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Appartient au dossier : Espace : vers l’infini et au-delà ?

18,7 milliards d’euros pour l’agence spatiale européenne ?

Le directeur général de l’agence spatiale européenne (ESA) demande à ses États membres 18,7 milliards d’euros sur trois ans pour que l’Europe conserve son statut de puissance spatiale, alors que des décisions sur le budget de l’agence sont attendues en novembre 2022. Balises s’intéresse à la gestion et au financement de la stratégie spatiale européenne, à l’occasion du cycle « Espace, frontière de l’infini », proposé par la Bpi à l’automne 2022.

Antenne de la station de l'ESA l'E
Scènes autour de la station New Norcia de l’ESA, Australie-Occidentale, après l’installation d’une centrale solaire en 2017. Crédit ESAD. O’Donnell CC BY-SA 3.0 IGO

Demander une contribution en augmentation de 25 % sur trois ans à ses vingt-deux États membres, dans un contexte économique et géopolitique fragilisé par le Covid-19, la guerre en Ukraine et l’inflation en Europe, peut sembler incongru. Mais Joseph Aschbacher, le directeur général de l’ESA, l’affirme : « L’Europe n’a pas le choix et doit augmenter ses investissements dans l’espace ou rester sur le bord du chemin. » Ces dernières années, la concurrence s’est accrue et de nouveaux acteurs publics et privés ont émergé, menaçant la position de l’Europe jusque dans ses domaines d’excellence, comme celui du lancement. De plus, Joseph Aschbacher souhaite développer des projets de voyage habité, au programme des agences spatiales comme des sociétés privées.

Quel budget pour les principales agences ?

Les investissements des puissances spatiales ont beaucoup évolué depuis 2017.

L’ESA espère réunir auprès des États membres une contribution de 18,7 milliards d’euros sur les trois prochaines années, soit 6,23 milliards d’euros par an contre 4,81 milliards d’euros en 2022. Aux financements versés par les États membres viennent s’ajouter d’autres dotations, comme celle de la Commission européenne. Le budget total de l’ESA atteignait 6,49 milliards d’euros en 2021 et 7,15 milliards d’euros en 2022. Malgré cette première augmentation, son budget annuel reste bien en dessous de celui de la Nasa, l’agence spatiale américaine : 24 milliards d’euros en 2022, avec une possible augmentation de 2 milliards pour 2023.

Si le budget de la Nasa reste bien supérieur à celui de ses concurrents, ceux-ci disposent néanmoins de moyens conséquents. La CNSA, l’agence spatiale chinoise, est désormais la deuxième investisseuse mondiale, avec environ 10 milliards de dollars en 2021. L’UAESA, l’agence des Émirats arabes unies fondée en 2014, a bénéficié d’un budget de 5 milliards de dollars en 2021. À l’inverse, la Russie prévoit une diminution de 16 % de son budget spatial dans les prochaines années. Roscosmos, l’agence spatiale russe, dispose de 2,5 milliards d’euros en 2022 pour ses projets spatiaux.

Quelles sommes versent les États membres de l’ESA ?

L’ESA compte vingt-deux États membres : l’Allemagne, l’Autriche, la Belgique, le Danemark, l’Espagne, l’Estonie, la Finlande, la France, la Grèce, la Hongrie, l’Irlande, l’Italie, le Luxembourg, les Pays-Bas, la Pologne, le Portugal, la Roumanie, la Suède, la République tchèque et, au-delà de l’Union européenne (UE), la Norvège, le Royaume-Uni et la Suisse. Ils contribuent au financement des activités obligatoires de l’ESA, proportionnellement à leur Produit intérieur brut (PIB). Ils peuvent également financer les programmes facultatifs qui les intéressent.

En 2022, les financements des États membres représentent 64 % du budget de l’ESA. Les principaux contributeurs sont la France, avec 1,78 milliard d’euros (soit 24,5 % du budget émanant des États membres), l’Allemagne (21,1 %) et l’Italie (14,1 %).

La France est le premier contributeur depuis 2018. À l’occasion de la réunion informelle des ministres européens chargés de l’espace en février 2022, la France a annoncé une augmentation de son budget spatial d’environ 25 %, pour le porter à 9 milliards d’euros sur trois ans. Une partie de cette somme sera attribuée à l’ESA, le reste étant dédié à des projets nationaux, à des accords bilatéraux et à la défense spatiale.

Quels sont les intérêts d’une coopération sous l’égide de l’ESA ?

