Sélection

Appartient au dossier : Lectures d’été 2025 : éveillez vos sens !

Lectures d’été 2025 – Le nez dans les livres

Cette sélection estivale sent bon les vacances ! Balises et Tu vas voir ce que tu vas lire vous proposent sept ouvrages (romans, bande dessinée) dans lesquels l’odorat est mis en avant.

Photomontage : un homme de profil, portant des lunettes de soleil, sent un livre sur lequel est posé une mouette. Fond bleu évoquant une scène d'été au bord de la mer
Photomontage réalisé par Karine Hulin, Bpi, à partir d’une photo d’Anne Bléger, Bpi et de ressources Freepik

Tous les ans, Balises et Tu vas voir ce que tu vas lire vous proposent une sélection de lectures d’été : romans, essais, bandes dessinées, romans graphiques, recueils de poésie. Notre sélection estivale 2025 vous donne l’occasion d’éveiller vos sens !

Retrouvez tout au long de l’année d’autres chroniques littéraires sur les comptes Facebook et Instagram de Tu vas voir ce que tu vas lire, animés par le service littérature de la Bpi.

Publié le 21/07/2025 - CC BY-SA 4.0

Notre sélection

Les Nuits de la peste

Orhan Pamuk
Gallimard, 2022

En 1901, l’île de Mingher, petit paradis de l’Empire ottoman, vit des heures sombres : l’épidémie de peste croît à une vitesse extrême, et il devient urgent de mettre en place toutes les mesures sanitaires. La princesse Pakizé et Nuri, son mari, partent en voyage de noces sur le bateau L’Aziziye, qui doit les mener jusqu’en Chine. Rien ne se passe comme prévu : le docteur Nuri est requis sur l’île pour mettre en place la quarantaine, laquelle devra être acceptée par les communautés chrétiennes et musulmanes de l’île.

Orhan Pamuk livre ici un récit d’aventures, roman-fleuve de 680 pages, où les personnages multiples – pachas despotes, islamistes acharnés, princesses déchues, officiers ambitieux – mêlent leurs destins sur ce micro-territoire afin de construire un État-nation, dans un Empire ottoman sur le déclin. Comme dans ses précédents livres, l’auteur attache une grande importance aux descriptions méticuleuses, nous plongeant ainsi dans l’atmosphère des rives du Bosphore, son orientalisme, ses parfums de rose mais aussi de poudre, ses mythologies et un certain goût de fin d’un monde.

À la Bpi, 894.35 PAMU

À la ligne

Joseph Ponthus
La Table Ronde, collection Vermillon, 2019

« L’usine c’est pour les sous ». Parce qu’il ne trouve pas de travail dans sa branche, Joseph Ponthus finit par se résoudre à accepter des missions d’intérim dans l’industrie agro-alimentaire. De l’univers clinique et froid des abattoirs et des usines de conditionnement de fruits de mer, il rapporte des odeurs, et, chaque soir, quelques lignes d’écriture, des « feuillets d’usine » comme autant de minutes volées au travail, si harassant qu’il empêche de penser et de rêver. Une ligne à la fois, restituant le rythme haché de la chaîne de travail, il décrit les tâches infinies, violentes et insensées, et la fatigue et la douleur qui empoisonnent les jours de repos.

Avec un dépouillement qui n’exclut en rien une attention à la beauté surgissant dans la rigidité mécanique des journées de travail, Joseph Ponthus livre un témoignage nécessairement engagé, où brillent avec un éclat particulier les figures des camarades de galère, héros malgré eux d’une réalité sordide.

À la Bpi, 840″20″ PONT

À la ligne

Julien Martinière, d'après le roman de Joseph Ponthus
Sarbacane, 2024

Adaptation du roman éponyme de Joseph Ponthus en bande dessinée.

À la Bpi, RG MAR A

Presqu'île

Vincent Jolit
Fayard, 2017

On manque tous de temps pour (re)lire Proust… Le narrateur de Presqu’île a enfin trouvé l’occasion : puisqu’il doit être hospitalisé, il profitera de sa convalescence pour retrouver Swann et Albertine. Mais dans son lit d’hôpital, son esprit vaque vers ses propres souvenirs, composant une Recherche personnelle. On n’y trouvera pas le parfum de la madeleine mais celui du mimosa d’un jardin oublié, quelque part sur la presqu’île de Giens…

Se plaçant dans le sillage de Proust, Vincent Jolit ne renonce pas pour autant à la sincère modestie qui le caractérise, s’essayant au phrasé proustien avec une application d’artisan. Plein de charme et d’émotion retenue, le petit album de souvenirs qu’est Presqu’île vaut bien que l’on repousse, encore une fois, le moment de relire la Recherche

