pro-choix, en alimentant un débat aussi absurde que complexe.
Les réalisateurs font le choix de ne rien laisser au hasard et dévoilent une intimité inconfortable en livrant des images particulièrement difficiles à regarder, tant la violence physique et psychologique y est présente.
Ce film, troublant à bien des égards, indique un tout autre aspect du cinéma d’Albert Maysles.

Iris

Albert Maysles
Maysles Films, Magnolia Pictures, 2014

Iris Apfel a 93 ans lorsqu’Albert Maysles entreprend de la suivre dans son quotidien. Figure incontournable dans le milieu de la mode, la new-yorkaise est connue pour son impressionnante collection de vêtements et pour les tenues excentriques pensées avec précision qu’elle porte lors des événements mondains auxquels elle est conviée partout dans le monde.
Iris cultive sa passion pour la mode, depuis l’enfance. Toute sa vie durant, elle collecte aussi bien des pièces de grandes marques de créateurs, que des bijoux, étoffes et autres colliers ethniques, dénichés lors de ses voyages ou de ses sessions shopping dans les bazars de Harlem. Elle est aussi une femme d’affaires hyperactive qui cumule les collaborations avec des couturiers, des institutions ou des magazines. L’ancienne décoratrice, qui a notamment œuvré à la Maison Blanche, a aussi été à la tête d’une entreprise de textile avec son mari Carl, et mène de front depuis toujours plusieurs chantiers.

Albert Maysles construit le portrait de cette femme extraordinaire en la suivant au rythme effréné de ses séances photos, de ses interventions sur des plateaux de télévision et de ses virées shopping dans New York. De nombreuses personnalités — créateurs de mode, photographes, journalistes, etc. — qui l’entourent et l’admirent racontent son histoire, à travers leur rencontre avec elle. Le film présente aussi des images d’archives de moments clé de la vie d’Iris et propose ainsi un tableau riche, composé d’allers-retours dans cet entraînant parcours.
Le personnage que nous présente Albert Maysles est fascinant, touchant et plus complexe qu’il n’y paraît. Outre sa curiosité et son sens de l’humour, le documentariste parvient à révéler l’intelligence fine de la vieille dame, dont l’exubérante personnalité cache une grande sagesse apaisante.

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