En chiffres

Appartient au dossier : Correspondances à l’ère du numérique

7 milliards de messages vocaux, rien que sur WhatsApp

Sans détrôner le texto, le message vocal s’impose comme un mode de communication alternatif favorisant une communication plus naturelle et générationnellement marquée. Que révèle cette tendance sur les modes de communication en 2025 et sur le rapport à l’écrit ?

un jeune homme écoute un vocal en portant son téléphone à l'oreille.
Photo Fabienne Charraire, Bpi

Migrations des messages sur les messageries instantanées

Le premier message écrit sur téléphone mobile est envoyé en 1992, mais la pratique s’est démocratisée à la fin des années 1990, début des années 2000. Le SMS (Short Message Service ou minimessage) s’enrichit de multimédia pour devenir MMS (Multimedia messaging service) en 2002. En 2016, près de 194 milliards de SMS sont émis par des particuliers et sept milliards par des entreprises. Mais à partir de 2017, le volume des SMS textuels baisse. Les échanges se déroulent désormais sur les messageries instantanées, comme WhatsApp, Messenger… 

La messagerie WhatsApp est la 3e application la plus téléchargée dans le monde en 2024, derrière TikTok et Instagram. Avec ses deux milliards d’utilisateurs actifs mensuels dans le monde, c’est plus de 100 milliards de messages textuels, vidéos ou audios qui sont envoyés (chiffres 2022). En France, une enquête Ifop de 2023 recense 30 millions d’utilisateurs actifs pour WhatsApp. Ces chiffres, auxquels s’ajoutent ceux des plateformes concurrentes, illustrent l’intensité des échanges numériques actuels.

WhatsApp innove en 2013 en proposant le premier un bouton micro pour enregistrer facilement sa voix. Messenger, Telegram, Viber, WeChat, Instagram… suivent. L’usage du vocal connait une accélération durant la pandémie de Covid-19, d’après Célia Schneebeli, maîtresse de conférences et chercheuse en linguistique à l’université de Bourgogne. Confinements et distanciation sociale renforcent le besoin de créer du lien, et la voix s’impose comme un vecteur privilégié des émotions. Elle crée du lien social et de la proximité malgré la distance.

Un engouement générationnel pour les vocaux 

L’usage du SMS « demeure l’apanage des 12-25 ans », souligne l’Autorité de régulation des communications électroniques (Arcep) en 2025. Ils envoyaient près de 80 SMS par mois en 2004, quand un client mobile envoyait en moyenne 23 SMS par mois. Ils sont désormais très actifs sur les messageries vocales. Selon le baromètre du numérique du Credoc, « 85 % des 12-17 ans envoient des messages quotidiennement » sur les messageries en 2024. WhatsApp est largement plébiscitée par les jeunes, y compris chez les 10-13 ans, sous l’âge minimum légal d’inscription fixé à 13 ans, selon une étude de l’agence Heaven de 2023. Avec le message vocal, les messageries proposent un nouvel usage de communication, proche du SMS, mais débarrassé de son image un peu ringarde. De quoi séduire leurs jeunes utilisateur·rices.

L’étude menée par Preply sur l’opinion des Français·es sur les messages vocaux en 2025 constate ce phénomène générationnel autour des vocaux : « plus on est jeune, plus on utilise la messagerie vocale. En moyenne, les membres de la génération Z envoient et reçoivent près de 6 messages audio chaque jour, [quand la moyenne nationale est de 3,7] et seuls 10 % d’entre elles et eux déclarent ne jamais en utiliser. » Le vocal est apprécié par sa praticité : on peut l’enregistrer partout, sans devoir se poser pour écrire. Pas besoin non plus de maîtriser l’orthographe ou de trouver des astuces de langage pour raccourcir le temps de saisie…

Si les jeunes privilégient les vocaux, c’est aussi pour une autre raison : l’aversion croissante de toute une génération pour les appels téléphoniques. Près d’un quart des jeunes adultes ne répondent pas aux coups de fil et préfèrent les messages ou les notes vocales. Plus des trois quarts des moins de 30 ans, habitué·es au virtuel, ressentent de l’anxiété quand leur smartphone sonne. Toutefois, si les conversations asynchrones rassurent les phobiques des appels téléphoniques, pourquoi préférer la voix au texte ?