L’ESA élabore la stratégie spatiale européenne avec les représentants des pays membres et coordonne les projets scientifiques et technologiques civils au niveau européen. La collaboration européenne permet de conserver un statut de puissance spatiale et de conserver un accès à l’espace. La gouvernance par l’ESA instaure un climat de confiance entre les industries nationales, qui restent en compétition sur le marché international ou qui travaillent sur des technologies sensibles.

L’ESA attribue des contrats pour la réalisation d’activités spatiales à l’industrie d’un État membre pour un montant correspondant à peu près à sa contribution. Ce « retour géographique » est censé permettre une répartition équitable des marchés. Pour les programmes facultatifs, l’ESA procède à des appels d’offres. La France est le premier bénéficiaire de ces retours. Le retour sur le programme achevé H2020 est même qualifié d’« excellent » dans le Budget Recherche spatial 2022.

Une coopération durable ?

Sans remettre en cause l’action ni les succès de l’ESA, de nombreux articles pointent des difficultés d’une telle coopération inter-étatique et soulignent les hésitations des États membres entre entente européenne et souveraineté nationale.

« Il existe une concurrence au sein des États, voire une divergence d’intérêts économiques, stratégiques ou diplomatiques. La suppression de 527 postes au sein d’ArianeGroup d’ici la fin 2022 ou le changement de site de production des moteurs d’Ariane 6 de Vernon, en France, vers Ottobrunn, en Allemagne, témoignent de la précarité des installations industrielles ou des désaccords entre États membres. »

« France et Europe : quelles politiques spatiales ? », vie-publique.fr, 2022

L’ESA porte avant tout une idéologie scientifique. Certains de ses membres souhaiteraient voir ses compétences élargies au domaine industriel ou militaire. La mission de l’ESA ne comporte pas de volet militaire, alors même que les dépenses militaires dans le domaine spatial sont en hausse à travers le monde. Les États membres doivent donc dégager un budget pour leur défense spatiale, qui s’additionne à celui qu’ils accordent à l’ESA. Ils peuvent également soutenir leurs propres industries spatiales, et notamment la multitude de start-ups du New Space, cette nouvelle économie du spatial privé. Certains pays contractent donc des accords qui servent mieux leurs intérêts. Ainsi, l’Allemagne a annoncé, en septembre 2021, son soutien à un projet de site de lancement spatial en mer du Nord, concurrent de celui de l’ESA à Kourou, en Guyane.

Tous les pays de l’UE n’étant pas membres de l’ESA, la création d’une agence supranationale pour la politique spatiale européenne a été évoquée à plusieurs reprises depuis 2003. Une Agence de l’Union européenne pour le programme spatial (Euspa) est créée le 28 avril 2021 pour renforcer la compétitivité de l’industrie spatiale de l’UE, gérer la fourniture des services par satellite de Galileo et d’EGNOS et assurer l’homologation de sécurité du programme spatial de l’UE. Le recul est encore insuffisant pour savoir si ce nouvel acteur peut entrer en rivalité avec l’ESA sur certains sujets.

Publié le 24/10/2022 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

The European Space Agency (ESA)

Le site (en anglais) de l’ESA présente les activités de l’agence spatiale, son agenda, son actualité et son organisation. Une page est dédiée à la préparation du Conseil ministériel 2022 et expose la politique de l’agence pour 2023.

Centre national d'études spatiales (CNES)

Le CNES est l’opérateur de l’État français dans le domaine spatial. Il élabore la politique spatiale de la France qu’il soumet aux pouvoirs publics et la met en œuvre dans cinq grands domaines stratégiques : Ariane, les sciences, l’observation, les télécommunications et la défense spatiale. Son budget comporte la contribution à verser à l’ESA.

« France et Europe : quelles politiques spatiales ? » | Vie-publique.fr, 20 septembre 2022

« La France et l’Union européenne ont défini une stratégie spatiale à partir des années 1960. Le lanceur Ariane est un succès mais les enjeux de la politique spatiale ont beaucoup changé. Militarisation, émergence d’acteurs privés… La France et l’Europe ont-elles une place dans l’espace ? »

« La France dans l'espace : entre indépendance et coopérations », par Maxime Tellier | France Culture, 2 septembre 2019

La France tient une place importante dans le secteur spatial. Elle est présente dans tous les domaines, hormis le vol habité autonome. Elle investit près de la moitié de son budget spatial dans les programmes de l’ESA et collabore avec d’autres puissances spatiales.

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