À la Bpi, 840″20″ JOLI 

Le Parfum des fleurs la nuit

Leïla Slimani
Stock, 2021

Alors qu’elle souhaite s’isoler pour se concentrer exclusivement sur l’écriture de son futur roman, refusant catégoriquement toute distraction provenant du monde extérieur, Leïla Slimani accepte de rencontrer Alina Gurdiel, éditrice en charge de la collection Ma nuit au musée chez Stock. Cette dernière lui propose de passer une nuit blanche à la Pointe de la Douane à Venise, célèbre monument transformé en musée d’art contemporain. Malgré la culpabilité provoquée par l’abandon temporaire de son projet de roman et malgré la crainte de ne pas trouver l’inspiration recherchée à travers les œuvres d’art qui l’accompagneront toute la nuit, l’autrice accepte la proposition. Elle saisit l’occasion de cette expérience inédite pour livrer un récit à la fois discret et sincère. Au fil des œuvres d’art qui bercent sa nuit au musée, Leïla Slimani aborde avec pudeur et humilité des sujets aussi intimes et profonds que la solitude de l’écriture, la quête de sa propre identité, le devoir de mémoire, ou encore son rapport à la figure paternelle.

Le Parfum des fleurs la nuit fait le portrait d’une vie oscillant entre Orient et Occident, entre désir d’émancipation et retour à soi, entre soif de mouvement et quête d’une immobilité rassurante. L’écriture parvient subtilement à faire le lien entre ces différentes contradictions, qui trouvent finalement un équilibre avec le pouvoir de la littérature. Seule la littérature semble non seulement pouvoir accepter l’inexplicable, mais aussi sublimer les failles d’un monde qui, mû par un désir d’éternité illusoire et insatiable, cherche constamment à en invisibiliser la beauté.

À la Bpi, 846.1 SLIM

Le Commerce des allongés

Alain Mabanckou
Seuil, 2022

Le jeune Liwa émerge d’un profond engourdissement, et très vite, tout comme lui, nous nous rendons à l’évidence : c’est au royaume des morts qu’il reprend progressivement conscience, plus précisément dans le cimetière du Frère-Lachaise, à Pointe-Noire, capitale de la République du Congo. Il aura beaucoup à faire, entre la découverte de ce monde nouveau, peuplé de défunts hauts en couleur de la société congolaise, et les visites au monde des vivants dans lequel il a encore des choses à accomplir. Après une enfance joyeuse, au milieu des danses et des odeurs de beignets de la rue du Joli-Soir, qu’a-t-il pu arriver à Liwa pour être si brutalement séparé de Mâ Lembé, sa grand-mère ? Reparcourant le fil de sa vie et le passé de sa famille, il part en quête de vérité, et de réparation.

Grâce à l’usage d’un « tu » s’adressant à la fois au personnage et au lecteur, Alain Mabanckou nous guide à travers une culture où les morts sont aussi agissants que les vivants. C’est avec un bonheur presque enfantin que nous acceptons que les frontières s’abolissent, dans ce récit onirique où l’humour n’affaiblit en rien l’expression d’un vrai besoin de justice sociale et d’égalité entre les sexes.

À la Bpi, 846.3 MABA 

Mauvaises herbes

Dima Abdallah
Sabine Wespieser éditeur, 2020

À douze ans, la narratrice de Mauvaises herbes quitte le Liban en proie à la guerre civile. Elle laisse derrière elle son pays et son père, ce tendre géant qui lui a appris l’amour des mots et des plantes, qu’il soignait inlassablement sur le balcon de l’appartement de Beyrouth. Arrivée à Paris, où elle se résigne à une vie solitaire, la jeune fille tente de maintenir un lien avec son enfance en cultivant des plantes dont la présence discrète devient pour elle une sorte de refuge, un réconfort face à son anxiété suffocante.

Récit à deux voix, Mauvaises herbes donne à entendre les non-dits et les incompréhensions de plus en plus irrémédiables qui s’installent entre un père et sa fille séparés par un continent. D’une grande sensibilité, ce premier roman de Dima Abdallah oppose, aux démons qui dévorent ses personnages, la calme résolution des plantes et des mauvaises herbes qui se frayent un chemin au cœur de tous les désastres. Attentive à leurs bruissements, à leurs parfums, à leurs couleurs, l’autrice propose ainsi une variation aussi subtile qu’expressive sur les thèmes de l’exil et du déracinement.

À la Bpi, 845 ABDA