Pas tous accros aux vocaux

Dans certains pays, le gain de temps par rapport à la saisie est vraiment rentable : quand le clavier du matériel n’est pas adapté à la langue ou que l’application n’est pas conçue dans la langue, par exemple. Ainsi, « 50 % du trafic vocal mondial sur l’application Messenger provient du Cambodge […]. Un chiffre qui s’explique par le fait que la langue khmère ne bénéficie que de rares claviers adaptés à son alphabet », nous apprend Usbek&Rica. Pour les malvoyant·es, l’audio apporte un réel confort, puisque le message permet de garder une empreinte personnelle, contrairement aux messages textuels retranscrits par une voix artificielle.

Tendance et pratique, la note vocale ne fait néanmoins pas l’unanimité, y compris dans la génération Z. Si les émetteur·rices apprécient sa facilité d’utilisation, la moitié des destinataires trouvent « les messages vocaux peu pratiques à écouter dans certains environnements », selon l’étude Preply sur les Français·es et les messages vocaux. Il est difficile à écouter dans des endroits bruyants. De plus, sur l’écran, la mise en forme du message vocal ne permet pas, encore, de connaître rapidement le sujet du message.

Près de deux Français·ses sur cinq le trouve pertinent lorsqu’il s’agit d’expliquer quelque chose de complexe et un sur quatre estime qu’il permet de « clarifier ou d’éviter des malentendus ». 29 % des répondant·es à l’enquête pensent que le message audio permet de mieux exprimer ses émotions. Effectivement, le spécialiste en comportement Christophe Haag résume ainsi les pouvoirs de la voix : « La voix est un second visage, elle est aussi expressive que le faciès. Par d’infimes changements, elle peut trahir l’émotion, séduire ou irriter, blesser ou persuader. » Certain·es en jouent pour se mettre en scène, d’autant qu’il est possible d’écouter le vocal avant envoi et de réenregistrer si nécessaire. Mais d’autres abusent de ce procédé et les vocaux s’accumulent, leur durée s’étirent. Ils finissent par tisser un récit à sens unique qui lasse. 64 % des membres de la génération Z estiment « avoir un ami qui en fait un usage excessif ».

Grâce à l’intelligence artificielle, les assistants vocaux de plus en plus performants et naturels, les enregistrements audio sont retranscrits et le marché de la voix est appelé à se développer. Toutefois, le clivage autour du message vocal relevé par l’enquête Preply laisse envisager une coexistence entre écrit et audio, en fonction des contextes et des besoins. En 2025, la communication sur mobile s’oriente donc vers une hybridation des modes de communications, où le message audio ou écrit est retranscrit automatiquement, permettant de passer d’un mode à l’autre.

Publié le 11/08/2025 - CC BY-SA 4.0

Pour aller plus loin

Enquête : les Français et les messages vocaux, avril 2025 | Preply

L’opinion des Français sur les messages vocaux et les règles d’étiquette à adopter.

« "Un appel, c'est presque un traumatisme" : téléphoner, le cauchemar des ados », | Slate, 12 décembre 2024

Pour toute une génération, la sonnerie du téléphone devient un signal d’effroi.

« Au téléphone, les adolescents ne répondent plus : manque de politesse ou nouveaux usages ? » | The Conversation, 21 juillet 2025

Derrière le refus des ados de répondre au téléphone se joue une transformation globale des normes de communication. Explications à l’usage des parents… et de tous.

La voix, souffle de l’émotion. Parole et chant à l’âge classique

Claudia Schweitzer
ENS Éditions, 2022

À la Bpi, dans la base OpenEdition

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